Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 8, 1865.djvu/107

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Elles le sont plus que le miel et le rayon[1] de miel ne le sont à ma bouche ». (Ps. 118,103) Le prophète parle de la sorte, parce que son âme était pure et saine. N’entrons donc pas ici, si nous sommes malades, et ne mangeons de ce pain qu’après avoir purifié nos âmes. Voilà pourquoi tant de paroles et un si long discours : avant d’arriver à notre texte j’ai voulu vous préparer et vous porter à purifier vos âmes, afin que chacun de vous se guérît de toutes ses maladies, et n’abordât ce texte sacré qu’avec une âme exempte de colère, de soucis, d’inquiétudes terrestres et de toute autre passion, comme s’il allait entrer dans le ciel. Nous ne pourrions faire ici aucun profit considérable, si nous n’avions auparavant purifié nos âmes.
Qu’on ne me dise point : mais comment se préparer ? le temps qui nous reste jusqu’à la prochaine assemblée est très-court. À quoi je répondrai : Vous pouvez, mes frères, vous pouvez changer de vie, non seulement dans l’espace de cinq jours, mais vous le pouvez même en un instant.
Répondez-moi à votre tour, je vous le demande : Est-il quelqu’un de plus scélérat qu’un larron et un assassin ? N’est-ce pas là le comble de l’iniquité ? Toutefois un larron est parvenu du premier coup au faîte de la vertu, il est entré dans le paradis, et n’a pas eu besoin pour cela de plusieurs jours, ni de la moitié d’un jour, mais seulement d’un petit moment : on peut donc changer de vie en un instant, et de boue que l’on était auparavant, on peut devenir un or pur ; comme ce n’est point par nature que nous sommes ou vertueux, ou vicieux ; le changement est facile, notre volonté étant libre et nullement nécessitée. « Si vous voulez et si vous m’écoutez » dit l’Écriture, « vous serez rassasiés des biens de la terre ». (Is. 1,19)
Ne le voyez-vous pas, mes frères, qu’il ne faut que la seule volonté ? non point cette volonté banale qui ne fait défaut à personne, mais une volonté ferme et vigilante. Je le sais fort bien : il n’y a personne qui ne veuille aller promptement au ciel ; mais c’est par les œuvres qu’il faut montrer sa volonté. Le marchand qui veut s’enrichir, ne se contente pas d’en avoir la pensée et la volonté, mais il fait construire un vaisseau, il engage des matelots, prend un bon pilote, équipe son vaisseau de toutes choses, il emprunte de l’argent, traverse les flots, il va dans les pays étrangers, il s’expose à beaucoup de périls, et souffre tous les maux que connaissent ceux qui ont coutume d’aller sur mer. C’est de cette manière que nous devons faire connaître notre volonté. Nous avons aussi nous-mêmes à naviguer, non d’une terre à une autre, mais de la terre au ciel. Préparons donc nos âmes à cette navigation, afin qu’elle nous conduise au ciel : pourvoyons-nous de matelots obéissants et d’un bon navire, si nous ne voulons être en butte aux périls, aux naufrages du monde, ou être emportés par le vent de l’orgueil ; si nous voulons être alertes et dispos. Que si nous nous pourvoyons ainsi d’un navire, d’un pilote et de nautoniers, notre navigation sera heureuse, nous obtiendrons le secours du Fils de Dieu, ce vrai pilote, qui ne permettra pas que notre esquif soit submergé, mais qui, au fort des plus terribles orages, commandera aux vents et à la mer (Mt. 8,26), et fera succéder lin grand calme à la tempête.
4. Venez à l’assemblée prochaine, mes chers frères, avec ces dispositions, si vous désirez en profiter, et garder en dépôt dans votre cœur ce qu’on vous dira. Que personne ne soit « chemin », que personne ne soit « pierre », que personne ne soit « rempli d’épines ». (Lc. 8,5 et suiv) Faites de vos âmes une terre bien cultivée, et nous sèmerons avec ardeur, quand nous verrons une terre franche. Alors si nous trouvons une terre pierreuse et en friche, excusez-nous de ne vouloir pas travailler en vain ; car si, cessant de semer, nous commencions par arracher les épines… d’un autre côté, jeter la semence dans une terre inculte, serait une conduite insensée.
Il n’est point permis à un homme qui assiste à ces entretiens de participer à la table des démons (1Cor. 10,21) ; car quelle société peut-il y avoir entre la justice et l’iniquité (Id. 6,24) ? vous êtes auditeurs de Jean vous apprenez de lui des choses qui sont de l’Esprit de Dieu : et vous iriez ensuite entendre des courtisanes qui disent des obscénités[2] et font des

  1. Le rayon. N. Vulg dit seulement le miel, mais le saint Auteur n’est pas le seul qui ajoute : et le rayon de miel. Saint Ambroise, saint Jérôme, salut Augustin, et les anciens psautiers lisent de même : Super met et favum ori meo.
  2. Des femmes montaient sur le théâtre comme les bouffons, et jouaient tous les mêmes personnages ; leurs paroles et leurs gestes étaient pleins d’ordures et d’obscénités, ce qui excitait souvent le zèle de notre saint Docteur.