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a dit : « Je désire que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés y soient aussi avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire ». (Jn. 17,24) Que si la gloire qu’il a eue sur la terre a été si brillante et si lumineuse, que penserons-nous, que dirons-nous de celle qu’il a dans le ciel ? car on ne la verra pas dans une terre sujette à la corruption ; elle ne se montrera point à nous tandis que nous sommes dans des corps fragiles et périssables ; mais lorsque nous serons devenus des créatures immortelles et impérissables ; et elle se fera voir dans une si grande splendeur, qu’aucune parole ne peut l’exprimer. Heureux donc, et mille fois heureux ceux qui auront le bonheur d’être spectateurs de cette gloire, c’est d’elle que parle le prophète, quand il dit : « Que l’impie soit enlevé, pour ne pas voir la gloire du Seigneur ». (Is. 26,10, LXX) Mais à Dieu ne plaise qu’aucun de vous soit enlevé de ce monde et privé de ce spectacle ! Si, en effet, nous ne devions jamais en jouir, nous pourrions bien dire, nous aussi : il vaudrait mieux pour nous que nous ne fussions jamais venus au monde (Mt. 26,24). Car pourquoi vivons-nous, pourquoi respirons-nous ? Que sommes-nous, si nous sommes privés de la présence du Seigneur, si nous ne devons pas le voir ? Si ceux qui ne voient pas la lumière du soleil mènent une vie plus malheureuse que la mort, que croyez-vous que souffrent ceux qui sont privés d’une si grande lumière ? Ici tout le malheur ne consiste que dans cette unique privation, mais là il n’en est pas de même : et pourtant, quand il n’y aurait que ce mal seul, le second supplice ne serait pas égal à l’autre ; il le surpasserait d’autant que le soleil de l’autre monde surpasse le nôtre. Mais il y a aussi un autre supplice à attendre ; c’est que celui qui ne voit pas ce soleil ne sera pas seulement jeté dans les ténèbres, mais encore il sera brûlé éternellement, éternellement il gémira, grincera des dents, et souffrira une infinité d’autres tortures.
Ne méprisons donc point tellement notre salut, ne nous exposons point par la négligence et le relâchement d’un instant a être jetés dans le supplice éternel : veillons au contraire, soyons sobres, travaillons, faisons tous nos efforts pour acquérir ces biens et échapper à ce fleuve de feu, qui coule à grand bruit devant le terrible et redoutable tribunal. Celui qui y sera une fois tombé, y demeurera éternellement : personne ne pourra le retirer du supplice, ni son père, ni sa mère, ni son frère. Les prophètes nous le crient hautement ; l’un dit : « Le frère ne rachète point son frère, l’homme étranger le rachètera-t-il[1]? » (Ps. 48,7) Ézéchiel ajoute quelque chose de plus fort : « Si Noé », dit-il, « et Job et Daniel sont en ce pays-là, ils n’en délivreront ni leurs fils, ni leurs filles ». (Ez. 14,16) Là une seule chose peut nous aider et nous protéger, ce sont nos bonnes œuvres ; celui qui en sera dénué ne pourra se délivrer par aucune autre voie. C’est pourquoi pensons continuellement à ces vérités, méditons-les, purifions notre vie et rendons-la brillante, afin que nous nous présentions au Seigneur avec confiance, et que nous obtenions les biens qui nous sont annoncés, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

  1. Sur quoi saint Augustin dit : « Si Jésus-Christ, qui est votre figuré, ne vous rachète point, l’homme pourra-t-il vous racheter ? »