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qu’est le chrétien, on y trouvera encore bien de la différence. Les Juifs, quand ils n’adoraient pas les idoles, quand ils ne commettaient ni fornications, ni adultères, étaient appelés saints ; mais nous, nous devenons saints, non pour nous être seulement abstenus de ces vices, mais par la possession des plus éminentes vertus. Ce don, nous l’acquérons premièrement par la descente du Saint-Esprit en nous, et ensuite par une vie beaucoup plus excellente que celle du Juif. Mais, afin que vous ne croyiez pas que je vous parle ainsi par ostentation, écoutez ce que leur dit l’Écriture : « Gardez-vous de laver et de purifier vos enfants, parce que vous êtes un peuple saint[1] ». (Deut. 18,10) S’abstenir du culte des idoles, c’était donc là en quoi, consistait leur sainteté, mais il n’en est pas ainsi de nous : « Il faut être saint de corps et d’esprit » (I. Cor. 7,34) : il faut « tâcher d’avoir la paix et de vivre dans la sainteté, sans laquelle nul ne verra Dieu ». (Héb. 12,14) Et : « Achever l’œuvre de notre sanctification dans la crainte de Dieu ». (2Cor. 7,1) Le nom de « saint » n’a pas la même signification appliqué à tous. Bien est appelé saint, mais non comme nous. Faites attention à ce que dit le prophète quand il entendit les séraphins prononcer ce nom « Malheur à moi, que je suis malheureux, parce qu’étant homme, j’ai des lèvres impures et que j’habite au milieu d’un peuple qui a aussi des lèvres souillées ». (Is. 6,5, LXX) Voilà comme Isaïe parle de lui-même, quoiqu’il fût pur et saint : mais pour nous, si nous comparons notre sainteté à cette sainteté qui habite dans les cieux, nous sommes impurs. Les anges sont saints, les archanges, les chérubins et les séraphins sont saints : mais il y a encore une autre sainteté supérieure à celle de ces puissances célestes non moins qu’à la nôtre. Je pourrais parcourir ainsi les différences de toutes les autres saintetés, mais je m’aperçois que mon discours est déjà trop long ; c’est pourquoi, sans nous arrêter davantage à cette recherche, nous la laisserons à votre examen. Vous pouvez, quand vous serez dans vos maisons, vous rappelant ce que nous venons de vous faire observer, envisager cette différence et l’étendre à tout le reste : « Donnez une occasion au sage », dit l’Écriture, et il deviendra encore plus sage ». (Prov. 9,9) Nous avons commencé, ce sera maintenant à vous de finir.
Poursuivons notre discours. L’évangéliste ayant dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude », ajoute : « Et grâce pour grâce ». Par où il nous fait connaître que les Juifs ont aussi été sauvés par la grâce. Car, dit le Seigneur, ce n’est pas parce que vous vous êtes multipliés que je vous ai choisis, mais c’est à cause de vos pères. Si ce n’est donc pas pour leurs propres mérites que Dieu les a choisis, il est évident que c’est par la grâce qu’ils ont reçu cet honneur. Et nous aussi nous avons été sauvés par la grâce, mais non de la même manière. Nous ne l’avons pas été par les mêmes voies, mais par des moyens beaucoup plus grands – et plus sublimes. C’est pourquoi la grâce que nous avons reçue n’est pas la même que la leur. Nous n’avons pas seulement reçu la rémission de nos péchés ; en quoi il n’y a nulle différence entre eux et nous, également pécheurs : mais Dieu nous donne aussi la justice, la sainteté, l’adoption, la grâce du Saint-Esprit avec plus de magnificence et d’abondance. C’est cette grâce qui nous rend chers et agréables à Dieu, non plus comme de simples serviteurs, mais comme étant ses enfants et ses amis. Voilà pourquoi saint Jean dit : « Grâce pour grâce ».
Les lois et les cérémonies légales étaient aussi des grâces : comme c’en est une encore d’avoir été tiré du néant. Car ce n’est point là une grâce de nos mérites précédents : comment cela se pourrait-il, puisque nous n’étions pas ? mais Dieu nous prévient toujours de ses bienfaits. Et non seulement notre création est une grâce, mais c’en est encore une que Dieu ait donné aux hommes qu’il a créés la connaissance de ce qu’ils doivent faire et ne point faire ; et que cette loi, nous la trouvions dans la nature : que dans nous il ait placé l’incorruptible tribunal de la conscience ; c’est une très-grande grâce et un effet de son ineffable bonté. C’est encore une grâce d’avoir rétabli par la loi écrite la loi naturelle que nous avions violée ; car la conséquence naturelle eût été le supplice et la vengeance de ceux qui avaient défiguré la loi une fois donnée. Cependant Dieu ne l’a point fait ; mais il leur a fourni les moyens de se corriger, il leur a accordé le pardon, qu’il ne leur devait point, par un pur effet de sa grâce et de sa miséricorde.

  1. Saint Chrysostome cite ici de mémoire, ou il ne prend que la substance de ce passage ; car il est autrement dans, les Septante et dans la Vulgate, où on peut le voir au lieu cité.