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HOMÉLIE II.


AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE VERBE. (VERSET 1)

ANALYSE.

  • 1. Saint Jean était pauvre et sans lettres.
  • 2. Combien néanmoins l’apôtre de Jésus-Christ l’emporte sur les plus fameux philosophes. – Les peuples barbares, en embrassant le Christianisme, ont appris à philosopher.
  • 3. Contre les doctrines des philosophes et en particulier contre la métempsycose.
  • 4. Pourquoi saint Jean a parlé du Fils sans parler du Père. – Quelle est la vraie philosophie ?
  • 5. L’esprit ne peut tout à la fois s’appliquer à plusieurs choses. – Avec quelle attention on doit lire l’Évangile de saint Jean.


1. Si c’était Jean qui dût nous parler lui-même et nous entretenir de ce qui le regarde personnellement, il serait de mon sujet, mes frères, de vous rapporter l’histoire de sa famille, de sa patrie et de son éducation ; mais comme ce n’est point lui, comme c’est Dieu qui parle par sa bouche, il semble qu’il soit inutile et superflu d’entrer dans ce détail mais non, ce n’est pas inutile ; bien au contraire, il est important et nécessaire de vous en faire le récit. Quand vous saurez d’où, et de quels parents il est sorti, quel il était, et que vous entendrez ensuite sa voix et toute sa doctrine, alors vous connaîtrez que ce qu’il vous dit, il ne vous le dit pas de lui-même ; mais qu’il parle sous l’impulsion de la puissance divine.
Quelle est donc sa patrie ? il n’en eut point, à vrai dire : il naquit dans un pauvre bourg et dans un pays décrié qui ne produisait rien de bon. En effet, c’est par mépris pour la Galilée que les Scribes disent : « Demandez et apprenez qu’il ne sort point de prophète de a la Galilée ». (Jn. 7,52) Le vrai Israélite[1] de même n’en fait point de cas, quand il dit : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jn. 1,46) Le lieu même de ce pays où il était né, n’avait rien d’illustre, ni de recommandable ; son nom n’y était point connu, son père était un pauvre pêcheur, et si pauvre, qu’il élevait ses enfants dans sa profession.
Or, vous le savez tous, mes frères, nul artisan n’aime à laisser son métier pour héritage à son fils, s’il n’y est forcé par son extrême pauvreté, et surtout si l’art qu’il professe est vil et abject : vous savez aussi qu’il n’est rien de plus pauvre, de plus dédaigné, et même de plus ignorant que les pêcheurs. Là cependant, comme partout, il y a des degrés et des rangs. Mais l’apôtre était d’un rang inférieur : car il ne pêchait même pas dans la mer, mais dans un petit étang : et c’est là que Jésus-Christ l’appela, comme il était avec son père[2], et Jacques son frère, raccommodant ensemble leurs filets (Mt. 4,21), ce qui est la marque d’une très-grande indigence. C’est dire assez qu’il était complètement étranger à toutes les sciences profanes : et d’ailleurs saint Luc nous assure que non seulement il était du commun du peuple, mais aussi un homme sans lettres. (Act. 4,13)
Et pouvait-il en être autrement ? un homme qui ne fréquentait ni le barreau, ni ce qu’il y a d’honnêtes gens dans une ville, qui s’occupait uniquement de pêche et n’avait de société et de commerce qu’avec des marchands de poissons et des cuisiniers, comment aurait-il pu être au-dessus des animaux et des brutes ? comment n’aurait-il pas été aussi muet, que les poissons eux-mêmes ?
Voyons néanmoins ; mes chers frères, voyons ce que dit et ce qu’avait appris ce pêcheur, qui passait sa vie autour des étangs, occupé

  1. Nathanaël.
  2. Zébédée.