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qui séparait tout ; a disparu ; le voile a été enlevé ; le Dieu de paix a étendu la paix dans le ciel et sur la terre. Aussi l’appelle-t-on la Grande Semaine, et, de même qu’elle est la première des autres semaines, de même le grand jour du sabbat est le premier de ces jours, et ce que la tête est pour le corps, le sabbat l’est pour cette semaine. Aussi, dans cette semaine, un grand nombre de personnes montre un zèle plus ardent ; les unes ajoutent à l’austérité de leur jeûne ; les autres prolongent leurs veilles sacrées ; d’autres font des aumônes plus abondantes, et le zèle qu’elles montrent pour les bonnes œuvres, et leur application à la piété, attestent la grandeur du bienfait que Dieu nous a accordé. De même qu’au jour où le Seigneur ressuscita Lazare, tous les habitants tic Jérusalem coururent au-devant de lui, et leur grand nombre attestait qu’il avait ressuscité un mort (car l’empressement de tous ceux qui accouraient, était une preuve du miracle) ; de même, aujourd’hui, le zèle que fait éclater cette Grande Semaine, est un témoignage, une démonstration des grandes choses qui s’y sont opérées. Et en effet, nous ne sortons pas d’une seule cité, nous qui courons aujourd’hui au-devant du Christ ce n’est pas la seule Jérusalem, c’est la terre entière qui envoie au-devant de Jésus ses églises, riches de peuples qui ne tiennent pas, qui ne secouent pas dans leurs mains des rameaux de palmier, niais qui portent l’aumône, l’humanité, la vertu, le jeûne, les larmes, les prières, les veilles, toutes les fleurs de la piété, pour les offrir à Notre-Seigneur, au Christ.
Et nous ne sommes pas les seuls à vénérer cette semaine ; les empereurs, qui commandent à notre terre, l’honorent aussi d’une manière toute spéciale, et ils décrètent la suspension de toutes les affaires publiques dans les cités, afin que, libres de soins, tous les chrétiens Honorent ces jours d’un culte spirituel. Voilà pourquoi ils ont fermé les portes des tribunaux. Trêve, disent-ils, à tous les procès, querelles, contentions, supplices ; que les mains des bourreaux se reposent un peu. Les merveilles du Seigneur sont pour tous ; faisons aussi, nous, les esclaves du Seigneur, quelque bien qui s’étende ; à tous. Et ce n’est pas seulement ce zèle ; cet hommage qui témoigne de leur vénération et de leur respect ; ils en donnent une autre preuve, non moins considérable ; des lettres impériales sont envoyées pour ordonner de délier, dans les prisons, les chaînes des détenus. De même que Notre-Seigneur, descendu aux enfers, a délivré tous ceux qui étaient au pouvoir de la mort, de même les serviteurs de Dieu, faisant ce qui est en leur pouvoir, imitent la bonté du Seigneur, et délivrent des chaires sensibles, s’ils ne peuvent pas faire tomber les chaînes spirituelles.
2. Et nous aussi, nous vénérons cette Semaine ; et moi, sorti avec vous, portant en guise de rameau la parole qui nous instruit, j’ai déposé mes deux petites pièces de monnaie, à l’exemple de la veuve de l’Évangile (Luc. 21,2) « Ils sortirent alors, portant des branches d’arbres et ils criaient : Hosanna au plus haut des cieux, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Mt. 21,9) Sortons donc, nous aussi, et, au lieu de branches d’arbres, montrons les dispositions d’une âme en fleurs, et crions ce que nous avons chanté aujourd’hui : « O mon âme, louez le Seigneur ! je louerai le Seigneur pendant ma vie. » (Psa. 145,2) C’est David qui prononce la première parole, et celle qui suit est également de lui ; je me trompe, ni l’une ni l’autre ne sont de David, niais l’une et l’autre appartiennent à la divine grâce. C’est le Prophète qui a parlé ; mais ce qui a fait parler la langue du Prophète, c’est l’Esprit consolateur. Aussi, dit le Psalmiste, « ma langue est la plume de l’écrivain, qui écrit très-vite. » (Psa. 44,2) De même que la plume n’écrit pas de son propre mouvement, niais par la vertu de la main qui la fait mouvoir ; ainsi la langue des prophètes ne parlait pas d’elle-même, niais parla grâce de Dieu. Maintenant, pourquoi le Psalmiste n’a-t-il pas dit seulement : Ma langue est la plume d’un écrivain, mais : « La plume de l’écrivain, qui écrit très vite ? » C’est pour vous apprendre que la sagesse est chose spirituelle ; de là sa facilité, sa rapidité. En effet, quand les hommes parlent d’eux-mêmes, ils composent, ils délibèrent, ils hésitent, ils emploient beaucoup de temps ; le Prophète, au contraire, sentait les parons ##Rem jaillir pour lui comme d’une source ; il n’éprouvait aucun obstacle ; les pensées coulant à flots surpassaient la rapidité de sa langue ; de là ce qu’il dit : « Ma langue est la plume de l’écrivain, qui écrit très-vite. » Ce sont comme des flots dont ma langue est inondée ; de là, la vitesse, la rapidité. Nous n’avons besoin, nous, ni de réflexions, ni de méditation, ni de travail.