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à combattre leurs monstrueuses opinions. Je vous les abandonne, de peur qu’il ne semble que nous n’avons rien dit jusqu’à présent que pour rire et nous moquer d’eux, et que nous perdons le temps.
En effet, si ces paroles ne sont point dites du Saint-Esprit, comme nous l’avons déjà démontré, ni de la créature, et si néanmoins ils soutiennent et défendent leur même leçon, il s’ensuivra, comme nous l’avons fait voir, la plus grande de toutes les absurdités, savoir que le Fils a été fait par lui-même. Car si le Fils est la vraie lumière, et si cette lumière était la vie, et si la vie a été faite en lui, il s’ensuit nécessairement de leur leçon, que le Fils a été fait par lui-même ; c’est pourquoi laissons leur manière de ponctuer, rejetons-la, et venons à celle qui est juste, et à la bonne interprétation. Quelle est-elle ? elle consiste à terminer le sens de ces paroles : « Ce qui a été a fait ». Et de commencer ensuite par celles-ci : « Dans lui était la vie », par où l’évangéliste veut nous faire entendre que « rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans lui ». Si quelque chose a été faite, dit-il, elle n’a point été faite sans lui.
Ne voyez-vous pas, mes frères, qu’au moyen de cette courte addition, saint Jean a dissipé tous les doutes et toutes les absurdités qui pouvaient naître ? Car par ces mots : « Rien n’a été fait sans lui », et par cette courte addition : « De ce qui a été fait », il comprend et renferme ensemble tous les êtres intellectuels, et met à part le Saint-Esprit. Comme il avait dit : « Toutes choses ont été faites par lui, et rien n’a été fait sans lui » ; cette addition était nécessaire, de peur que quelqu’un n’alléguât : mais si toutes choses ont été faites par lui, le Saint-Esprit a donc été fait par lui. C’est des choses qui ont été faites, dit-il, que je dis qu’elles ont été faites par lui : ces choses fussent-elles invisibles, incorporelles, célestes. Voilà : pourquoi je n’ai pas dit simplement toutes choses ; mais j’ai dit : si quelque chose a été faite, c’est-à-dire, ce qui a été fait. Or l’Esprit n’a pas été fait.
Vous voyez combien cette doctrine est exacte. L’Évangéliste a rappelé la création des choses sensibles, dont Moïse nous avait auparavant instruits ; ensuite nous voyant suffisamment éclairés là-dessus, il a élevé nos esprits à des choses plus sublimes, c’est-à-dire, à ce qui est incorporel et invisible, et il a séparé le Saint-Esprit de toutes les créatures ; c’est ainsi, c’est en ce sens que saint Paul, inspiré de la même grâce, disait : « Car tout a été créé par lui ». (Col. 1,16) Je vous prie d’observer ici la même exactitude ; car le même esprit mouvait aussi cette âme. De crainte que quelqu’un ne retranchât de la création aucune des choses qui ont été faites, à cause qu’elles étaient invisibles, ou qu’il n’y joignît le Paraclet, le saint apôtre passe sur les choses sensibles, qui étaient connues de tout le monde, et fait la description des choses célestes en ces termes : « Soit les Trônes, soit les Dominations, soit les Principautés, soit les Puissances ». (Col. 1,16) Par ce mot. « soit » chaque fois répété, il ne nous fait entendre que ceci : « Tout ce qui a été fait par lui, et rien de ce qui a été fait, n’a été fait sans lui ».
Que si, vous croyez que ce mot : « Par », marque quelque chose de moins, « comme un simple ministère », écoutez ce que dit le Prophète : « Vous avez, Seigneur, dès le commencement fondé la terre, et les cieux sont les ouvrages de vos mains ». (Ps. 101,26) Ce qui est dit du Père, comme Créateur, l’évangéliste le dit ici du Fils : il ne l’aurait point dit s’il ne le regardait pas comme Créateur, mais bien comme simple ministre. Que s’il est dit : « Par lui », ce n’est qu’afin qu’on ne croie pas que le Fils n’est point engendré. Mais pour avoir un, témoignage bien sûr que, quant à la dignité de créateur le Fils n’a rien de moins que le Père, écoutez en quels termes il parle de lui-même : « Comme le Père », dit-il, « ressuscite les morts et leur rend la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui il lui plaît ». (Jn. 5,21) Si c’est du Fils qu’il est dit dans l’Ancien Testament : « Vous avez, Seigneur, dès le commencement fondé la terre », sa dignité de Créateur est visible et manifeste ; mais si vous dites que le prophète a parlé du Père en cet endroit, et que saint Paul a attribué au Fils ce qui était dit du Père, il s’ensuit pourtant toujours la même chose. L’apôtre ne se serait pas porté à attribuer aussi la création au Fils, s’il n’avait été tout à fait certain que le Fils est égal au Père en dignité et en puissance. II y aurait eu en effet une extrême témérité d’attribuer à celui qui est moindre et inférieur, un pouvoir propre à l’incomparable nature du Tout-Puissant.
3. Mais le Fils n’est ni moindre (lue le Père, ni, inférieur à lui cil essence, en substance ;