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donc que saint Paul dit : « Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, s’étant « rendu lui-même malédiction pour nous » (Gal. 3,13) : il ne veut pas dire que sa substance ait été séparée et privée de la gloire, et qu’elle soit tombée dans la malédiction. Car ni les démons mêmes, ni les plus fous et les plus extravagants de tous les hommes, ne sont point capables d’un sentiment si extravagant en même temps que si impie ! Ce n’est donc point là ce qu’entend le saint apôtre ; mais que Jésus-Christ ayant pris sur lui-même la malédiction que nous avions encourue, ne permet pas que nous y soyons soumis davantage et nous en libère. De même en cet endroit saint Jean dit que « le Verbe s’est fait chair », non en changeant sa substance en chair, mais en demeurant ce qu’il était auparavant, après avoir pris la chair.
Que si ces hérétiques disent, que comme Dieu peut tout, il a pu se changer en chair, nous leur répondrons qu’il peut tout, tant qu’il demeure Dieu ; mais s’il pouvait recevoir un changement, et un changement en mal, comment serait-il Dieu ? Toute mutabilité, tout changement est infiniment éloigné de cette nature incorruptible. C’est pourquoi le prophète disait : « Ils vieilliront tous comme un vêtement. Vous les changerez comme un habit dont on se couvre, et ils seront en effet changés : mais pour vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront point ». (Ps. 101,27-28) Car cette substance est au-dessus de tout changement : il n’y a rien de meilleur ni de plus excellent que Dieu ; rien à quoi il puisse successivement atteindre et parvenir. Que dis-je, de meilleur ? Rien ne lui est égal, rien n’en approche tant soit peu. Il s’ensuit donc que s’il a souffert quelque changement, il s’est changé en quelque chose de moindre : or, cela ne peut point être Dieu ; mais que l’exécration de ce blasphème tombe sur la tête de ceux qui n’ont pas horreur de le proférer.
Ce mot : « Il s’est fait », n’est dit ici que pour vous empêcher de soupçonner que l’Incarnation du Verbe n’a été qu’une illusion ; les seules paroles qui suivent le prouvent visiblement, et étouffent tout mauvais soupçon. Car l’évangéliste ajoute : « Et a demeuré parmi nous ». C’est comme s’il disait que cette parole : « Il s’est fait », ne nous jette pas dans des pensées et des soupçons absurdes. Je n’ai point dit qu’il y ait eu du changement dans la nature immuable, mais j’ai dit qu’elle a demeuré parmi nous. Or ce qui habite n’est pas l’endroit habité : une chose habite et l’autre est habitée : sans cela il n’y aurait pas habitation. Mais en indiquant cette différence, je parle d’une différence selon l’essence : car, par la jonction et la réunion, le Verbe de Dieu et la chair sont tine même personne ; non qu’il y ait confusion ni anéantissement de substance ; mais en vertu d’une ineffable et inexplicable union.
Comment cela s’est fait, ne le demandez point : comment cela s’est fait, Dieu le sait. Quelle est donc, dites-vous, la maison qu’il a habitée ? le Prophète nous l’apprend : « Je relèverai », vous dit-il, « la maison de David, qui est ruinée » (Amo. 9,11) : véritablement elle est ruinée. Notre nature, ruinée par une chute irrémédiable, avait besoin de la main du Tout-Puissant ; qui seul pouvait la relever. Elle ne pouvait aucunement se relever si Celui qui l’avait formée ne lui avait tendu la main du haut du ciel, et ne l’avait renouvelée et reformée par la régénération de l’eau et du Saint-Esprit.
Considérez ce mystère, mes chers frères, ce mystère terrible et impénétrable. Le Verbe demeure toujours dans cette maison : il s’est, en effet, revêtu de notre chair, non pour la quitter dans la suite, mais pour habiter toujours en elle. S’il n’avait pas voulu la garder toujours, il ne lui aurait pas fait l’honneur de la placer sur le trône royal, et, la portant avec lui, il ne l’aurait pas fait adorer par toute l’armée céleste : par les anges, par les archanges, par les trônes, par les dominations, par les principautés, par les puissances. Quel esprit, quelle langue pourrait représenter l’honneur immense que Dieu a fait à notre nature, cet honneur qui est tout surnaturel et terrible en même temps ? Quel ange ? quel archange ? Non certes, personne, ou dans le ciel, ou sur la terre, ne le pourra jamais. Les œuvres de Dieu sont de telle nature, et ses bienfaits sont si grands et si sublimes que, non seulement aucune langue, mais encore nulle vertu céleste et angélique ne peut les raconter exactement.
Voilà pourquoi nous finissons ici notre sermon, pour nous tenir dans le silence, après vous avoir seulement exhortés à rendre grâces à un Dieu si bienfaisant : de quoi encore vous aurez tout le profit dans la suite. Or, rendre