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qui ôte le péché du monde » : et ils n’en sont ni plus touchés, ni moins nonchalants. Voilà pourquoi il est dans l’obligation de répéter les mêmes choses, d’en user comme un laboureur qui voudrait amollir une terre dure et en friche à force de la remuer, de soulever par la parole comme avec la charrue leur esprit lourd et pesant, afin que la semence qu’il y jettera ensuite puisse pénétrer plus avant voilà pourquoi il ne fait pas de longs discours, n’ayant en vue que de les amener à Jésus-Christ. Il savait bien que s’ils avaient une fois accueilli avec soumission sa parole, ils n’auraient plus besoin, à l’avenir, de son témoignage : comme effectivement il arriva. Car si les samaritains, aussitôt qu’ils l’ont entendu parler, disent à la femme qui le leur avait annoncé : « Ce n’est plus sur ce que vous nous avez dit que nous croyons en lui ; car nous l’avons ouï nous-mêmes, et nous savons qu’il est le Christ, le Sauveur du monde » (Jn. 4,42) ; des disciples devaient être encore plus promptement gagnés, comme véritablement ils le furent ; puisque l’ayant suivi et entendu seulement un soir, ils ne retournèrent plus à Jean mais s’attachèrent si fort à Jésus qu’ils en reçurent le ministère de leur premier Maître, et prêchèrent le nouveau. « André a trouva », dit l’évangéliste, « son frère Simon a et lui dit : Nous avons trouvé le Messie, c’est-à-dire le Christ ». (Jn. 1,41)
Ici, mes frères, je vous prie de considérer une chose avec moi ; c’est que quand Jean-Baptiste disait : « Celui qui vient après moi est avant moi ». Et : « Je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers », il n’a gagné personne ; mais que, lorsqu’il a parlé de l’incarnation et tenu un langage moins sublime, c’est précisément alors que les disciples l’ont suivi. Et ce n’est point là seulement à quoi vous devez vous arrêter ; mais vous avez à observer encore qu’on n’attire point tant de gens lorsqu’on dit de Dieu des choses grandes et relevées, que lorsqu’on parle de sa clémence, de sa miséricorde, et de ce qui regarde le salut des auditeurs. En effet, ils ont ouï que Jésus ôtait le péché, et aussitôt ils sont accourus. S’il est possible de laver nos péchés et nos crimes, disaient-ils, pourquoi temporisons-nous ? il y a quelqu’un ici qui sans peine et sans travail nous en délivrera ne serait-il pas d’une extrême folie de remettre à un autre temps pour recevoir un si grand bienfait ? Que les catéchumènes écoutent ceci, eux qui remettent leur salut, qui diffèrent de recevoir le baptême, jusqu’au dernier souffle de vie.
« Jean était encore là », dit l’Écriture, « et il dit : Voilà l’agneau de Dieu ». Jésus-Christ ne parle point, c est Jean qui dit tout : l’Époux a coutume de faire de même, il ne dit rien à l’épouse ; mais il se présente et se tient dans le silence. D’autres l’annoncent et lui présentent l’épouse. Elle paraît et l’époux ne la prend pas lui-même, mais il la reçoit des mains d’un autre. Après qu’il l’a ainsi reçue d’autrui, il se l’attache si fortement qu’elle ne se souvient plus de ceux qu’elle a quittés pour le suivre. La même chose s’est passée à l’égard de Jésus-Christ. Il est venu pour épouser l’Église, il n’a rien dit lui-même, il n’a fait que se présenter. Jean l’ami de l’époux, a mis dans sa main la main de l’épouse, en d’autres termes, les âmes des hommes persuadés par sa prédication Jésus-Christ les ayant reçus, les a comblés de tant de biens, qu’ils ne sont plus retournés à celui qui les lui avait amenés.
2. Ce n’est point là seulement, mes frères, sur quoi vous devez porter votre attention comme dans les noces, ce n’est pas l’épouse qui va trouver l’époux ; mais l’époux qui court avec empressement vers l’épouse, fût-il lui-même fils de roi, et l’épouse fût-elle au contraire de basse condition, voire même une servante ; ici de même la nature de l’homme n’est point montée au ciel, mais l’époux s’est lui-même abaissé jusqu’à cette vile et méprisable nature. Et après la célébration des noces, l’époux n’a pas permis qu’elle demeurât davantage ici-bas, mais l’ayant prise avec soi, il l’a menée dans la maison paternelle.
Mais pourquoi Jean-Baptiste ne tire-t-il pas ses disciples à l’écart, pour les instruire de ces grandes vérités, et les donner ensuite à Jésus-Christ ? Pourquoi leur dit-il en public et en présence de tout le monde : « Voilà l’agneau de Dieu ? » C’est de peur que la chose ne parût concertée. Si ses disciples eussent été trouver Jésus-Christ à la suite d’exhortations particulières et comme pour lui faire plaisir, peut-être auraient-ils eu hâte de s’en aller mais s’étant au contraire portés à suivre Jésus-Christ sur ce qu’ils avaient publiquement ouï-dire de lui, ils ont persévéré avec fermeté, et sont devenus de fidèles disciples ; comme l’ayant suivi, non par complaisance pour leur