Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/406

Cette page n’a pas encore été corrigée

selon les lois ordinaires de la nature et la même nourriture que les autres hommes, c’est notre condition ; mais être étranger à tout vice, n’avoir jamais donné la moindre marque de perversité, voilà qui est extraordinaire, étonnant et qui ne convient qu’à lui. C’est pourquoi le Prophète mentionne l’une et l’autre chose. Ce n’est pas, dit-il, après avoir goûté le mal qu’il s’en éloigne, mais dès l’origine et parla vertu d’en haut il a pratiqué toute vertu. C’est ce que le Christ a dit lui-même : « Qui de vous me convaincra de péché ? » et encore : « Le prince de ce monde vient et il n’a rien en moi. » (Jn. 8,46 et 14,30)
7. Le Prophète même que nous expliquons n’a-t-il pas dit : « Il n’a point commis l’iniquité et le mensonge ne s’est point trouvé dans sa bouche ? » (Is. 59,9) C’est aussi ce qu’il dit dans le passage actuel qu’avant même de connaître ou de choisir le mal, lorsqu’il sera encore dans cet âge de l’innocence, au commencement de sa vie, il embrassera la vertu et n’aura rien de commun avec le vice. « Car, avant de distinguer le bien et le mal, l’enfant s’éloignera du mal pour rechercher le bien. » Il répète dans les mêmes termes la même pensée et insiste sur la même idée. Comme ses paroles annonçaient une chose sublime, il s’efforce, en la répétant, de la faire croire. Ce qu’il a dit plus haut : avant de connaître ou de choisir le mal, c’est ce qu’il redit en ces termes : « L’enfant, avant de distinguer. » Et il insiste encore en disant : « Le bien et le mal, s’éloignera du mal pour rechercher le bien. » Ce fut là le caractère distinctif de l’enfant-Dieu. C’est celui que saint Paul fait continuellement remarquer, et saint Jean, en voyant le Christ, élève la voix pour crier : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde. » (Jn. 1,29) Mais celui qui enlève le péché des autres est à plus forte raison sans péché lui-même. C’est aussi ce caractère sur lequel, comme je l’ai dit plus haut, saint Paul insiste continuellement. Comme le Christ devait mourir, l’Apôtre, de peur qu’on ne crût que cette mort était la punition de son péché, rappelle sans cesse son innocence, pour montrer que sa mort était la rançon de notre péché. Aussi il dit : « Le Christ, ressuscité d’entre les morts, ne meurt plus : car s’il est mort, c’est pour le a péché qu’il est mort. » (Rom. 6,9-10) Et cette mort, veut-il dire, il ne l’a pas endurée comme y étant soumis et à cause de son péché, mais à cause des péchés de tous. Si donc il n’était pas soumis à la première, il est plus que démontré qu’il ne mourra plus.
« Le pays pour lequel tu trembles devant ces deux rois sera abandonné. » Ce que le Prophète fait en toute circonstance, il le fait ici encore. Après avoir annoncé les événements futurs, il revient aux présents. J’ai longuement montré qu’il en avait agi, à propos des séraphins, comme il agit ici. Il prophétise d’abord les biens que la terre entière devait recevoir, et ensuite il s’adresse au roi. C’est pourquoi il dit : « Le pays sera abandonné. » Qu’est-ce à dire, « abandonné ? » Il ne sera pas attaqué, il sera libre, il n’aura rien à craindre, rien à souffrir des maux de la guerre. « Le pays pour lequel tu trembles », pour lequel tu es dans la terreur et les angoisses « devant ces deux rois » de Syrie et d’Israël. Mais pour que l’annonce d’événements heureux n’amollisse pas le roi, et que la paix ne le rende pas indolent, le Prophète jette dans son âme une nouvelle inquiétude partes paroles : « Mais le Seigneur fera venir sur toi, sur ton peuple, sur la maison de ton père des jours tels qu’il n’y en a pas eu de semblables depuis qu’Ephraïm a fait venir de Juda le roi d’Assyrie (17). » Par là il indique cette invasion dans laquelle les barbares renversèrent la ville de fond en comble et enlevèrent tous les habitants captifs. Et il l’annonce, non pour qu’elle arrive, mais pour que la crainte les rendant meilleurs, ils éloignent ces maux de leur tête. Comme en effet rien n’avait pu les corriger, ni les biens qui leur avaient été départis sans aucun mérite de leur part (ce que montre la disposition d’esprit du roi et l’excès de son incrédulité), ni la menace de dangers effrayants, et qu’ils avaient résisté à ces deux remèdes salutaires, Isaïe annonce désormais un désastre plus profond, et cela pour retrancher toute corruption et guérir ces malades incurables. Que veulent dire ces mots, « depuis le jour où Ephraïm aura fait venir de Juda le roi d’Assyrie ? » Les barbares vinrent dans le dessein d’enlever toute la nation ; mais ils laissèrent Juda et ses deux tribus pour se jeter sur Israël. Voici donc ce que veut dire le Prophète : A partir du jour où les dix tribus attireront sur elles, par l’énormité de leurs fautes, l’armée des barbares qui sera venue d’abord contre vous, et où elles seront emmenées captives,