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Afin de comprendre que le monde entier n’est pas suffisant pour payer la rançon de l’âme, écoutez ce que dit saint Paul de quelques autres saints : « Ils étaient vagabonds, couverts de peaux de brebis et de peaux de chèvres, abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le monde n’était pas digne. » (Héb. 11,37 et 38) Le monde est fait pour l’âme. De même qu’un père ne préférerait pas sa maison à son fils, dé même Dieu ne préfère pas le monde à l’âme : ce qu’il faut, c’est agir, et bien agir. Voulez-vous savoir ce que valent nos âmes ? Le Fils unique, quand vint le moment de les racheter, ne donna ni 1e monde, ni un homme, ni la terre, ni la mer, mais son sang, ce sang si précieux. Ce qui a fait dire à saint Paul : « Vous avez été achetés d’un grand prix ; ne vous rendez pas esclaves des hommes. » (1Cor. 7,23) Vous voyez combien l’âme est précieuse. Quand donc vous aurez perdu cette âme achetée si cher, comment désormais pourrez-vous la racheter ? « Car le Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus. » (Rom. 6,9) Vous avez vu tout ce que coûte l’âme, vous avez vu tout ce qu’elle vaut. Ne la méprisez donc pas, ne la laissez pas au pouvoir de l’ennemi. « L’homme se consume dans des travaux sans fin, et il vivra jusqu’à la fin (10). » Un autre interprète dit : « Il s’est reposé pour toujours… » Un autre dit : « Il s’est reposé dans ce temps-ci, et il continuera de vivre pendant les siècles. »
Après avoir parlé des riches, après avoir parlé des puissants, et montré qu’il n’y a rien à gagner aux richesses ni à la puissance, il ne s’adresse plus qu’à ceux qui ont vécu dans la vertu, à ceux qui sont dans la peine et dans la misère, pour les préparer air combat comme les athlètes de la philosophie. N’allez pas m’objecter, dit-il, qu’il n’y a là que fatigues et travaux : songez au résultat, songez que l’homme devient immortel, qu’une vie éternelle le recevra ; une vie qui n’a pas de fin. Combien n’est-il pas préférable, après avoir souffert un peu ici-bas, de jouir d’un délassement perpétuel, plutôt que dé s’exposer à vivre toujours dans les tourments pour avoir eu la faiblesse de céder un instant à ses passions ? Ensuite montrant que ce n’est pas seulement là-haut que se trouve ce qui concerne les récompenses et les couronnes, mais que dès cette vie on peut y préluder, voici ce qu’il ajoute : « Il ne verra pas l’œuvre de la mort, quand il verra les sages trépasser (11). » Ne me dites pas : Tu parles seulement des choses futures. Je vous donne sur cette terre le gage de la couronne à venir, ou plutôt je vous donne les arrhes mêmes et les récompenses. Comment, et de quelle manière ? Parce que celui qui pratique cette philosophie, et qui s’appuie sur l’espérance de la vie future, ne croira même pas que la mort soit la mort. En voyant étendu sous ses yeux le corps d’un homme qui vient d’expirer, il n’éprouvera pas les mêmes impressions que la foule : il songera aux couronnes, aux prix décernés au vainqueur, à ces biens ineffables que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, à cette rie de bonheur passée en compagnie des anges. De même que le laboureur en voyant le grain se dissoudre, loin de tomber dans l’abattement se réjouit surtout alors et se félicite, parce qu’il sait que cette dissolution est le principe d’une reproduction nouvelle et meilleure, et le point de départ d’une récolte plus abondante, de même le juste, fier de ses bonnes actions, attendant chaque jour le royaume des cieux, ne se décourage pas, comme le vulgaire, ne s’émeut pas, ne se trouble pas en présence de la mort. Il sait que, pour ceux qui ont bien vécu, la mort est un acheminement à une vie meilleure, un départ pour un pays plus beau, une course triomphale pour aller recevoir la couronne. De quels sages est-il question ? Non pas des vrais sages, mais de ceux qu’on regarde comme tels. Il me semble que le Psalmiste désigne les sages selon le monde, et qu’il se moque d’eux précisément parce qu’avec leur prétendue sagesse ils n’ont été que des insensés qui n’ont jamais pris la résurrection pour sujet de leurs méditations philosophiques. (Rom. 1,22).
Quand donc l’homme dont nous parlons verra mourir ces philosophes, qu’il les verra porter au tombeau avec des lamentations, des larmes et des plaintes, il n’éprouvera aucune de ces tristes impressions. Il sera au-dessus de telles atteintes, parce qu’il s’appuie sur de solides et bonnes espérances et qu’il sait que cette destruction du corps n’est pas celle de la substance même, mais que c’est la dissolution de la partie mortelle, la suppression de la partie corruptible. Cette mort ne détruit pas le corps, elle n’en détruit que la partie périssable, si bien que la substance reste pour ressusciter avec une gloire plus grande, ce qui toutefois