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Saint Matthieu, après que Jésus est sorti du désert, laissant ce qui s’est passé dans l’intervalle, par exemple : les interrogations des envoyés des Juifs, les réponses de Jean-Baptiste, et toutes les autres choses, vient tout à coup à sa prison : « Jésus », dit-il, « ayant ouï dire que Jean avait été mis en prison, se retira de là[1] » : Mais saint Jean ne fait pas de même, il ne parle point du départ de Jésus pour le désert, comme ayant été rapporté par saint Matthieu ; mais il raconte ce qui s’est passé après que Jésus fut descendu de la montagne, et, omettant bien des circonstances, il ajoute : « Car alors Jean – n’avait pas encore été mis en prison ». (Jn. 3,24)
Et pourquoi, direz-vous, Jésus vint-il alors auprès de Jean non une fois, mais deux ? Saint Matthieu le fait venir, parce qu’il le fallait, pour recevoir le baptême, et Jésus le déclare, en disant : « C’est ainsi que nous devons accomplir toute justice ». (Mt. 3,15) Mais Jean dit qu’il vint une seconde fois, après qu’il eut reçu le baptême ; ce qu’il fait visiblement connaître par ces paroles : « J’ai vu le Saint-Esprit descendre du ciel comme une colombe, et demeurer sur lui ». (Jn. 1,32) Pourquoi vient-il donc à Jean ? non seulement il vint à lui, mais il fit une marche pour venir le trouver : « Jean vit Jésus », dit-il, « qui venait à lui ». Pourquoi donc est-il venu ? C’est parce que Jean l’ayant baptisé avec plusieurs autres, on aurait pu croire qu’il était venu à lui pour le même sujet qu’eux, c’est-à-dire pour confesser ses péchés, et en faire pénitence en les lavant dans le fleuve : il fut le voir une seconde fois, pour lui donner lieu par là d’effacer un pareil soupçon. Car lorsque Jean dit : et Voici l’agneau de Dieu qui ôte le « péché du monde », il éloigne et dissipe entièrement cette fausse opinion. Il est évident, en effet, que celui qui est si pur, qu’il peut laver les péchés des autres, ne, vient point pour confesser ses péchés ; mais pour donner occasion à cet admirable prédicateur d’imprimer plus profondément dans l’esprit de ses auditeurs ce qu’il avait dit auparavant, en le leur répétant une seconde fois, et d’y ajouter encore quelqu’autre chose.
2. Jean dit : « le voici », parce que plusieurs le cherchaient depuis longtemps à cause de ce qu’ils avaient entendu dire. Il le montre présent, et il dit : « le voici », pour leur faire connaître que c’était là celui même qu’on cherchait depuis si longtemps. « Celui-ci est l’agneau », il l’appelle agneau, rappelant ainsi à l’esprit des Juifs la prophétie d’Isaïe (Is. 16,1, 53,7), et encore l’agneau figuratif qu’on immolait du temps de Moïse, pour les mieux conduire à là vérité par la figure. Et certes, cet agneau n’a pris, ni effacé le péché de personne, mais celui-ci a pris et effacé les péchés de tout le monde : ce monde qui était prêt à périr, il l’a tout à coup délivré de la colère de Dieu. (1Thes. 1,10) « C’est celui-là même de qui j’ai dit : Il vient après moi un homme, qui est avant moi[2] (30) ». Ne voyez-vous pas ici, mes frères, l’explication que donne saint Jean à ce qu’il a dit ci-dessus ? Après avoir appelé Jésus agneau, et dit de lui qu’il ôte le péché du monde, il dit maintenant : « Il est avant moi », par où il fait entendre que le mot : « avant », doit s’expliquer par là : que c’est lui qui ôte le péché du monde, que c’est lui qui baptise dans le Saint-Esprit. Mon avènement n’a rien opéré de plus, que de vous annoncer le commun bienfaiteur de tout l’univers, et de vous administrer le baptême de l’eau ; mais l’avènement de celui-ci purifie tous les hommes, et donne l’efficace vertu du Saint-Esprit. Celui-ci est avant moi, c’est-à-dire il est plus grand, plus illustré que moi, « parce qu’il est plus ancien que moi ». Que ceux qui ont adopté les folles erreurs de Paul de Samosate[3] rougissent de combattre une vérité si claire et si évidente !
« Pour moi je ne le connaissais pas (31) ». Voyez comment il ôte tout soupçon par ce témoignage, montrant qu’il ne parle point ainsi de lui par faveur et par amitié ; mais que c’est par la révélation que Dieu lui en a faite. « Je ne le connaissais pas », dit-il, comment êtes-vous donc un témoin digne de foi ? Comment le ferez-vous connaître aux autres, si vous-même, vous ne le connaissez pas ? Jean-Baptiste n’a point dit : je ne le connais pas ; mais : « Je ne le connaissais pas », en sorte que par cela même il se montre très-digne de foi. Comment, en effet, aurait-il eu de la complaisance pour celui qu’il ne connaissait pas ? « Mais je suis venu baptiser dans l’eau, afin qu’il soit connu dans Israël ». Jésus-Christ

  1. « De là » i e. dans la Galilée. (Mt. 4,12)
  2. « Avant » i. e. Plus grand, plus considérable, comme le saint Docteur l’explique quelques lignes après.
  3. Paul de Samosate enseignait que le Fils n’avait point d’hypostase, ou qu’il n’était point une personne, avant qu’il naquît de Marie.