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« Dans lui était la vie », ne pensez pas qu’il soit un être composé. Car le Fils dit ensuite du Père : « Comme le Père a la vie en lui-même, il a aussi donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn. 5,10) ; et comme vous ne direz pas pour cela que le Père soit un être composé, ne le dites pas non plus du Fils, puisque l’Écriture dit aussi ailleurs : « Dieu est la lumière même » (1Jn. 1,5) ; et encore « Dieu habite une lumière inaccessible ». (1Tim. 6,16) Elle ne s’énonce point en ces termes pour nous faire penser qu’il y ait en Dieu de la composition, mais afin que nous nous élevions peu à peu au comble de la doctrine.
Comme effectivement le petit peuple et les faibles auraient peine à comprendre de quelle manière la vie subsiste en lui, c’est aussi pour cette raison qu’elle dit premièrement ce qu’il y a de plus simple et de plus bas, et, de ce premier degré d’instruction, nous élève ensuite à ce qu’il y a de plus sublime. Car Celui qui a dit : « Il a donné au Fils d’avoir la vie », est le même que Celui qui dit : « Je suis la vie », et encore : « Je suis la lumière ». Mais quelle est, je vous prie, cette lumière ? Elle n’est point sensible, mais elle est spirituelle, et c’est elle qui illumine l’âme. Jésus-Christ devait dire : « Personne ne peut venir à moi si mon Père ne l’attire ». (Jn. 6,44) Voilà pourquoi l’évangéliste nous prévient, et dit : « C’est lui qui illumine » ; il le dit aussi afin que si vous entendez dire quelque chose de semblable du Père, vous sachiez et vous confessiez que cela n’est pas uniquement propre au Père, mais encore au Fils, car Jésus-Christ dit : « Tout ce qui est à mon Père est à moi ». (Jn. 16,15)
L’évangéliste nous a donc premièrement enseigné que toutes choses ont été créées : il nous a fait connaître ensuite par un seul mot les biens spirituels que nous a apportés le Fils lorsqu’il est venu au monde, en disant : « Et la vie était la lumière des hommes ». Il n’a point dit. Il était la lumière des Juifs, mais de tous les hommes. Car ce ne sont pas seulement les Juifs, mais encore les gentils, qui sont parvenus à la connaissance de cette lumière : cette lumière était commune à tous, exposée aux yeux de tous les hommes.
Mais pourquoi n’a-t-il pas ajouté les anges, et n’a-t-il nommé que les hommes ? C’est parce qu’il parle maintenant de la nature humaine, et que c’est aux hommes qu’il s’apprête à annoncer la bonne nouvelle.
« Et la lumière luit dans les ténèbres (5) ». Saint Jean appelle « ténèbres », la mort et l’erreur. Car la lumière sensible[1] ne luit pas dans les ténèbres, mais à l’écart et à part des ténèbres : au contraire, la lumière de la prédication a brillé au milieu même de l’erreur qui régnait sur le monde, et l’a dissipée : et Jésus-Christ, attaquant lui-même la mort par sa mort, l’a si bien vaincue, qu’il a tiré et délivré de son empire ceux qu’elle retenait déjà dans ses liens[2] : comme donc ni la mort, ni, l’erreur, n’ont pu surmonter, ni vaincre cette lumière, et qu’au contraire elle illumine tout, et brille par sa propre vertu ; voilà pourquoi l’évangéliste dit : « Et les ténèbres ne l’ont point comprise ». Car cette lumière est invincible, et elle n’habite pas volontiers dans les âmes qui ne veulent point être illuminées.
4. Né vous étonnez donc pas, mes frères, si cette lumière n’illumine pas tous les hommes : Dieu ne nous attire point à lui par force ou par violence, mais librement et selon la disposition de notre volonté. Ne fermez point la porte à cette lumière, et vous jouirez de toutes sortes de félicités. La foi l’attire à nous, cette lumière, et quand elle est venue, elle illumine infiniment celui qui la reçoit : si votre vie est pure et sainte, elle demeurera toujours en vous. Car Jésus-Christ dit : « Si quelqu’un m’aime, « il gardera mes commandements, et nous viendrons à lui mon Père et moi, et nous ferons en lui notre demeure ». (Jn. 4,23) Comme on ne peut pas bien jouir de la lumière du soleil, si l’on n’ouvre les yeux, de même, on ne participe pas pleinement à cette resplendissante lumière, si l’on n’ouvre les yeux de l’âme, et si on ne les met en état de la recevoir de toutes parts : mais comment le peut-on ? c’est en se purifiant de tous ses vices.
Le péché n’est que ténèbres, il est couvert de nuages épais, et cela parait visiblement, puisque c’est inconsidérément et sans témoins qu’on le commet : car, « quiconque fait le mal hait la lumière, et ne s’approche pas de la lumière ». (Jn. 3,20) Et : « La pudeur

  1. La lumière sensible, c’est-à-dire le soleil.
  2. Le saint Docteur ne ferait-il pas ici allusion à ces paroles de saint Pierre : « Jésus-Christ étant mort en sa chair, mais étant ressuscité par l’Esprit, par lequel aussi il alla prêcher sur esprits qui étaient retenus en prison ? » (1Pi. 3,28, 29)