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nécessaires que d’avoir recours à leurs maîtres. Ils ne se retirent point, ils attendent jusqu’à ce qu’ils aient reçu ce qu’il faut, et après avoir reçu, ils rendent grâces, c’est là un devoir auquel ils ne manquent jamais. Voilà pourquoi le Psalmiste, pour nous faire comprendre que les Juifs ont les yeux tournés vers le Seigneur et cela assidûment, qu’ils n’ont pas d’autre espérance et qu’ils sont tellement attentifs à attendre son secours qu’ils le regardent seul comme l’auteur de tout bien, a rappelé l’exemple de la servante et des serviteurs.
Remarquez comment ceux qui, avant leurs malheurs, avaient besoin d’être excités à recourir à Dieu et qui recevaient ces exhortations avec ennui et dégoût, sont devenus meilleurs. C’est à un point que maintenant ils ne veulent plus se passer de lui ; mais fidèles à son service ils l’invoquent jusqu’à ce qu’il ait pitié d’eux. Ils ne disent pas : En attendant qu’il nous ait satisfaits ou récompensés, mais, « Jusqu’à ce qu’il ait pitié de nous. » Vous donc, chrétiens, persévérez avec constance dans vos prières, que vous receviez ou non ce que vous demandez et quand même vous ne seriez pas exaucés tout de suite, ne vous retirez point, vous le serez plus tard. Si la persévérance de la veuve fléchit ce juge cruel dont parle l’Évangile (Lc. 18), quelle excuse feront valoir ceux qui sont si portés au découragement, à la paresse, au silence ? N’avez-vous pas remarqué comme les servantes sont sous la dépendance de leurs maîtresses, fixant sur elles leurs pensées et leurs regards ? Qu’il en soit de même pou nous à l’égard de Dieu. Attachons-nous à lui seul, et mettant tout le reste de côté, soyons au nombre de ses serviteurs. Alors, tout ce qui nous sera utile, nous l’obtiendrons sûrement. « Ayez pitié de nous ; Seigneur, ayez pitié de nous, parce que nous sommes remplis de confusion et dans le dernier mépris (3). En « effet, notre âme est toute remplie (4). » Voilà bien le langage du cœur contrit. Les Juifs s’appuient sur la miséricorde du Seigneur pour demander leur salut, et cette miséricorde ils ne croient point la mériter, alors ils invoquent les grands châtiments qu’ils ont endurés, selon ce mot de Daniel : « Nous sommes réduits à un plus petit nombre que toutes les autres nations qui sont sur la terre. » (Dan. 3,37) Ils s’écrient dans leurs prières : Nous avons enduré la dernière misère, nous avons été dépouillés de notre patrie et de notre liberté, conduits en esclavage chez tes barbares, depuis longtemps nous vivons dans l’opprobre, consumés par la faim, la soif et les privations de toutes sortes, nous n’avons cessé d’être conspués, foulés aux pieds ; épargnez-nous donc, ayez donc pitié de nous. Mais que signifient ces mots : « Notre âme est toute remplie ? » C’est-à-dire, notre âme a été fondue, anéantie par la grandeur de nos maux. Il y en a que l’excès du malheur trouve courageux, mais il n’en a pas été de même pour nous, l’affliction nous est insupportable et nous abat. C’est ainsi que Dieu leur fait payer par l’adversité l’abus qu’ils ont fait des honneurs, car il a coutume d’agir de la sorte en toute circonstance. Ainsi, avait-il puni Adam en le chassant du paradis terrestre, pour avoir abusé des avantages de ce séjour, et Eve trouva dans la servitude et la dépendance le remède à la faute qu’elle avait commise en voulant s’égaler à Dieu. De même, les Juifs que la liberté et une longue sécurité dans leurs foyers avaient rendus pervers et dissolus furent corrigés par l’excès contraire. Et maintenant qu’ils implorent la miséricorde de Dieu, ils lui disent : « Notre âme est toute remplie de confusion, étant devenue un objet d’opprobre aux riches et de mépris aux superbes. » Une autre version porte : « Notre âme est bien rassasiée des blâmes de ceux qui sont dans l’abondance et des mépris des superbes ; » une troisième : « des railleries des arrogants », ou bien, « du mépris de ceux qui sont dans l’abondance. » Mais toutes ces expressions ont le même sens et nous montrent les Juifs déplorant leur malheur en disant : « Notre âme est rassasiée de mépris. »
Les Septante renferment un autre sens que voici : Puissent nos maux, en accablant nos ennemis, leur faire éprouver ce qu’ils nous ont fait et rabattre ainsi leur force et leur orgueil ! C’est du reste, ce que nous voyons fréquemment, car le Seigneur a coutume d’abaisser les esprits superbes et d’humilier ceux qui s’élèvent, afin de les détourner de la voie qui les conduirait à leur perte. C’est qu’il n’y a rien de pire que l’orgueil. C’est là, en effet, que sont venues les tentations et les peines, la mort et tous les malheurs qui nous accablent, de là les souffrances et les maladies qui sont comme autant de freins destinés à réprimer l’âme superbe et enflée par l’orgueil. Ne vous