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que la maladie n’est point un mal. Un autre, un prophète souffrait continuellement des yeux : il n’en était pas plus méchant pour cela : loin de là, il prophétisait, il prédisait l’avenir ; la maladie n’apportait aucun obstacle à sa vertu. Mais ce n’est pas à dire que la santé soit un bien, à parler absolument, et si, au lieu de s’en servir comme il convient, on en use pour de mauvaises pratiques, ou pour une imbécile oisiveté. – Pour cela aussi, l’on a des comptes à rendre. De là ces mots de Paul : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus. » (2Th. 3, 10) Encore des choses indifférentes, qu’il appartient à ceux qui en usent de rendre bonnes ou mauvaises.
Et, à quoi bon m’étendre sur la santé, la mort, la richesse, la pauvreté. Prenons ce qui résume pour le vulgaire tous les biens, ce qui lui paraît le comble des maux ; je veux dire la vie et la mort : eh bien ! ce sont encore des choses indifférentes, qui changent de caractère selon l’usage qu’on en veut faire. Par exemple, vivre est un bien, quand on fait de la vie un bon usage : en use-t-on pour pécher, pour faillir, ce n’est plus un bien, la mort est dès lors préférable. Et ce coup qui inspire tant de craintes à la multitude devient une source de biens innombrables, quand on le reçoit pour, un noble motif. J’en atteste les martyrs, dont la mort a fait les plus heureux des hommes. Voilà pourquoi Paul désirait vivre dans le Christ : il voyait là le prix de ses travaux. « Je ne sais que choisir, » dit-il, « car je me sens pressé des deux côtés, désirant d’être dégagé des liens du corps et d’être avec Jésus-Christ. Car cela est bien préférable. Mais demeurer dans la chair est plus nécessaire à cause de vous. » (Phi. 1, 22-24) De là aussi cette parole du Prophète : « Précieuse devant le Seigneur est la mort de ses saints. » (Psa. 115, 15) N’entendez point la mort en général, mais une telle mort. Ailleurs vous lisez, au contraire : « La mort des pécheurs est mauvaise. » (Psa. 33, 22). Voyez-vous, ici encore, une de ces choses indifférentes qui varient du bien au mal, au gré de ceux qui les éprouvent. Aussi le sage Salomon peut-il compter parmi les biens ces choses indifférentes, cri raisonnant à leur sujet, en montrant que s’il est faux d’en faire absolument des maux ou des biens, l’opportunité en fait des biens, quelle qu’en puisse être l’apparence, et que le contraire arrive dès que l’opportunité fait défaut : « Il y a un temps pour pleurer, » dit-il, « et un temps pour rire ; il y a un temps « pour vivre et un temps pour mourir. » C’est que la joie même n’est point un bien dans tous les cas ; il en est, au contraire, où elle devient funeste. Pareillement, la souffrance n’est pas toujours un bien ; elle devient quelquefois pernicieuse et mortelle. C’est encore ce que montre Paul, en disant : « La tristesse qui est selon Dieu produit pour le salut une pénitence stable ; mais la tristesse du siècle produit la mort. » (2Co. 7, 10)
5. Voyez-vous que ceci encore est une chose indifférente ? Par conséquent le contraire, je veux dire la joie, sera chose également indifférente. Aussi ne nous est-il pas recommandé de nous réjouir purement et simplement, mais bien de nous réjouir dans le Seigneur. Mais nous avons assez éclairci ce sujet de choses indifférentes, au moins pour des auditeurs attentifs : il faut en venir maintenant aux choses qui ne sont pas indifférentes, aux choses bonnes qui ne sauraient devenir mauvaises, aux choses mauvaises qui ne peuvent jamais devenir bonnes. Celles dont nous avons parlé sont susceptibles de prendre tour à tour ces deux qualités : par exemple, la richesse est un mal, lorsqu’on s’en sert pour dépouiller autrui ; un bien, quand on la répand en aumônes ; et tout le reste suit la même règle. Mais il y a des choses qui ne sauraient devenir mauvaises ; d’autres, contraires aux précédentes, qui sont invariablement mauvaises et hors d’état de devenir bonnes : par exemple, l’impiété, le blasphème, l’incontinence, la cruauté, l’inhumanité, la gourmandise, et tout ce qui a le même caractère. Je ne veux pas dire qu’un homme méchant ne puisse devenir bon, ni qu’un homme bon ne puisse devenir méchant : je dis seulement que les choses mêmes ne comportent point un pareil changement. Ici, il y a des bornes infranchissables ; d’un côté est le bien, de l’autre, le mal. Quant à l’homme, il est bon ou méchant, selon qu’il se porte d’un côté ou de l’autre. – Voilà donc trois catégories : des biens qui ne sauraient devenir maux, comme la chasteté, l’aumône, que sais-je encore ? des maux qui ne sauraient devenir biens, par exemple, l’incontinence, l’inhumanité, la cruauté ; enfin des choses qui sont susceptibles