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Combien y a-t-il de larmes dans la construction de cette maison ? Combien d’orphelins ont-ils été dépouillés ? Combien de veuves ont-elles subi l’injustice ? combien d’ouvriers ont-ils été dépouillés de leur salaire ? C’est pourquoi ce qui t’arrive, c’est juste le contraire de ce que tu veux. Tu veux la gloire pour en jouir de ton vivant et même après ta mort, tu n’échappes pas aux accusations. Semblable à une colonne d’airain, ta maison montre ton nom afin de t’exposer aux mille outrages de ceux qui, de ton vivant, ne te connaissaient pas même de vue.
4. Eh bien ! donc, puisque cette superfluité de richesses ne nous donne pas même cet avantage, fuyons, mes bien-aimés, fuyons cette maladie ; ne nous montrons pas plus féroces que les animaux les plus dépourvus de raison. Chez eux tout est commun, la terre, les sources, les pâturages, les montagnes, les bois ; aucun d’eux n’a rien dé plus que l’autre ; et toi, ô homme, le plus doux des animaux, tu deviens plus féroce que les bêtes sauvages ; tu renfermes la subsistance de milliers de pauvres, et souvent, cette subsistance de plusieurs milliers dans une seule et même maison. Et cependant, ce n’est pas la nature seule qui nous est commune, mais avec la nature, beaucoup d’autres choses encore ; le ciel nous est commun à tous, et le soleil, et la lune, et le chœur des astres, et l’air, et la mer, le feu, l’eau, la terre, la vie, la cessation de l’existence, l’accroissement, la vieillesse, la maladie, la santé, le besoin de nourriture, le besoin de vêtements.
Les choses de l’esprit nous sont communes aussi, la même table sainte, le corps du Seigneur, le sang vénérable, la promesse de la royauté, le bain de la régénération, la purification des péchés, la justice, la sanctification, la rédemption, les biens ineffables, « que l’œil n’a pas vus, que l’oreille n’a pas entendus, que le cœur de l’homme n’a jamais conçus. » (1Cor. 2,9) N’est-il donc pas absurde que nous, que réunissent tant de liens communs, la nature, la grâce, les promesses, les lois, nous nous montrions, en ce qui concerne les richesses, avides outre mesure, incapables de conserver l’égalité du droit, plus cruels que les animaux féroces, et cela, quand il faut, au bout d’un temps si court, quitter ces trésors ; et non seulement les quitter, mais à cause de ces trésors, compromettre le salut de notre âme, car la mort nous en sépare pour nous conduire aux châtiments, aux éternels supplices. Évitons ces douleurs et pratiquons pleinement l’aumône, car voilà la reine des vertus, qui nous donnera toute confiance là-bas, qui nous délivrera du châtiment et du supplice ; nul ne fera obstacle à qui se présentera escorté de l’aumône dans le ciel, car son aile est légère ; son crédit dans le ciel est immense, elle s’avance jusqu’auprès du trône royal, elle conduit, sans crainte, auprès de Dieu ses nourrissons. « Vos prières », dit l’Écriture, « et vos aumônes sont montées jusqu’à la présence de Dieu, et il s’en est souvenu. » (Act. 10,4) Qui nous empêche de nous élever, nous aussi, à cette hauteur et de nous affranchir de cette avarice importune, de ces délices, de cet orgueil inutile ? Rendons utile ce qui était superflu ; dépensons ces grandes richesses ; confions-les à la droite du Juge qui saura les garder, les mettre en sûreté, qui s’en souviendra au jour du jugement, pour nous être bienveillant et propice. Fussions-nous couverts de péchés sans nombre, il nous pardonnera, il nous justifiera. Puissions-nous tous obtenir cet effet de la miséricorde, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l’empire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.