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Celui au contraire qui avoue ne pas le savoir, mais qui affirme l’immensité défiant toute mesure, celui-là connaît le mieux la mer. Supposez un homme vous disant : J’ai vu Dieu, je l’ai saisi de mes propres yeux, cet homme-là n’ignore-t-il pas absolument la nature de Dieu ? Lui qui fait un être visible de l’être qui ne tombe pas sous les sens, en voulant grossir sa connaissance il perd même celle qu’il pourrait avoir. Supposez maintenant un homme disant : Dieu n’est pas visible, personne ne peut le voir ; cet homme-là n’a-t-il pas une grande connaissance de Dieu ? Supposez maintenant un homme disant que Dieu est incompréhensible ; un autre, au contraire, qu’on peut le comprendre ; n’est-il pas vrai de dire que le dernier ignore, que le premier sait la nature de Dieu ? Ne voyez-vous pas que Paul aussi marche par cette voie, en disant : « Ce que nous avons de science et de prophéties, est imparfait. » (1Cor. 13,9) Considérez tout ce qu’il a fallu de prodiges pour nous apprendre, non pas quelle est la substance de Dieu, mais qu’il y a un Dieu. C’est donc là encore ce que dit Paul : « Pour s’approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu’il y a un Dieu. » (Héb. 11,6) La création tout rentière le proclame ; « la grandeur, la beauté des créatures fait qu’on s’élève vers le Créateur. » (Sagesse, 13,5) La constitution même de l’homme, les honneurs qu’il a reçus de Dieu, les châtiments, les bienfaits, les différents conseils qui le gouvernent, les prédictions des prophètes, les divers miracles, voilà par quels moyens Dieu se montre ; et ensuite est venu le Fils unique qui a mis l’admirable et prodigieux couronnement qui complète cette économie. Et lorsque tant d’hommes encore ne voient pas ce qui est manifeste, tu prétends comprendre, par ta raison propre, la substance de ce Dieu ? Donc, m’objecte-t-on, vous ne connaissez pas Dieu ; loin de nous cette ignorance. Assurément, je sais qu’il existe, je sais qu’il est clément, bon, miséricordieux, prévoyant, prenant soin de toutes choses ; je sais tout ce qu’en ont dit les Écritures ; mais maintenant quelle est la substance de Dieu ? Je n’en sais rien. Adam aussi crut pouvoir en découvrir davantage ; le démon lui inspira cette prétention et Adam perdit même ce qu’il possédait. C’est ce qui arrive aux hommes, qui se laissent conduire par la raison humaine et qui ne veulent pas comprendre, que c’est le Seigneur qui donne la sagesse ; que c’est de sa bouche, que sortent la prudence et la science. (Prov. 2,6) Ils ne veulent pas entendre ce que dit Paul : « Dieu nous l’a révélé par son Esprit. » (1Cor. 2,10) Paul bannit, par là, les raisonnements humains : « Détruisant », dit-il, « les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu. » (1Cor. 2,10 ; 2Cor. 10,5) Et un autre sage : « Les raisonnements des hommes sont timides et leurs inventions chancelantes. » (Sagesse, 9,5) « Qu’est-ce que l’homme pour vous être fait connaître à lui ? » Considérez l’infini de cette grandeur, ou plutôt même en parlant ainsi, je ne fais pas entendre une parole digne de Dieu, mais je ne sais de quel langage me servir ; car, quand nous parlons de grandeur à propos de Dieu, nous n’employons pas des termes propres ; mais puisqu’il n’est pas permis de trouver d’autres termes, je me sers de ceux qui se rencontrent. En effet, quand je l’appelle le Très-Haut, je ne le circonscris pas dans un lieu, mais je montre l’élévation, la grandeur de sa nature, qui le distingue, qui le met en dehors ; au-dessus de tous les êtres. Voilà pourquoi le Psalmiste dit. « Qu’est-ce que l’homme pour vous être fait connaître à lui ? » En effet, Dieu l’a fait humble et lui a départi de grands privilèges, de manière qu’il ne put pas s’exalter, lorsque la modestie est la conséquence nécessaire de la bassesse de sa nature. « Ou qu’est-ce que le Fils de l’homme pour que vous l’estimiez ? » Avez-vous bien compris la majesté de la nature de Dieu ? « L’homme est devenu semblable à la vanité (4). » Un autre interprète, au lieu de : « À la vanité », dit : « À une vapeur. » Or, ce mot « vanité » ne signifie pas autre chose que ceci que l’homme est caduc, ne vit qu’un temps, que sa vie est courte ; dans ce passage, il s’agit du corps, et voilà pourquoi Abraham disait : « Je ne suis que terre et cendre. » (Gen. 18,27) Et maintenant Isaïe : « Toute chair, n’est que de l’herbe et toute sa gloire est comme la fleur des champs. » (Is. 40,6) Mais maintenant, que signifie « L’homme est devenu semblable à la vanité ? » Cela veut dire au néant ; il n’est rien, en effet, parmi les choses humaines, qui soit ferme ni stable ; tout passe, tout disparaît promptement. « Ses jours passent comme l’ombre », c’est-à-dire même dans le présent il n’y a en eux aucune stabilité et ils s’envolent vite.