en racontant leurs maux : « La honte de mon visage m’a couvert, à la voix de celui qui m’insultait et parlait contre moi : Car vous nous avez humiliés. »
Si toutefois on veut le faire rapporter à : « Vous avez écarté nos sentiers de votre voie », cela offre encore une suite avec l’idée dont nous parlions tout à l’heure. En effet, cela fait voir comment il les a repoussés de leurs sentiers, c’est-à-dire de leurs usages et de leurs lois, pour les mener dans des lieux déserts, et les abandonner au milieu de leurs ennemis. Car c’est le sens de : « L’ombre de la mort nous a couverts ; » le Psalmiste entend par là les dangers qui causent la mort, les dangers dont le trépas est voisin, de même que l’Écriture les appelle les angoisses de la mort et les portes de l’enfer. Et il représente ici ce que les maux ont d’inévitable sous la figure de l’ombre et d’une chose qui nous couvre, pour exprimer qu’on rie saurait y trouver aucune délivrance ni le moindre relâche. « Si nous avons oublié le nom de notre Dieu, et si nous avons tendu nos mains vers un Dieu étranger (21). Dieu ne recherchera-t-il pas ces crimes ? Car il connaît les secrets des cœurs (22). » C’est le fait de serviteurs fidèles, lorsqu’ils éprouvent de mauvais traitements, de continuer à servir leur maître ; ce sont là les enseignements de la sagesse. Et ici, nos héros apprennent en outre à ceux qui écoutent leurs discours, à ne point feindre, mais à servir Dieu de tout cœur. « Car Dieu, est-il dit, connaît les secrets de l’âme. » Et ils parlent ainsi pour les effrayer, afin qu’ils n’aient aucune pensée qui soit indigne de Dieu. Voyez encore quel grand surcroît de vertu, car le Prophète ajoute : « Car, à cause de vous, nous souffrons la mort tout le jour, nous avons été considérés comme des brebis destinées à être égorgées. » C’est que s’il est grand de demeurer dans le service de Dieu et de ne pas lui échapper pour passer à un autre, il est encore bien plus grand, de lui conserver un tel amour quand nous sommes continuellement menacés de la mort, et exposés à des dangers de tous les jours. Et songez quel haut degré de sagesse il y a en cela, puisque c’est celui que possède saint Paul, énumérant dans son épître aux Romains (Rom. 8,36), tout ce déluge de périls auquel l’Apôtre fut exposé. Ainsi, quelles couronnes ne méritèrent pas les Macchabées qui, sous l’ancienne loi, nous apparaissent comme ayant d’avance atteint la mesure des luttes soutenues sous la loi nouvelle ? Car ce que dit saint Paul : « Je meurs tous les jours (1Cor. 15,31) », les Macchabées le font aussi, non pas en réalité, non pas en effet, mais en intention. Et pourquoi le psaume porte-t-il : « A cause de vous ? » C’est-à-dire, il nous était loisible de passer à l’ennemi, d’abandonner les usages de nos ancêtres, et de vivre en sûreté ; mais nous préférons endurer de mauvais traitements, et garder les mœurs de nos pères, plutôt que de jouir de la paix après être déchus de ces mêmes mœurs. « Nous avons été considérés comme des brebis destinées à être égorgées. » Telle est, veut dire le Psalmiste, la facilité avec laquelle on nous détruit. Et par là il fait voir en outre leur douceur. Et malgré cela, quoique étant pour eux une proie si facile, nous demeurons avec notre âme inébranlable. Ici nous devons en outre admirer la puissance de Dieu, de ce que ces hommes exposés à la merci de leurs ennemis comme des brebis destinées à être égorgées, il les a conservés, et de ce qu’il n’a pas laissé tomber victimes de la mort ces hommes qui souffraient la mort tous les jours. « Levez-vous ; pourquoi sommeillez-vous, Seigneur ? » Une autre version porte : « Pourquoi êtes-vous endormi ? » Une autre : « Réveillez-vous. » Et une autre : « Éveillez-vous, levez-vous, et ne nous repoussez pas jusqu’à la fin. Pourquoi détournez-vous votre visage ? » Et suivant un autre interprète : « Pourquoi cachez-vous votre visage ? Oubliez-vous notre dénuement et notre tribulation ? » Suivant une autre version
« Notre état misérable ? » Dans tous les cas, c’est comme s’il y avait : vous pouvez mettre un terme à nos maux ; car ce n’est pas par votre impuissance que tout cela arrive, mais par votre permission. Le Psalmiste appelle ici sommeil l’absence d’action de la part de Dieu, il appelle réveil le châtiment, et visage, sa protection, sa providence, sa sollicitude, son secours.
9. « Pourquoi oubliez-vous notre dénuement ? » Voyez encore une fois la sagesse du Prophète. Il ne dit pas : nos belles actions ; il ne dit pas : notre cœur inébranlable ; il ne dit pas notre âme à l’épreuve des tentations. On met tout cela en avant quand on cherche à se justifier ; mais quand on demande assistance, on tire ses arguments de salut de la condamnation que l’on a subie. C’est, dit-il, parce
Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/46
Cette page n’a pas encore été corrigée