étaient encore attachés à la terre, et plongés dans les ténèbres. Voilà donc pourquoi Jean-Baptiste, s’étant entièrement dépouillé des choses terrestres, n’a pas eu besoin d’avoir des hommes pour maîtres, mais il a reçu sa doctrine du ciel. Car il dit : « Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui vous verrez descendre le Saint-Esprit, est le Fils de Dieu ». (Jn. 1,33-34) Les Juifs au contraire qui n’étaient encore que des enfants, et qui ne pouvaient atteindre à cette élévation, avaient pour maître un homme qui leur annonçait non sa propre doctrine, mais celle du ciel.
Que dit donc celui-ci ? « Il rend témoignage de lui, et il crie, en disant ». Que veut dire ce mot : « Il crie ? » il prêche avec confiance, avec liberté, exempt de toute crainte. Et quelle est cette prédication, ce témoignage, ce cri ? « Voici celui dont je vous disais : Celui qui est venu après moi, est avant moi, parce qu’il est plus ancien que moi ». Ce témoignage est obscur et bien terrestre encore ; en effet, Jean n’a point dit : Celui-ci est le Fils unique de Dieu ; il a dit : « Voici celui dont je vous disais : Celui qui est venu après moi, est avant moi, parce qu’il est plus ancien que moi ». De même que les mères des petits oiseaux ne montrent pas tout d’un coup, ni dans un seul jour à leurs petits la manière de voler, mais qu’au commencement elles ne font que les faire sortir de leur nid, les laissent ensuite reposer, puis les remettent au vol ; et le lendemain leur font faire de plus grands efforts, les excitant de la sorte peu à peu et insensiblement à s’élever à une hauteur convenable : ainsi le bienheureux Jean-Baptiste n’amène pas sur-le-champ les Juifs à ce qu’il y a de plus sublime, mais il commence par les élever un peu de terre, en leur disant que Jésus-Christ lui est supérieur. Ce n’était pas peu en effet que ses auditeurs pussent croire que celui quine s’était point encore fait voir, et qui n’avait point opéré de miracles, était supérieur à Jean cet homme si illustre et si admirable, vers qui tout le peuple accourait, et qu’on regardait comme un ange.
Ainsi il tâchait d’abord, et s’efforçait de persuader à ses auditeurs que celui dont il rendait témoignage, était plus grand que le témoin ; que celui qui devait venir était au-dessus de celui qui était venu ; et que l’inconnu surpassait l’homme célèbre. Voyez avec quelle prudence Jean-Baptiste rend témoignage ! non seulement il montre Jésus, lorsqu’il est présent ; mais il le prédit avant qu’il paraisse. Car telle est l’allusion renfermée dans ces paroles : « Voici celui dont je vous disais ». C’est ainsi que, selon saint Matthieu, il disait à tous ceux qui venaient à lui : « Pour moi, je vous a baptise dans l’eau ; mais il en doit venir un autre qu’est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers ». (Mt. 3,11 ; Mc. 1,7 ; Lc. 3,17) Pourquoi donc a-t-il ainsi parlé, avant que Jésus vînt?.C’est afin que quand il paraîtrait, son témoignage trouvât créance, les esprits y étant disposés par les discours tenus auparavant à son sujet, et que le vil vêtement qu’il portait ne nuisît pas à son crédit. Si les Juifs n’eussent rien ouï-dire de Jésus-Christ, avant de le voir, s’ils n’eussent reçu qu’en le voyant ce grand et admirable témoignage, la simplicité et la pauvreté de ses habits aurait sans doute fait tort à la majesté de sa parole. En effet, Jésus-Christ marchait dans les rues si simplement et si pauvrement vêtu, que les femmes de Samarie, les femmes de mauvaise vie, les publicains, tous osaient librement et hardiment l’approcher et lui parler.
3. Si les Juifs donc ; comme je l’ai dit, avaient entendu ces paroles, et vu sa personne en même temps, ils auraient ri du témoignage de Jean-Baptiste ; mais ayant souvent entendu ce témoignage avant la venue de Jésus-Christ, et ce qu’ils en avaient ouï dire leur ayant inspiré le désir de le voir, tout le contraire est arrivé : ils ont pu voir ce Sauveur annoncé, sans rejeter sa doctrine, et la foi qu’ils ont eue en lui sur ce qu’ils en avaient ouï dire le leur a fait regarder comme plus grand encore.
Ces paroles : « Celui qui doit venir après moi », signifient : celui qui doit prêcher, et non pas naître, après moi. Saint Matthieu le déclare, en disant : « Il vient un homme après moi » ; où il ne parle point de la naissance du Fils de Marie ; mais de sa venue pour prêcher. En effet, si l’évangéliste eût voulu parler de sa naissance, il ne se serait pas servi d’un temps présent, mais d’un temps passé ; il n’aurait pas dit : « Il vient », mais : « Il est venu ». Car Jésus-Christ était déjà né, lorsque Jean-Baptiste disait ces choses.
Mais que veut dire ce mot : « Il est avant moi » ? Entendez : il est plus illustre et plus célèbre que moi. De plus, quoique je sois venu
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