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Une autre fois, on l’excitait à la jalousie, on cherchait à provoquer son indignation : il ne répondit que ces sages paroles : « Qui fera que tout ce peuple soit prophète du Seigneur ? » (Nb. 11,29) Sa sœur elle-même l’insulte : avec quelles instances ne prie-t-il pas poutrelle ? En bien d’autres choses on peut voir paraître sa douceur, par exemple lorsque repoussé de la Terre promise, et se voyant refuser l’entrée de la Palestine, il s’entretient si paisiblement avec les Juifs. Cependant ce même homme, si plein de douceur, demanda que Dathan, Abiron et Coré, fussent engloutis sous la terre le jour où ils usurpèrent le sacerdoce, et que les autres fussent brûlés, en punition de ce qu’ils avaient offert le feu d’autrui. Ce David si clément tua Goliath, repoussa son armée, et remporta la victoire. En effet, ce qui caractérise par-dessus tout la douceur, c’est le pardon des injures dont on a été victime soi-même, en même temps que l’assistance prêtée aux opprimés. Telle fut la conduite du Christ lui-même, qui disait sur la croix : « Mon père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » (Lc. 23,34) Puis il ajoutait, pleurant sur Jérusalem : « Combien de fois j’ai voulu rassembler vos enfants, et vous ne l’avez pas voulu : voici que votre maison est laissée déserte. » (Mt. 2,3, 37, 38) Souffleté, au lieu de rendre l’affront, il s’excusait à l’insolent : traité de démoniaque, il chassait les démons ; appelé charlatan, ennemi de Dieu, il acheminait vers le Royaume ceux qui l’injuriaient ainsi. Il ne cessait de recommander à ses disciples de se laisser fouetter, persécuter, proscrire, et de rechercher la dernière place : « Que celui qui veut être le premier parmi vous », dit-il, « soit votre serviteur. » (Mt. 20,26) Et se prenant lui-même pour exemple, il ajoutait : « Comme le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner son âme en rançon pour plusieurs. » (Id. 28) S’il chasse les démons, s’il fait la guerre aux diables, s’il ruine l’erreur, c’est encore un trait de mansuétude que de guérir tous les vices et d’affranchir ainsi les pécheurs, que de réprimer les entreprises des démons, et de tirer de peine les persécutés. Mais qu’est-ce à dire : « A cause de la vérité, de la douceur et de la justice ? » Il a parlé de la guerre, du combat, il a montré le guerrier : il parle maintenant des exploits de son règne, de l’espèce de trophée qu’il a élevé, de la nature de sa victoire. Ici-bas, tous les rois font la guerre ou pour des villes, ou pour de l’argent, ou par haine, ou par vanité : rien de pareil chez lui : il combat pour la vérité afin de l’implanter sur la terre ; pour la douceur, afin d’adoucir des êtres plus farouches que des bêtes sauvages, et pour la justice, afin de rendre justes les âmes soumises à la tyrannie de l’iniquité, de les rendre justes d’abord par la grâce, ensuite par les bonnes œuvres. « Et votre main vous guidera miraculeusement. » Suivant un autre : « Et votre main vous éclairera sur les choses terribles. » D’après un autre encore : « Et votre main vous montrera des choses terribles (7). » Voyez-vous comment ici encore, il nous fait entrevoir la majesté propre à l’auteur de tant d’exploits ? De même que, plus haut, après avoir parlé d’armes et d’épée, il était revenu à la jeunesse, et avait ainsi élevé ses auditeurs aux pures contemplations de l’esprit : de même ici, après être descendu à ce détail grossier d’arc et de flèches, il relève peu à peu notre pensée, en nous exposant les, motifs de cette guerre, à savoir la vérité, la douceur, la justice. Après cela il nous fait connaître la manière dont la victoire a été remportée. « Et votre bras vous guidera miraculeusement. » Voici le sens de cette phrase : Sa nature se suffit à elle-même, sa puissance n’a pas besoin d’aide pour voir ce qu’il faut faire, et pour l’accomplir.
7. Un autre dit fort bien : « Votre bras est terrible. » Rien de plus terrible en effet, de plus effrayant que ces exploits : la mort vaincue, les portes de l’enfer forcées, le paradis, le ciel ouvert, les démons bâillonnés, les choses d’en haut mêlées à celles d’ici-bas, un Dieu fait homme, un homme assis sur le trône royal ; espérances de résurrection, attentes immortelles, jouissance de biens ineffables, que sais-je encore ? autant de fruits de sa venue. De là ces mots : « Votre main vous guidera vers les choses terribles ; » il veut montrer que la nature de ce Sauveur, que sa puissance lui suffit pour former, pour accomplir ses desseins. Les Septante traduisent : « Votre main vous guidera miraculeusement », c’est-à-dire qu’il ne faut pas admirer seulement ces effets, mais la façon miraculeuse dont ils se sont produits. Une mort a vaincu la mort, une malédiction a anéanti la malédiction et y a substitué la bénédiction : un aliment nous avait fait exclure autrefois, un aliment nous