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ce que fait André, marque une âme qui désire de tout son cœur l’avènement du Messie, qui espère qu’il viendra du ciel, qui tressaille de joie quand elle apprend qu’il est venu, et se hâte d’annoncer aux autres une si grande nouvelle. Dans les choses spirituelles, se tendre mutuellement la main, c’est le fait d’une amitié fraternelle et d’un vrai parent qui aime bien et sincèrement.
Écoutez-le, comment lui aussi, il ajoute l’article. Car André n’a pas seulement dit un Messie, mais le Messie : « Celui que nous attendons ». Par où il paraît qu’ils attendaient un Christ, qui n’avait rien de commun avec les autres. Mais remarquez que dès le commencement Pierre est d’un esprit docile et soumis. D’abord, et sans plus tarder il accourt : « Il l’amena à Jésus » (dit l’évangéliste). Au reste, que nul ne blâme sa facilité a recevoir cette parole sans beaucoup d’examen. Il est vraisemblable gale son frère la lui expliqua avec soin et au long ; mais les évangélistes s’attachant à la brièveté, rapportent sommairement bien des choses. D’ailleurs saint Jean ne dit pas que Pierre crut aussitôt ; mais « qu’il l’amena à Jésus », pour le lui donner, afin qu’il apprît toutes choses de lui. L’autre disciple y était aussi présent et participait à tout. Que si, lorsque Jean-Baptiste a dit : Voilà l’agneau, voilà celui qui baptise dans le Saint-Esprit, il a laissé à Jésus-Christ le soin de nous donner une plus claire intelligence de cette doctrine ; André, qui sans doute, ne s’estimait pas capable de tout expliquer, a dû à plus forte raison faire de même : Aussi s’est-il contenté d’amener à la source même de la lumière son frère, qui en avait un si grand empressement et une si grande joie, qu’il n’hésita même pas un petit moment. « Jésus l’ayant regardé lui dit : Vous êtes Simon fils de Jean : Vous serez appelé Céphas, c’est-à-dire Pierre ». Ici déjà Jésus-Christ commence à découvrir peu à peu sa divinité par des prédictions. Et c’est ainsi qu’il en usa avec Nathanaël (Jn. 1,48), et avec la femme samaritaine. (Jn. 4, l8)
2. Car les prophéties ne touchent pas moins les hommes que les miracles, et elles excluent toute idée de charlatanisme. Les insensés peuvent calomnier les miracles : « Cet homme », disaient les Juifs, « chasse les démons par la vertu de Béelzébuth » (Mt. 12,24) ; mais jamais on n’a parlé de même des prédictions et des prophéties. A l’égard donc de Simon et de Nathanaël, Jésus-Christ s’est servi de cette sorte de doctrine et d’instruction ; mais il n’a pas fait de même à l’égard d’André et de Philippe. Pourquoi ? parce qu’ils avaient ouï le témoignage de Jean-Baptiste, qui n’avait pas médiocrement servi à les préparer : la vue des autres disciples fut pour Philippe un témoignage digne de foi, capable d’exciter et d’embraser son cœur. « Tu es Simon fils de Jean : Tu seras appelé Céphas, c’est-à-dire Pierre ». Jésus rend croyable la prédiction d’une chose future au moyen d’une chose présente : celui qui nommait le père de Pierre prévoyait sans doute l’avenir. Or, il y a de l’honneur et de la gloire à prédire ainsi ce qui ne doit arriver que longtemps après. Au reste ce n’était point là un compliment flatteur, mais une vraie prédiction de l’avenir, l’avenir même le montra.
Mais faites attention à la force avec laquelle Jésus reprend la Samaritaine, en lui découvrant sa vie passée : « Vous avez eu cinq maris », lui dit Jésus-Christ, « et maintenant celui que vous avez n’est pas votre mari ». (Jn. 4,18) De même son père parle souvent de la prophétie, lorsqu’il s’élève contre le culte des idoles : « Qu’ils découvrent », dit-il, « ce qui vous doit arriver », et encore : « J’ai prédit » l’avenir, « et je vous ai sauvés, et il n’y a point d’étranger parmi vous[1] ». Et c’est la même chose dans toutes les prophéties. Car c’est là principalement son œuvre, que les démons ne peuvent imiter, quelque effort qu’ils fassent. En effet, dans les miracles l’apparence et l’illusion peuvent tromper mais la nature immortelle, mais Dieu seul peut exactement prédire l’avenir. Que si quelquefois les démons ont fait des prédictions, ils n’ont fait que tromper les fous ; aussi toujours leurs oracles se sont trouvés faux.
Pierre ne répond rien à ce que lui prédit Jésus : il ne voyait rien clairement encore, mais cependant il apprenait : il ne voyait pas clairement la prédiction dans son entier : Car Jésus n’avait pas encore dit : Je te surnommerai Pierre, « et sur cette pierre je bâtirai mon Église », mais : « Tu seras appelé Céphas ». (Mt. 16,18) La première parole marquait une plus grande autorité et une plus grande

  1. Je n’ai pu trouver ces deux passages ni dans les Septante, ni dans la Vulgate. Le saint Docteur a apparemment cité de mémoire non les paroles, mais le sens.