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mais l’un s’abstient forcément par impuissance ; l’autre est chaste par la puissance de sa volonté, il veut et il triomphe.
Et, quand les hommes peuvent par eux-mêmes de telles choses, quand ils peuvent raisonner, parler, accomplir tant d’autres actes, le Maître des anges ne pourra par lui-même absolument rien ? Qui supporterait un pareil langage ? N’entendez-vous pas saint Paul disant : « Dans une grande maison ne se trouvent pas seulement des vases d’or et d’argent, mais il y en a de bois et de terre, les uns pour l’honneur, les autres pour l’ignominie ; si quelqu’un se garde pur de ces choses, il sera un vase d’honneur, sanctifié et propre au service du Seigneur. » (2Tim. 2,20-21)
3. Voyez-vous encore que c’est par eux-mêmes qu’ils se corrigent ? Car c’est là le sens du mot : « Si quelqu’un se garde pur. » Que signifie donc l’objection qui nous est faite ? Si je ne m’adressais qu’à des frères, j’aurais déjà tiré la conclusion ; mais puisque, j’ai affaire à des adversaires, à des ennemis, il me faut encore renverser leurs arguments. Examinons derechef la parole évangélique, pour en rendre le sens manifeste.
Que nous puissions par nous-mêmes et agir et parler, c’est ce que le raisonnement a assez démontré. Car s’il n’en était ainsi, nous ne serions pas récompensés pour nos bonnes œuvres. Interrogeons de nouveau l’hérétique. Que veut-il dire : « S’il n’a vu son Père faire quelque chose, il ne peut rien faire de lui-même ? » De cette parole prise à la lettre, mais non de son interprétation, ou plutôt non pas même de cette parole, mais de la fausse interprétation qu’en donnent les hérétiques, il résulte nécessairement qu’il a dû y avoir deux créations. – Comment ? Pourquoi ? – S’il n’a vu son Père faire quelque chose, disent-ils, il ne peut rien faire. Il faut donc de toute nécessité que les œuvres du Père aient été d’abord achevées, et puis qu’il y en ait d’autres du Fils, qu’il crée après avoir vu les premières. Car s’il n’a vu faire, il ne faut pas, disent-ils. Or, pour qu’il voie, il faut qu’il y ait des œuvres.
Eh bien, je vous prie, répondez-moi ! Je ne vois qu’un soleil, pourriez-vous m’en montrer deux, afin que j’attribue l’un au Père, l’autre au Fils ? Montrez-moi deux lunes, deux terres, deux mers, et ainsi du reste ? Vous ne le pourriez. Car il n’y a qu’un soleil. En quel sens donc ne fait-il rien, qu’il n’ait vu faire à son Père ? De qui voulez-vous que le soleil soit l’ouvrage ? Du Père ? Où est le soleil du Fils ? Du Fils ? Où est le soleil du Père, le modèle sur lequel le Fils en a fait un semblable ? Comment maintenir ce mot : « Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait ? » (Jn. 1,3) Car si tout a été fait par lui, quel moment assigner à cette division de l’œuvre ? Voyez-vous quels raisonnements ! Comme vous vous percez de vos propres armes ! Comme le mensonge se dénonce lui-même !
Voilà comment, en exposant leur interprétation, je l’ai montrée se ruinant elle-même. Mais je leur demanderais volontiers encore Lequel a revêtu notre chair, et est descendu dans le sein d’une vierge ? Le Père ou le Fils ? Répondez. N’est-il pas clair pour tous que c’est le Fils unique de Dieu ? Paul dit : « Soyez dans le même sentiment où a été Jésus-Christ qui ayant la forme de Dieu, n’a point cru que ce fût pour lui une usurpation d’être égal à Dieu, mais il s’est anéanti lui-même en prenant la forme de serviteur. » (Phil. 2,5-7) Et : « Dieu a envoyé son Fils unique, né d’une femme, né sous la loi. » (Gal. 4, 4) Toute l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament, est remplie de témoignages à ce sujet, et les faits crient que le Fils unique s’est fait chair, et non pas le Père. Est-ce donc après avoir vu son Père prendre un corps, que le Fils unique a pris un corps ? Car il ne l’aurait pu s’il ne l’avait vu le faire. « Il ne peut rien faire de lui-même qu’il ne l’ait vu faire à son Père. » Quand donc aurait-il vu son Père prendre un corps ? Vous ne le pourriez dire. Et ne prétendez pas que ce soit là peu de chose. Car le fondement de notre salut est l’incarnation du Fils unique, sa descente au milieu de nous. Avant qu’il se fût fait homme, le mal régnait sur le monde, la nuit la plus profonde enveloppait tout, de tous côtés ce n’étaient que temples et autels pour les idoles, qu’odeur et fumée de sacrifices, que torrents de sang, et de sang non seulement de brebis et de bœufs, mais même d’hommes. « Ils sacrifiaient leurs fiels et leurs filles aux démons. » (Ps. 105,3) Et ces crimes, qui les commettait ? Le peuple qui possédait des prophètes, qui connaissait la loi, qui avait joui de la vue de Dieu, qui avait été nourri au milieu de miracles sans nombre.