maître, mais pour leur propre utilité et leur avantage.
Les prophètes et tous les apôtres ont prêché Jésus-Christ absent, ceux-là avant son avènement, ceux-ci après son ascension : mais Jean-Baptiste seul l’a annoncé présent : c’est pourquoi il est appelé l’ami de l’époux, étant le seul qui ait été présent aux noces. En effet, c’est lui qui a tout fait et tout achevé : c’est lui qui a commencé l’ouvrage ; c’est lui qui, « jetant la vue sur Jésus qui marchait, dit : « Voilà l’agneau de Dieu », montrant que ce n’était pas seulement par la voix, mais encore des yeux qu’il lui rendait témoignage. Il admirait Jésus-Christ, et en le contemplant son cœur tressaillait de joie. D’abord il ne le prêche pas, mais il se contente de l’admirer présent ; il fait connaître le don que Jésus est venu nous apporter, et il enseigne aussi de quelle manière on doit se purifier et se préparer à le recevoir, car le nom d’agneau marque l’une et l’autre chose. Il n’a point dit : c’est lui qui doit ôter ; ou qui a ôté ; mais c’est lui qui ôte le péché du monde, parce qu’il l’ôte toujours. Il n’a pas ôté les péchés seulement dans sa passion, quand il a souffert la mort pour nous ; mais depuis ce temps jusqu’à celui-ci il les ôte, quoiqu’il ne soit pas tous les jours crucifié, toujours attaché à la croix : il n’a offert qu’un seul sacrifice pour les péchés, mais par ce sacrifice seul il purifie toujours.
De même que le nom de Verbe montre son excellence, et celui de Fils sa prééminence et sa supériorité sur les autres, ainsi les noms d’agneau et de Christ et de prophète, de vraie lumière, de bon pasteur, et universellement tout autre nom qu’on lui donne, en y ajoutant l’article, marquent une grande distinction. Car il y a eu plusieurs agneaux, plusieurs prophètes, plusieurs christs, plusieurs fils ; mais l’article met celui-ci infiniment au-dessus de tous les autres. L’Écriture établit et confirme cette vérité, non seulement par l’article, mais encore par l’addition du mot « unique ». Effectivement, ce Fils n’a rien de commun avec la créature.
Que s’il semble à quelqu’un que la dixième heure ne soit pas un temps propre à d’aussi sérieux entretiens ; car, dit l’Écriture : « Il était alors la dixième heure » du jour pour moi, j’en juge autrement, et je dis que penser ainsi c’est se tromper beaucoup. Je conviens qu’à l’égard de plusieurs et de tous ceux qui vivent selon la chair, et lui sont asservis après le dîner, le temps n’est point' propre à discourir de choses sérieuses, parce que le poids des viandes appesantit l’esprit : mais songeons que celui qui parlait n’usait même pas des aliments communs, et était aussi léger le soir que nous le sommes le matin, ou plutôt beaucoup plus : il pouvait donc parfaitement, même à une heure avancée du soir, former ces sortes d’entretiens. Pour nous, souvent les restes et les fumées des viandes reviennent à pareille heure troubler notre imagination : mais ce lest n’appesantissait point le corps du saint prédicateur. De plus, il demeurait dans le désert et auprès du Jourdain, où tous accouraient au baptême avec beaucoup de crainte et de respect, fort indifférents à tous les soins charnels : à ce point qu’ils demeurèrent trois jours continus avec Jésus-Christ saris rien manger (Mt. 15,32). Il est d’un prédicateur courageux et zélé et d’un laboureur vigilant, de ne point quitter son champ qu’il n’ait vu sa semence prendre racine.
Mais pourquoi Jean-Baptiste, air lieu de parcourir toute la Judée, pour prêcher Jésus-Christ, s’est-il arrêté au long du fleuve a l’attendre, pour le montrer quand il viendrait ? C’est parce qu’il voulait que cela se fit par les couvres, et cependant il s’appliquait à le leur faire connaître, et à persuader à quelques-uns d’écouter celui qui a les paroles de la vie éternelle ; mais il a laissé à Jésus-Christ la tâche de se rendre à lui-même le plus grand témoignage, celui des œuvres, selon ce que dit Jésus-Christ lui-même : « Pour moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage, car les œuvres que mon Père m’a donné « pouvoir de faire, ces œuvres », dis-je, « rendent témoignage de moi ». (Jn. 5,34, 36) Voyez combien ce témoignage est plus grand et plus efficace. Jean avait jeté une petite étincelle de feu ; Jésus-Christ a paru, et aussitôt la flamme s’allume et s’élève. En effet, ceux qui auparavant ne faisaient pas même attention à la parole de Jean disent enfin : « Tout ce que Jean a dit de celui-ci, s’est trouvé vrai ». (Jn. 10,42) Or, si Jean fût allé partout tenant ce langage au sujet de Jésus-Christ, son témoignage aurait paru naître d’une affection toute humaine, et on n’aurait point eu de foi à sa prédication.
3. « Deux de ses disciples l’ayant entendu parler ainsi, suivirent Jésus (37) ». Jean
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