Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus leurs soucis tandis qu’ils vivaient, parce qu’ils savaient cela. Ces constructions sont des accusations contre ceux qui ne sont plus. Et même, si le corps est caché sous terre, les pierres du tombeau prennent une voix pour accuser chaque jour leur cruauté, leur impudeur, pour les dénoncer comme des ennemis publics, pour appeler sur eux les imprécations, les plaintes et les insultes des passants. Quelle est donc cette gloire qui consiste à laisser après soi ces monuments accusateurs qui, loin de garder le silence, appellent la parole sur les lèvres de tous ceux qui les voient et qui semblent solliciter les parents à s’indigner coutre ceux qui les ont fait bâtir ? Où trouver une folie égale à celle de ces hommes qui font tout ce qu’il faut pour être châtiés, pour être couverts de confusion, pour se susciter des accusateurs, pour s’exposer à voir leur sépulture violée ; qui font tout pour accumuler sur eux les imprécations, les insultes, les plaintes sans nombre, et cela non seulement de la part de ceux à qui ils ont fait du mal, mais encore de la part de ceux à qui ils n’en ont pas fait ? « Mais Dieu rachètera mon âme des mains de l’enfer, lorsqu’il me recevra (16). »
Après avoir dit le salaire des méchants et le prix dont on payera leurs péchés, il parle des récompenses réservées aux hommes vertueux. C’est son habitude et c’est aussi celle des autres prophètes, afin que l’auditeur puisse peser sa décision en se rendant compte et du châtiment destiné au péché, et des récompenses promises à la vertu. Voici la part des pécheurs, dit le Prophète : le déshonneur, les vains travaux, la stupidité, le ridicule, la honte, l’extermination, la mort, le châtiment, les vengeances éternelles, la faiblesse qui expose aux mauvais traitements, la privation de la gloire et de la sécurité, les insultes, les accusations, l’absence de toute consolation au milieu de leurs maux soit pendant cette vie, soit après. Pour nous ce sera tout le contraire, nous n’aurons pas de châtiments à craindre, notre âme sera libre, en sûreté, glorieuse et Honorée. Tout cela en effet est sous-entendu dans ces paroles : « Cependant Dieu rachètera mon âme des mains de l’enfer lorsqu’il me recevra. » Par l’enfer, il désigne les châtiments, les supplices terribles de la vie future. Or jugez quels honneurs nous attendent non seulement d’après cela, mais encore d’après ce qui suit. Quand Dieu m’aura reçu, dit-il, je le verrai plus distinctement que je ne fais aujourd’hui. Aujourd’hui c’est la foi qui dirige nos pas, et non la vue même de la divinité alors nous verrons Dieu face à face. (1Cor. 13,12) On payera la rançon de mon âme, et mon corps jouira du même privilège. « Ne craignez pas l’homme quand il aura multiplié ses richesses et étendu la gloire de sa « maison (17). » Puisqu’il en est ainsi, dit le Prophète, pourquoi craindre les choses présentes, pourquoi vous soucier de la pauvreté ? pourquoi avoir peur de celui qui est riche ? On vous a enseigné tout ce qui a trait à la résurrection et à la répartition des biens éternels, et au châtiment des pervers ; pourquoi donc ensuite trembler devant des chimères ? Les seuls biens stables et solides, ce sont ceux-là : les autres, les biens de la terre, sont semblables à des fleurs qui se flétrissent. Aussi le Prophète, lassant de côté tout le reste, s’est élancé contre la citadelle de tous les maux, contre la passion des richesses : celle-là détruite, tout le reste tombe en même temps.
11. Et comment n’aurais-je pas peur, dit l’homme, devant ceux qui disposent d’une telle puissance ? – La puissance est le jouet du sort, la force ne dure qu’un instant, la prospérité ne fait que passer, les richesses, la fortune et ces grands honneurs, tout cela ressemble à des ombres, à des rêves. Aussi le Prophète dit-il encore : « Parce qu’à sa mort il n’emportera pas ses richesses, et que sa gloire ne descendra pas avec lui dans le tombeau (18) », – nous donnant ainsi un motif de ne pas craindre ce qui dure si peu. La mort est venue, dit-il, elle a coupé la racine, et voilà que ses feuilles tombent, voilà que sa maison devient une proie offerte à qui veut la prendre. Les brebis et les chèvres portent la dent sur l’arbre qu’on vient de couper et qui est étendu par terre, il en est de même des riches dont nous parlons : parmi leurs ennemis, parmi leurs amis et parmi ceux à qui ils ont rendu service, combien ne s’en trouve-t-il pas qui viennent prendre part à la curée ? Et cet homme environné d’une si grande puissance, qui possédait tant d’échansons, de cuisiniers, de cratères d’or et d’argent, tant et tarit d’arpents de terre, qui avait des maisons, des esclaves, des chevaux, des mules, des chameaux, des armées de serviteurs, il s’en va seul, nul ne l’accompagne, et il n’emporte même pas ses vêtements avec lui. Plus est grand le luxe qui l’entoure,