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dans le ciel quand nous entrons dans ce temple. Ce n’est pas du lieu, mais c’est du sentiment et de la disposition du cœur que je parle. Celui qui est encore sur la terre peut être habitant du ciel, il peut se représenter les choses célestes, il peut les entendre. Que nul ne porte donc rien de terrestre dans le ciel ; que nul ne s’occupe de ses affaires domestiques, lorsqu’il est en ce lieu. Il faudrait au contraire emporter dans sa maison et à la place publique les trésors que l’on amasse ici, bien loin d’embarrasser et de charger l’Église du bagage des maisons et des places. Si nous montons dans cette chaire de doctrine, c’est pour vous purifier de toute cette fange mondaine. Si ce peu d’attention et de tranquillité que nous demandons de vous, vous allez l’affaiblir et le perdre par des soins et des pensées vaines et étrangères, mieux eût valu ne pas venir.
Gardez-vous donc, mes très-chers frères, de penser dans l’Église à vos affaires domestiques, mais plutôt quand vous serez chez vous, entretenez-vous de ce qu’on vous apprend ici. Ces choses doivent vous être plus précieuses que toutes les autres : celles-ci regardent Pâme, celles-là le corps, ou plutôt ce qu’on vous enseigne ici sert au corps et à l’âme. Voilà pourquoi vous devez vous attacher aux unes comme étant les plus importantes et les plus nécessaires, et faire les autres par manière d’acquit : car celles-là sont utiles et pour la vie future et pour la vie présente, mais celles-ci ne servent ni à l’une ni à l’autre, si l’on ne se conforme à ce que prescrit la loi. En effet, nous devons apprendre ici, non seulement quelle sera notre vie dans l’autre monde, mais encore comment nous devons nous conduire en celle-ci.
Cette maison est un laboratoire spirituel, où l’on prépare les médicaments, afin que nous y trouvions de quoi guérir les plaies que nous fait le monde : n’y venons donc pas nous en faire de nouvelles, pour en sortir ensuite en plus mauvais état que nous n’y étions entrés. Si nous ne sommes attentifs à la voix de l’Esprit-Saint qui nous parle, non seulement nous ne laverons pas nos premiers péchés, mais encore nous nous souillerons de taches nouvelles. Soyons donc soigneusement attentifs à la lecture et à l’explication du Livre saint. Nous n’aurons pas dans la suite beaucoup de peine à l’entendre, si une fois nous en avons bien compris les principes et les buses : et si nous nous sommes donné un peu de peine au commencement, nous serons ensuite en état d’instruire les autres, comme saint Paul nous y exhorte. L’Évangile de l’apôtre saint Jean est très-élevé et très sublime, et les dogmes surtout y abondent. Ne l’écoutons point négligemment, je vous en prie, mes chers frères : je vous l’expliquerai peu à peu, afin qu’il vous soit plus facile de tout entendre et de ne rien oublier.
Nous devons craindre que la sentence que prononce Jésus-Christ, quand il dit : « Si je n’étais point venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n’auraient point le péché qu’ils ont (Jn. 15,22) », ne soit prononcée contre nous-mêmes. Quel avantage aurons-nous sur ceux qui n’ont rien entendu, si nous sortons du sermon sans en rien rapporter avec nous, et si nous nous sommes contentés d’admirer la beauté des paroles ? Faites donc en sorte que nous jetions la semence dans une bonne terre ; faites-le si vous voulez nous encourager toujours davantage : et si quelqu’un a des épines, qu’il les consume par le feu du Saint-Esprit ; s’il a un cœur dur et obstiné, que par le même feu il l’amollisse, et le rende docile ; s’il est attaqué dans le chemin d’une foule de pensées, qu’il se retire dans le secret de son cœur et qu’il n’écoute point ces ennemis, qui n’y voudraient entrer que pour voler de cette sorte nous aurons la consolation de vous voir faire de riches et d’abondantes moissons. Si nous veillons ainsi sur nous, et si nous écoutons la parole de Dieu avec soin, nous nous débarrasserons de tous les intérêts séculiers, sinon sur-le-champ, du moins peu à peu. Faisons donc en sorte qu’on ne dise pas de nous : « Leurs oreilles sont semblables à celles de l’aspic qui est sourd ». (Ps. 57,4)
Un auditeur sourd, dites-le-moi, en quoi diffère-t-il de la bête ? Comment ! celui qui n’écoute pas Dieu, lorsqu’il lui parle, n’est-il pas plus irraisonnable que tout ce qu’il y a de plus irraisonnable ? Si plaire à Dieu, c’est là le tout de l’homme, qu’on n’appelle point autrement que bête celui qui ne veut pas apprendre ce qui lui procurerait ce bonheur. (Qo. 12,13) Considérons donc quel mal nous commettons, lorsque Jésus-Christ voulant rendre les Hommes semblables aux anges, nous, d’hommes que nous sommes, nous nous changeons en bêtes : car se rendre esclave de la sensualité,