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Ici, mes frères, renouvelez votre attention « Il est venu chez soi », non par nécessité Dieu, comme je l’ai dit, n’a besoin de rien ; mais il est venu pour répandre ses grâces et ses bienfaits sur les siens. Et quoiqu’il soit venu pour leur utilité, pour leur faire du bien, ceux qui étaient les siens ne l’ont point reçu, ils l’ont au contraire rejeté. Et encore ne s’en sont-ils pas contentés ; mais après l’avoir jeté hors de la vigne, ils l’ont tué. (Mt. 21,39) Néanmoins, il ne les a point exclus de la pénitence ; mais il leur a promis que si, après une action si noire et si détestable, ils voulaient laver leurs crimes en croyant en lui, Il les rendrait égaux à ceux qui n’ont rien fait de semblable, et même à ses amis les plus dévoués.
Au reste, je ne parle point en l’air ni pour vous faire illusion : tout ce qui est arrivé à saint Paul en rend un assez éclatant témoignage. Paul avait persécuté Jésus-Christ après sa mort ; il avait lapidé par les mains de plusieurs[1] Étienne son martyr ; mais quand il eut fait pénitence, qu’il eut condamné ses premières erreurs et se fut rallié à celui qu’il avait persécuté, le divin Sauveur le mit aussitôt parmi ses amis, et au premier rang, en chargeant de l’annoncer et de répandre sa doctrine dans tout le monde, ce blasphémateur, ce persécuteur, cet impie (1Tim. 1,13) ainsi que dans la joie dont son âme est pénétrée en songeant à la miséricorde divine ; il ne rougit pas de le déclarer lui-même ; que dis-je ? il ne craint pas même de rendre publics à la face de tout l’univers, dans ses épîtres, et de graver, pour ainsi dire, sur une colonne, les crimes qui avaient précédé sa conversion ; persuadé qu’il était mieux d’exposer à la censure publique sa vie passée, afin que la grandeur du bienfait qu’il avait reçu de Dieu parût et éclatât manifestement, que de laisser dans l’ombré cette infinie et ineffable bonté dans la crainte de dévoiler aux yeux de tous ses propres égarements. Voilà pourquoi il parle très-souvent des persécutions qu’il a dirigées contre l’Église, des pièges qu’il lui a tendus et des guerres qu’il lui a faites. Tantôt il dit : « Je ne suis pas digne d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu ». (1Cor. 15,9) Tantôt, Jésus-Christ « est venu a dans le monde sauver les pécheurs, entre lesquels je suis le premier ». (1Tim. 1, 15) Et encore : « Vous savez de quelle manière j’ai vécu autrefois dans le judaïsme, avec quel excès de fureur je persécutais l’Église de Dieu, et la ravageais ». (Gal. 1,13)
2. C’est en effet comme pour reconnaître publiquement la patience dont Jésus-Christ avait usé à son égard, en montrant quel homme, quel ennemi lui avait dû son salut, que le saint apôtre raconte ainsi librement la guerre qu’il lui faisait au commencement avec tant de fureur, donnant aussi par là une bonne espérance à ceux qui auraient pu se désespérer : car il dit que Jésus-Christ l’a reçu à pénitence, et lui a fait miséricorde, afin qu’il fût le premier en qui le divin Sauveur fit éclater son extrême patience et les immenses richesses de sa bonté, et qu’il devînt comme un modèle et un exemple à ceux qui croiront au Seigneur pour acquérir la vie éternelle. (1Tim. 1,16) Les hommes avaient commis des crimes trop énormes et trop grands pour en pouvoir jamais attendre le pardon, et c’était pour le faire connaître que l’évangéliste disait : « Il est venu chez soi, et les siens ne l’ont point reçu ».
D’où est-il venu celui qui remplit tout, qui est présent partout ? Quel lieu a-t-il quitté celui qui tient et renferme tout dans sa main ? Véritablement il n’a quitté aucun lieu, et comment le pourrait-il ? mais il semble en quitter un en descendant chez nous. Comme étant dans le monde, il ne paraissait pas y être, parce qu’il n’y était pas encore connu ; il s’est ensuite fait connaître lui-même, lorsqu’il a bien voulu se revêtir de notre chair. Et c’est cette descente et cette manifestation que l’Écriture appelle sa venue.
Il y a de quoi s’étonner ici, mes chers frères, que le disciple ne rougisse pas de l’outrage qui a été fait à son maître[2], qu’il ne craigne pas de le consigner par écrit : mais cela même montre parfaitement son ardent amour pour la vérité. A bien considérer les choses, c’est pour les offenseurs qu’il faudrait rougir, et non pour l’offensé, qui n’a fait que croître en gloire, pour s’être montré si charitable envers ceux qui l’avaient outragé : mais eux au contraire

  1. Saint Paul a lapidé saint Étienne par les mains de plusieurs, en gardant leurs vêtements.
  2. « L’outrage qui a été fait à son maître ». Saint Jean n’en rougit pas puisqu’il dit clairement gîte le maître « est venu chez soi, et que les siens ne l’ont point reçu », et que non seulement ils ne l’ont point reçu, mais encore qu’ils l’ont rejeté, chassé de la vigne, et tué.