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Tel n’était pas non plus le baiser de David à Jonathas, saint et chaste baiser, plein d’une affection sincère (1Sa. 20,41) ; saints baisers encore, ceux qui tombèrent sur le cou de Paul, lorsque tes frères, se jetant sur lui, le traitaient. (Act. 20,37) Voilà pourquoi le Psalmiste dit : « Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche et une porte ; » et il ne se contente pas de dire « une porte », mais : « Une porte qui la ferme exactement », ajoute-t-il, qui soit une muraille pour la contenir et la fortifier. Ce n’est pas tout, il y a encore un autre genre de perdition par la langue, lorsque l’on dit : pourquoi ceci ? dans quel but cela ? Voilà pourquoi Paul, réprimandant ceux qui tiennent ce langage irréfléchi : « En vérité », dit-il, « ô homme, qui êtes-vous pour contester avec Dieu ? » (Rom. 9,20) Mais il ne suffit pas de mettre une garde à la bouche, c’est à la pensée qu’il en faut mettre une, avant de garder la bouche ; aussi un sage a-t-il dit : « Qui donnera des verges à ma pensée, pour fustiger mon ignorance ? » (Sir. 23,2) Et le Christ de son côté supprime au dedans de nous les pensées mauvaises, en disant : « Quiconque aura regardé une femme avec un mauvais désir, a déjà commis l’adultère. » (Mt. 5,28) Voyez-vous comme il ne laisse pas aux passions le temps de germer ; comme il supprime, dès la racine, et la concupiscence et la colère ? « Quiconque », dit-il, « se mettra en colère ; contre son frère, méritera d’être condamné au feu de l’enfer. » (Id. 22) Ce n’est pas non plus un faible garant de sécurité, que d’être sobre de paroles ; de là, ce que dit l’Écriture : « La multitude des paroles ne sera point exempte de péché, mais celui qui est modéré dans ses discours, est très-prudent ; ne portez point mon cœur à des paroles de malice, pour chercher des excuses à mes péchés (4). » Un autre texte : « Ne troublez point mon cœur par des discours mauvais, de manière qu’il conçoive des pensées criminelles. » Pourquoi l’ordre naturel est-il interverti ? Pourquoi parle-t-il de la bouche d’abord avant de parler de la pensée ? Ce n’est pas au hasard ni airs dessein qu’il procède ainsi. En effet, lorsque des prisonniers veulent s’enfuir, ceux qui sont chargés de les garder commencent par s’emparer des portes de la prison. C’est là, pour tous les geôliers, les premiers soins ; une fois cette précaution prise, le reste est facile. De même ici le Psalmiste fait chaque chose en son temps, et les conseils qu’il donne reviennent à ceci : Que les portes soient closes et l’on aura bit, n vite raison des mauvaises pensées. Voilà pourquoi, dès le principe, il ne leur permet pas d’entrer venant du dehors ; puis il arrache la mauvaise racine en disant : « Ne portez point mon cœur à des paroles de malice. » Ce n’est pas que Dieu y porte le cœur, loin de nous cette pensée ; mais ce qu’il dit doit s’entendre ainsi : Ne souffrez point que mon cœur se porte, ne souffrez point qu’il se détourne vers de mauvaises pensées.
C’est là, en effet, qu’est la source de la vertu ou de la corruption, dans le cœur. Quelles sont les paroles de malice ? nombreuses et diverses ; il y a les paroles perfides, celles qui accusent Dieu, celles qui détournent de la vertu, celles qui recherchent le vice, celles qui développent des doctrines funestes, qui racontent les mœurs coupables et que l’on écoute avec plaisir. Ces paroles et les autres du même genre sont les paroles de malice ; et comme il y a les pensées et les discours de malice, de même il y a les paroles de vie. Voilà pourquoi les disciples disaient au Christ : « Vous avez les paroles de la vie éternelle, à qui irons-nous ? » (Jn. 6,69) Or, les paroles de vie sont celles qui donnent la vie ; on les appelle aussi les paroles du salut, parce qu’elles procurent le salut. De là, ce que dit un sage : « N’empêchez pas le discours dans le temps du salut. » (Sir. 4,23) Les paroles de malice, sont, en outre, tes paroles qui font des pervers de ceux qui les prononcent.
7. Il y a un air pestilentiel et qui engendre les maladies ; il y a de même des paroles funestes. Le mal que cet air fait au corps, ces paroles le font à l’âme qui les reçoit. Le Psalmiste adresse donc à Dieu cette prière par les paroles qu’il ajoute, comme nous l’avons vu : ne souffrez pas que mon cœur accueille des paroles de ce genre ; ne permettez pas qu’il se porte vers ces discours. Voyez-vous bien comme il montre ici la liberté propre à notre, âme, l’innocence propre à notre nature ? elle n’a pas le vice en elle, mais c’est par négligence qu’elle incline au vice et l’accueille. « Pour chercher des excuses à mes péchés. » Voilà la grande route de la perdition, quand, l’âme pécheresse, bannissant la crainte, s’ingénie à trouver des excuses et des prétextes pour couvrir sa lâcheté ; c’est ce qui arrive quand un homme a commis un adultère et