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heure, car c’est ainsi qu’il faut que nous accomplissions toute justice ». (Mt. 3,15) Et si son étonnement redouble, il lui répétera ce qu’il a dit aux Juifs : « Pour moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage ». (Jn. 5,34)
S’il n’a donc pas besoin de ce témoignage, pourquoi Jean est-il envoyé de Dieu ? ce n’est pas pour le besoin qu’avait le Verbe de ce témoignage, ce serait une extrême impiété de le dire : mais enfin, pourquoi ? Jean nous l’apprend lui-même, lorsqu’il dit : « Afin que tous crussent par lui » ; mais comme Jésus-Christ après avoir dit, parlant de Jean : « Il y en a un autre qui rend témoignage de moi : Et je sais que le témoignage qu’il en rend est véritable », dit maintenant : « Pour moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage », il pouvait sembler aux fous et aux insensés, qu’il se contredisait lui-même par ces dernières paroles ; aussi l’explication arrive-t-elle tout de suite : « Mais », dit-il, « je dis ceci afin que vous soyez sauvés ». (Jn. 5,34) C’est comme s’il disait : Je suis Dieu, et le vrai Fils de Dieu, émané de cette immortelle et bienheureuse substance : je n’ai besoin du témoignage de personne. Car, quand personne ne voudrait me rendre témoignage, je ne serais pas pour cela diminué dans ma nature. Jaloux du salut du monde, je me suis abaissé et humilié jusqu’à vouloir bien charger un homme de me rendre témoignage. En effet, les Juifs, sur une conduite si proportionnée à leur faiblesse et à leur grossièreté, devaient plus facilement se porter à croire en lui.
Comme le Verbe s’est donc revêtu de notre chair, de peur que ; venant à nous dans sa majesté et dans tout l’éclat de sa divinité, il ne nous perdit tous ; il a de même envoyé devant lui un homme pour lui servir de précurseur, afin que les hommes d’alors, entendant une voix de même nature que la leur, s’en approchassent plus facilement. Mais, qu’il n’avait pas besoin de ce témoignage, la preuve en est visible : il n’avait qu’à se montrer dans sa substance toute pure, pour frapper tous les hommes de crainte et de terreur : il ne l’a point fait, comme je viens de dire, parce qu’ils auraient tous péri, nul ne pouvant soutenir la force et la splendeur de cette lumière inaccessible. C’est aussi pour cette raison qu’il s’est revêtu de la chair, et il a donné la charge à un de nos compagnons de rendre témoignage de lui, parce qu’il a tout fait pour le salut des hommes, et qu’il n’a pas seulement eu égard à sa dignité, mais encore à la faiblesse des hommes et à leur intérêt.
Jésus-Christ nous le déclare lui-même par ces paroles : « Je dis ceci afin que vous soyez sauvés ». (Jn. 5,34) L’évangéliste, qui parie conformément à ce que dit le Seigneur, nous en avertit aussi. Car, après avoir dit : « Il vint pour rendre témoignage à la lumière », il a ajouté : « Afin que tous crussent par lui ». C’est à peu près comme s’il disait : Ne croyez pas que Jean-Baptiste soit venu rendre témoignage pour donner plus de force et d’autorité à la parole du Seigneur, et la rendre plus croyable : ce n’est point pour cela qu’il est venu, mais afin que ses concitoyens crussent par lui.
Ce qui suit démontre évidemment que c’est pour prévenir ce soupçon qu’il a dit ces choses, car il ajoute : « Il n’était pas la lumière » paroles qui deviendraient inutiles, et seraient plutôt une simple répétition qu’une explication de sa doctrine, si l’évangéliste, en les ajoutant, n’eût pas voulu nous prémunir contre ce soupçon. Ayant dit : « Il vint pour rendre témoignage à la lumière », pourquoi dit-il encore : « Il n’était pas la lumière » ? Ce n’est pas en vain ni sans raison, mais c’est parce que souvent parmi nous, celui qui rend témoignage, est plus grand et plus considéré que celui à qui il rend ce témoignage ; et que souvent il paraît aussi plus digne de foi. Voilà pourquoi, de peur qu’on eût lieu d’avoir ce sentiment de Jean l’évangéliste détruit dès le commencement tout ce mauvais soupçon, et après l’avoir complètement extirpé, il fait connaître quel est celui qui rend témoignage, et quel est celui de qui le témoignage est rendu, et l’extrême différence qu’il y a entre l’un et l’autre. Après l’avoir fait, et avoir montré l’incomparable excellence de celui à qui Jean rend témoignage, il poursuit son discours avec sécurité ; une fois qu’il a fait exacte justice de toutes les absurdes pensées qui pouvaient venir dans l’esprit des gens sans intelligence, il sème et répand ensuite facilement et sans obstacle la doctrine du salut.
C’est pourquoi, mes chers frères, prions maintenant le Seigneur qui nous a révélé de si grandes choses, et qui nous a donné une si pure doctrine, de nous faire la grâce de mener,