Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/127

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’il ne lui est coéternel, il est après lui ; et s’il n’est pas émané de sa substance, il est visible qu’il a été fait.
Que si les Ariens et les Anoméens nous répliquent que c’est par opposition aux idoles que le prophète a parlé de la sorte, « ou pour « distinguer d’elles le seul vrai Dieu », pourquoi n’accorderont-ils pas aussi que Dieu est dit seul vrai Dieu par opposition aux idoles ? Que si, encore une fois, ces paroles ne sont là que pour marquer la différence qu’il y a entre Dieu et les idoles, comment expliqueront-ils tout le passage en entier ? Car Isaïe dit : « Après moi il n’y a point d’autre Dieu ». Par où il ne prétend point exclure le Fils de la Divinité, mais il veut seulement déclarer et enseigner ceci : « Il n’y a point d’idole-Dieu après moi », non que pour cela le Fils ne soit point Dieu. Soit, direz-vous. Mais quoi ! ces paroles : « Avant moi il n’y a point eu d’autre Dieu », les expliquerez-vous aussi en disant qu’à la vérité il n’y a point eu auparavant d’idole-Dieu, mais que néanmoins le Fils est antérieur ?
Et quel démon parlerait de la sorte ? Non, je ne crois pas que le diable même l’osât ; mais, en un mot, si le Fils n’est pas coéternel au Père, comment direz-vous que sa vie n’a point de fin ? Car s’il a commencé, dût-il ne point finir, il ne sera pourtant pas immense l’immense doit être immense, et quant au commencement, et quant à la fin. Saint Paul l’a ainsi défini par ces paroles : « Il n’a ni commencement ni fin de sa vie ». (Héb. 7,3) En quoi l’Apôtre déclare que le Fils n’a point de commencement ni de fin. S’il est sans bornes de ce côté, il est sans bornes aussi de l’autre : il ne finira point, il n’a pas commencé.
3. Mais comment, étant la vie, y aurait-il eu un temps auquel il n’aurait point été ? Il n’y a personne qui ne dise et ne confesse que la vie est toujours, qu’elle n’a ni commencement ni fin, et, par suite, le Fils qui est la vie : mais s’il a été un jour auquel il n’était point, comment celui qui un jour n’était point serait-il la vie des autres ? Pourquoi donc, disent les hérétiques, Jean lui a-t-il donné un commencement, en disant : « Au commencement il était ? » Quoi ! vous vous arrêtez à ce mot : « Au commencement », et à celui-ci : « Il « était », et vous ne portez pas votre attention jusqu’à cet autre : « Le Verbe était ? » Que répondrez-vous donc à ce que le prophète dit du Père : « Vous êtes[1], depuis le siècle, et jusque « dans le siècle ». (Ps. 89,2) Est-ce que par ces paroles il lui donne des bornes ? Point du tout, mais il déclare et il montre son éternité. Pensez de même de cet endroit de saint Jean : ce n’a point été pour le renfermer dans des bornes qu’il a usé de ces termes, car il n’a point dit : il a eu un commencement, mais : « Au commencement il était », vous portant à penser par ces paroles : « Il était », que le Fils est sans commencement.
Mais vous m’objecterez : le Père est appelé Dieu avec l’article, et le Fils sans article[2]. N’est-il pas vrai que l’Apôtre, parlant du Fils de Dieu, dit : « Du grand Dieu, et notre Sauveur Jésus-Christ ? » (Tit. 2,13) Il dit encore « Qui est Dieu », élevé « au-dessus de tout » (Rom. 9,5) : je l’accorde ; saint Paul, en ce dernier passage, nomme le Fils, sans ajouter l’article devant le mot Dieu ; mais observez aussi qu’il fait de même à l’égard du Père, car, dans l’Épître qu’il écrit aux Philippiens, il parle également de lui sans mettre l’article « Qui ayant », dit-il, « la forme et la nature de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation d’être égal à Dieu ». (Phil. 2,6) Et encore dans celle aux Romains : « Que Dieu notre Père, et Jésus-Christ Notre-Seigneur vous donnent la grâce et la paix ». (Rom. 1,7) Sans compter qu’il eût été superflu de faire ici précéder l’article, lequel est répété plus haut dans plusieurs autres endroits. Quand l’Écriture dit du Père : « Dieu est esprit » (Jn. 4,24), quoique le mot « Esprit » ne soit pas précédé de l’article, nous ne contestons pourtant pas que Dieu soit incorporel : de même, dans l’endroit que vous alléguez, de ce qu’il n’y a point d’article avant le mot Dieu attribué au Fils, il ne s’ensuit pais que le Fils soit Dieu à un degré inférieur. Pourquoi ? c’est que lorsqu’elle a dit : « Dieu », et « Dieu », elle ne nous a marqué aucune différence de Divinité, ou plutôt c’est parce qu’elle fait précisément tout le contraire. Car, ayant d’abord dit :

  1. « Vous êtes », sans y joindre « Dieu ». Tous nos exemplaires, les Septante le portent simplement ainsi : «  Tu es », sans «  Deus ». Ce qui est suivi par saint Augustin, par le Syriaque, et par les anciens psautiers latins, etc.
  2. Cette objection des Ariens regarde ces premières paroles de l’Évangile de saint Jean : καἰ ὁ λὁγος ῆν πρὸς τὁν θεὸν, καὶ θεὸς ῆν ὸ λογος, οὺ τὸν θεὸν, où τὸν θεὸν avec l’article est dit du Père, χαὶ θεὸς ῆν, sans article est dit du Fils. De là les Ariens et les Anoméens concluaient et soutenaient que le Fils n’était pas Dieu comme le Père, qu’il ne lui était pas égal, et qu’il n’était pas proprement Dieu. Le saint Docteur réfute cette objection par des exemples contraires, comme il est facile de le voir dans ce qui suit, etc.