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c’est pourquoi saint Paul n’a pas seulement osé lui attribuer cette dignité, mais encore d’autres semblables. Car ce mot : « Duquel », que vous n’attribuez qu’à la dignité du Père seul, il l’applique également au Fils dans ces paroles : « Duquel », dit-il, « tout le corps » de l’Église « recevant l’influence par les vaisseaux qui en joignent et lient toutes les parties, s’entretient et s’augmente par l’accroissement que Dieu lui donne ». (Col. 2,19) Ce n’est pas tout, il vous ferme encore mieux la bouche d’une autre façon, en disant du Père : « Par qui », expression qui, selon vous, implique infériorité : « Car », dit-il, « Dieu par qui vous avez été appelés à la société de son Fils Jésus-Christ Notre-Seigneur, est fidèle et véritable ». (1Cor. 1, 9) Et encore « Par sa volonté » ; et ailleurs : « Tout est de lui, « tout est par lui, et tout est en lui ». (Rom. 11,36)
Enfin ce terme : « Duquel » est attribué non seulement au Fils, mais aussi au Saint-Esprit, puisque l’ange disait à Joseph : « Ne craignez point de prendre avec vous Marie votre à femme ; car ce qui est né dans elle, est du Saint-Esprit ». (Mt. 1,20) Et de même ce mot : « En qui », qui est propre au Saint-Esprit, le prophète ne fait point de difficulté de l’attribuer à Dieu « le Père », lorsqu’il dit : « En Dieu[1] nous ferons des actions de vertu ». Et saint Paul dit : « Dans ses prières, si EN LA VOLONTÉ DE DIEU[2], je dois trouver enfin une voie favorable pour aller vers vous » (Rom. 1,10) ; il le dit aussi de Jésus-Christ : « En Jésus-Christ ». Et certes, ces paroles et ces expressions : « En qui, duquel, par qui », etc, se trouvent souvent dans l’Écriture indifféremment appliquées et attribuées aux trois personnes de la sainte Trinité ; ce qui ne serait point, et n’arriverait pas, si leur substance n’était la même et égale en tout.
Mais de peur que vous ne croyiez que ces paroles : « Tout a été fait par lui », doivent à présent s’entendre des prodiges et des, miracles (car les autres évangélistes en ont fait mention), saint Jean ajoute ensuite : « Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui », mais non le Saint-Esprit, qui n’est pas au nombre des créatures, et qui est au contraire au-dessus de toutes les choses créées.
Passons à l’explication du reste du chapitre. Saint Jean après avoir dit, parlant de la création : « Toutes choses ont été faites par lui, et à rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui », fait aussi mention de la Providence par ces paroles. « Dans lui était la vie ». Car, de peur que quelque incrédule ne doutât que tant et de si grandes choses eussent été faites par lui, il a ajouté : « Dans lui était la vie ». Or, de même qu’on ne peut diminuer une source qui jette des abîmes d’eaux et les répand par torrents, quelque quantité qu’on en puise ; ainsi faut-il penser du Fils unique : la puissance qu’il a de créer est inépuisable : quelques productions que vous puissiez lui attribuer, elle n’est en rien diminuée.
Mais plutôt servons-nous d’un exemple plus propre et plus convenable, comme de celui de la lumière, dont le saint évangéliste parle ensuite en disant : « Et la vie était la lumière ». Comme donc la lumière, quelques milliers d’hommes qu’elle éclaire, ne perd rien de sa splendeur : ainsi et de même, Dieu, et avant et après avoir créé ses ouvrages, et les avoir produits au-dehors, demeure également entier, et ne souffre ni diminution, ni altération, quel que soit le nombre de ses œuvres. Fallût-il même créer encore mille mondes semblables à celui-ci : en fallût-il produire un nombre infini, il suffirait à toutes ces choses, et non seulement pour les créer, mais aussi pour les faire subsister après les avoir créées. Car ici le nom de vie ne marque pas seulement la puissance qu’il a de créer, mais encore cette providence par laquelle il conserve les choses qu’il a créées. Bien plus, par ce nom saint Jean jette dans nous les fondements de la doctrine de la résurrection, et le principe de cette révélation ineffable. Car la vie venant à nous, l’empire de la mort est détruit ; la lumière nous illuminant, les ténèbres sont dissipées ; la vie demeure pour toujours dans nous, et la mort ne peut avoir de domination sur elle.
Ainsi tout ce qui est dit d u Père serait également bien dit du Fils : « C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être ». (Act. 17,28) Saint Paul le déclare aussi par ces paroles : « Tout a été créé par lui, et toutes choses subsistent en lui ». (Col. 1,16-17) Voilà pourquoi il est appelé et la racine et le fondement. Donc quand vous entendez dire du Fils :

  1. « En Dieu » : Il serait mieux de dire : « Avec Dieu » ; mais l’application qu’en fait le saint Docteur demande que je traduise comme je fais.
  2. « Si en la volonté de Dieu » : je suis forcé de traduire de même pour me conformer au sens ; on dira mieux : « je demande continuellement à Dieu dans mes prières, que si c’est sa volonté, il m’ouvre enfin quelque voie favorable pour aller vers vous ».