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leur intention. Ensuite, après qu’il a dit : « Je ne suis point le Christ », voulant cacher ce qu’ils machinaient dans leur cœur, ils reviennent encore à Élie et à la qualité de prophète. Mais dès qu’il leur a répondu qu’il n’est ni l’un ni l’autre, ils sont déconcertés, forcés de quitter leur masque, et de montrer à nu leur artificieux projet, en disant : « Pourquoi donc baptisez-vous, si vous n’êtes point le Christ ? » Puis revenant à leur hypocrite dessein, ils prononcent ces nouveaux noms, celui d’Élie, celui du prophète. Comme ils n’avaient pu le surprendre par leur flatterie, ils espéraient, mais à tort, le forcer par leur accusation à dire ce qui n’était point. O folie ! ô arrogance ! ô malséante curiosité ! Vous avez été envoyés, pour apprendre de Jean-Baptiste qui il est et d’où il est ; n’allez-vous pas maintenant lui faire la loi ? Car vous agissez encore en personnes qui veulent le contraindre de se déclarer le Christ. Cependant il ne se fâche point même alors ; il ne leur dit rien de ce qu’on aurait attendu : Prétendez-vous me commander et me faire la loi ? Mais il montre encore une grande modestie en ce qu’il dit : « Pour moi, je baptise dans l’eau, mais il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui va venir après moi[1], qui est au-dessus de moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers (26, 27) ».
3. Que peuvent opposer les Juifs à ce que nous venons de dire ? les voilà confondus ; ils ne peuvent éviter leur jugement, ni attendre aucun pardon : ils ont eux-mêmes prononcé leur arrêt. Comment ? de quelle façon ? Ils croyaient Jean-Baptiste un homme digne de foi, et si véridique, qu’ils le croyaient non seulement quand il rendait témoignage aux autres, mais encore quand il parlait de lui-même. Et en effet, s’ils n’eussent pas été dans ces dispositions, ils n’auraient pas envoyé lui demander à lui-même qui il était. Vous le savez, nous ne croyons à ceux qui rendent témoignage d’eux-mêmes, qu’autant que nous les regardons comme les plus véridiques de tous les hommes. Et ce n’est point là seulement ce qui leur ferme la bouche ; mais c’est aussi l’intention dans laquelle ils étaient venus l’interroger. D’abord ils sont vifs et pressants, ensuite ils changent et se modèrent. Jésus-Christ le montre par ces paroles : « Jean était une lampe ardente, et vous avez voulu vous réjouir pour un peu de temps à la lueur de sa « lumière ». (Jn. 5,35) Mais d’ailleurs sa réponse le rendait plus croyable. Car « celui « qui ne cherche pas sa propre gloire », dit encore Jésus-Christ, « est véritable, et il n’y a « point en lui d’injustice ». (Jn. 7,18) Or, Jean-Baptiste ne l’a point cherchée, mais il les a envoyés à un autre. Et, de plus, ceux qui avaient été envoyés étaient les plus dignes de foi d’entr’eux, des premiers et des plus considérables ; d’où il s’ensuit qu’il ne leur reste point d’excuse pour n’avoir pas cru en Jésus-Christ.
Car, je vous le demande, ô Juifs, pourquoi ne vous êtes-vous pas rendus à ce que Jean vous disait de Jésus-Christ ? Vous avez envoyé les premiers et les plus considérables d’entre vous, par leur bouche vous l’avez interrogé ; vous avez ouï ce qu’il a répondu. Vos envoyés ont employé tout leur zèle, tous leurs soins et toute leur adresse ; ils se sont informés de tout, ils ont tout examiné et nommé tous ceux sur qui vous aviez jeté vos soupçons : et toutefois il a confessé avec une grande liberté qu’il n’était ni le Christ, ni Élie, ni le prophète attendu. Non content de cela, il vous a appris qui il était, et vous a entretenu de la nature de son baptême ; il vous a déclaré que c’était peu de chose, qu’il n’avait rien de grand, rien de plus que de l’eau, vous montrant en même temps la supériorité et l’excellence du baptême conféré par Jésus-Christ. Il vous a aussi cité le prophète Isaïe qui, longtemps auparavant, avait témoigné que Jésus-Christ était le maître et le Seigneur, et Jean-Baptiste le ministre et le serviteur. Enfin que restait-il ? y avait-il autre chose qu’à croire à celui de qui on rendait témoignage, qu’à l’adorer et le confesser Dieu ? mais que ce témoignage fut, un témoignage non de complaisance, mais de vérité : les mœurs et la sagesse de celui qui le rendait, le faisaient bien voir. Et en voici une preuve évidente : personne ne préfère son prochain à soi, ni ne cède à un autre l’honneur qu’il peut s’attirer à lui-même, surtout quand cet honneur est si grand. C’est pourquoi si Jésus-Christ n’eût pas été Dieu, jamais Jean-Baptiste ne lui aurait rendu ce témoignage. Et, puisqu’il a éloigné de soi cet honneur, comme étant infiniment au-dessus de sa nature et de sa condition, il

  1. « Qui va venir après moi », c’est-à-dire, « Qui va prêcher après moi selon saint Chrysostome.