artifices du malin, interdire à ses yeux la vue d’une belle jeune fille ? Le diable approche : il ne fuit pas, il tient bon, comme un lion confiant dans ses forces. Une jeune fille parait ; il recule ; au lieu de s’arrêter à contempler sa beauté, il se hâte de battre en retraite. C’est qu’il savait que pour lutter avec succès contre les démons, les qualités requises sont l’audace et le courage : mais que, lorsqu’on se propose pour but la continence, la victoire n’est pas donnée à l’expérience, mais à la fuite. Vous tous qui faites profession de virginité, recevez donc les conseils de cet homme chaste entre tous qui demeura si fidèle à la continence même avant l’Incarnation. Ce n’est pas, en effet, une chose indigne d’attention, qu’il ait paru avant l’Incarnation des justes capables de si grandes marques de continence.
Moins de raisons plaidaient alors pour cette vertu : on ne faisait pas un crime, même aux vierges, de n’y pas être demeurées fidèles. Comment cela ? C’est que si Dieu, si le sublime auteur de l’univers s’est revêtu de la forme humaine, c’était pour faire descendre du ciel la pureté des anges. Lorsque maintenant les hommes, après un tel honneur, se soumettent au joug de la volupté, on ne saurait représenter par des couleurs assez fortes une témérité qui assimile les membres du Christ à des membres de prostituée, qui attente à la miséricorde du Seigneur, et la rend stérile autant qu’il dépend de l’homme. Les démons savent, et ils en sont effrayés, que Dieu, qui ne leur permet pas de s’unir à lui, nous accorde cette faveur. Et parmi les fidèles, on trouve des hommes qui osent se séparer du Christ, et s’unir à des prostituées ! Ce serait un moindre mal, de tomber du ciel dans la boue, que de déchoir, une fois membre du Christ, de ce divin honneur, et de devenir membre de prostituée.
Ainsi donc, quand la concupiscence s’allume dans votre âme, souvenez-vous aussitôt du Christ, figurez-vous que Paul est là qui vous exhorte et vous dit : « Ne savez-vous pas que vos corps sont membres du Christ ? Portant les membres du Christ, en ferez-vous des membres de prostituée ? » (1Co. 6,15) Rappelez-vous ces paroles : et aussitôt vous verrez fuir la volupté. Car si une maîtresse chaste et réservée rappelle au devoir par son seul aspect des servantes débauchées, faut-il s’étonner que le souvenir du Christ apaise incontinent les chatouillements de la volupté ? Ayez toujours devant les yeux le rayonnement de la croix, et toujours vous resterez pur de péché. Ainsi qu’une colonne de nuées, figure de notre croix, protégeait la foule des Hébreux contre toutes les attaques des Égyptiens : de même l’aspect de la croix suffit pour chasser loin de nous toute volupté coupable, voilà la sauvegarde de l’âme, voilà l’antidote des passions honteuses. Car si les médecins savent guérir les infirmités du corps, une âme malade est guérie sur-le-champ par les paroles du Christ.
Nous prions donc et nous conjurons les pécheurs qui sont encore asservis aux voluptés de la chair, de se réveiller, de revenir à eux, de ne pas se laisser vaincre par les passions, ni emporter par leurs mouvements déréglés, de ne pas se soumettre volontairement à une odieuse servitude, mais de lutter vaillamment, d’affermir leur âme par la crainte du Christ, et de chasser leur tyran de la forteresse qu’il occupe : afin que, lavés de toute souillure, purifiés de nos innombrables péchés, nous puissions approcher avec une âme sans reproche et sans tache des divins et augustes sacrements du grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ : à qui gloire et puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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