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« Que cherchez-vous ? » Que veut dire cela ? Quoi ! « Celui qui connaît les cœurs de tous les hommes (Act. 1,24) ; celui devant qui toutes nos pensées sont à nu et à découvert » (Héb. 4,13), interroge et demande ? mais ce n’est pas pour apprendre, Et comment pourrait-on le dire ? il les interroge, pour se les attacher davantage, pour leur inspirer une plus grande confiance et pour faire voir qu’ils sont dignes de son entretien. Car il est vraisemblable qu’étant inconnus, ils étaient honteux et craintifs avec un maître dont ils avaient ouï dire de si grandes choses. Jésus donc les interroge ; par là il chasse leur crainte et leur honte, et il ne permet pas qu’ils aillent en silence jusqu’à sa demeure. Mais quand même il ne leur aurait pas demandé ce qu’ils cherchaient, ils ne l’auraient pas moins suivi et ne seraient pas moins allés avec lui jusqu’à sa maison. Pourquoi donc les, interroge-t-il ? C’était pour ce que j’ai dit, c’est-à-dire pour les encourager, pour chasser leur honte et leur timidité, et leur inspirer de la confiance. Mais ce n’est pas seulement en suivant Jésus que ces disciples marquèrent leur désir et leur envie de s’attacher à lui, mais encore par la réponse qu’ils firent à sa demande. Avant d’avoir rien appris de lui, de lui avoir rien ouï-dire, ils ne laissent pas de l’appeler leur maître, s’introduisant comme de force au nombre de ses disciples, et faisant connaître que s’ils le suivent, c’est pour apprendre de lui des choses utiles.
Considérez, je vous prie, leur prudence. Ils ne disent pas : Instruisez-nous, ou apprenez-nous quelque chose d’utile et de nécessaire ; mais que disent-ils ? « Où demeurez-vous ? » Ils désiraient, comme j’ai dit, lui parler, l’entendre, se faire instruire tout à leur aise. Voilà pourquoi ils ne diffèrent point et ne disent pas : Nous viendrons demain, et nous vous entendrons, lorsque vous parlerez en public ; mais ils montrent leur grand désir de l’entendre, en cela même qu’ils ne s’en retournent pas chez eux, quoique l’heure les presse, le soleil étant près de se coucher. L’Écriture le fait remarquer : « Il était alors », dit-elle, « environ la dixième heure du jour ». Aussi Jésus-Christ ne leur indique point le lieu de sa demeure, ni les moyens de la reconnaître, mais il les engage encore plus à le suivre ; en quoi il fait voir qu’il les a déjà reçus au nombre de ses disciples. Voilà pourquoi il ne leur dit rien de semblable : il est bien tard, il n’est pas temps de venir à présent dans ma maison, vous apprendrez demain ce que vous voudrez, maintenant allez-vous-en chez vous : mais il leur parle comme à des amis familiers attachés depuis longtemps à sa personne.
Pourquoi donc Jésus dit-il ailleurs : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête » (Lc. 9,58) ; et ici : « Venez et voyez où je demeure (39) » ? Mais ces paroles : « Il n’a pas où reposer sa tête », marquent qu’il n’avait pas de maison à lui, et nullement qu’il ne logeât point dans quelque maison. C’est ainsi qu’il faut entendre la parabole. Au reste l’évangéliste dit, qu’« ils demeurèrent chez lui ce jour-là », mais il n’en a pas dit la raison, parce qu’elle est évidente. Ils n’ont en effet suivi Jésus, ou Jésus ne les a lui-même attirés et engagés à venir chez lui, que pour apprendre sa doctrine, qu’ils ont reçue en une nuit si abondamment et avec tant d’ardeur et de zèle, que chacun d’eux peu après a couru de son côté en appeler d’autres.
4. Apprenons de là, mes frères, à préférer la divine doctrine à toute autre chose, et à regarder toute sorte de temps comme propre et convenable pour notre instruction. Ne négligeons jamais de faire un si heureux commerce ; fallût-il entrer dans une maison étrangère ; fallût-il nous présenter devant de grands personnages sans être connus d’eux ; fallût-il le faire à une heure indue et au moment le moins opportun. Que le manger, les bains, les repas, et les autres choses qui regardent la vie aient donc leur temps marqué, mais que l’étude de la céleste philosophie n’ait point d’heure fixe, que toute heure lui soit bonne et propre : « À temps, à contre-temps », dit l’Écriture, « reprenez, suppliez, menacez ». (2Tim. 4,2) Le Prophète dit aussi : « Il méditera jour et nuit la loi du Seigneur ». (Ps. 1, 2) Moïse ordonnait de même aux Juifs de la méditer toujours. Ce qui regarde la vie, comme les bains et les aliments, quelle qu’en soit la nécessité, peut, si l’on en use trop fréquemment, affaiblir le corps et le faire dépérir : mais, à l’égard de la doctrine, plus ou l’inculque dans l’âme, plus on rend celle-ci forte et vigoureuse.
Et, toutefois, nous consacrons tout notre temps à des bagatelles, à des inutilités ; au lever de l’aurore, le matin, à midi, le soir, nous allons vainement le perdre dans un lieu assigné, et si nous entendons la parole de Dieu une ou deux fois la semaine, nous nous assoupissons, nous nous dégoûtons : pourquoi ? Parce que notre esprit est gâté ; nous l’usons, nous dissipons tout son feu et toute son activité