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qui furent délivrés de la captivité. Comment donc eut lieu cette délivrance ? – Par le désir de voir Jérusalem ; tandis que ceux qui n’avaient pas le même souci, ne profitèrent pas de la grâce de Dieu, mais passèrent leurs jours dans une perpétuelle servitude ; ce sera aussi notre sort si nous agissons comme eux. Car si, au lieu d’être embrasés de l’amour des choses saintes et du désir de la céleste Jérusalem, nous nous attachons sans cesse à la vie présente, nous souillant dans la fange des choses terrestres, nous ne pourrons arriver à la patrie.
« J’ai crié vers le Seigneur lorsque j’étais dans l’affliction et il m’a exaucé. » Comme l’affliction nous est avantageuse ! comme la clémence est prompte à nous secourir ! la première nous porte à répandre des supplications saintes, la seconde exauce sur-le-champ ceux qui l’invoquent. C’est ce que nous voyons pour ce peuple juif en Égypte. Écoutez le Seigneur : « J’ai vu l’affliction de mon peuple, et j’ai en tendu ses gémissements, et je suis descendu pour le délivrer. » (Ex. 3,7, 8)
Donc, mes très-chers, vous aussi, quand vous êtes dans l’affliction, ne vous désespérez pas, ne devenez pas nonchalants ; mais alors principalement ranimez votre courage, parce que dans ce moment nos prières sont plus pures et que plus grande aussi est la miséricorde de Dieu pour vous. Vivez constamment de telle sorte que la vie vous soit à charge ; n’oubliez pas que : « Tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ seront persécutés (2Tim. 3,12) ; et que c’est par beaucoup de tribulations que nous devons entrer dans le royaume des cieux. » (Act. 14,21)
Ne courons donc pas après une vie molle et dissolue et ne cherchons pas à entrer par la voie large, car elle ne conduit pas au ciel, mais par la voie étroite et difficile. Si nous voulons parvenir aux demeures célestes, fuyons les plaisirs, foulons aux pieds la pompe extérieure du siècle, méprisons les richesses, la gloire, et la puissance, attachons-nous à la pauvreté, à la componction du cœur, à la confession, aux larmes, et poursuivons tout ce qui peut nous procurer le salut. C’est le moyen d’être plus en sûreté et de faire monter plus facilement nos prières vers Dieu. Si nous nous préparons de la sorte et si nous invoquons le Seigneur avec de semblables dispositions, il nous exaucera certainement, selon cette parole du Prophète : « Lorsque j’étais dans l’affliction, j’ai crié et j’ai été exaucé. » Apprenons donc à nous élever peu à peu et à donner pour ainsi dire des ailes à nos prières en chassant toute inquiétude et tout trouble dans les afflictions ; ce sera le moyen de les rendre très-profitables. Si le prophète Élisée, tout homme qu’il était, ne permit pas à son disciple de repousser une femme qui venait à lui, disant : « Laissez-la parce que son âme est dans l’amertume « (2R. 4,27) », afin de nous montrer que son affliction était pour elle une excuse et une défense très-grandes, à plus forte raison, Dieu ne nous repoussera pas si nous nous présentons à lui avec une âme remplie de tristesse. Voilà pourquoi encore le Christ appelle bienheureux ceux qui pleurent et malheureux ceux qui rient. Aussi a-t-il commencé par là ses béatitudes en disant. « Bienheureux ceux qui pleurent[1] ? » (Mt. 5,5) – Si donc vous voulez monter les degrés de la vertu, retranchez dans vos habitudes tout ce qu’il y a de désordonné et de vain ; astreignez-vous à un genre de vie difficile, abstenez-vous des choses terrestres. C’est là le premier degré. Car il est impossible, d’une impossibilité absolue, de monter en même temps l’échelle et de rester attaché à la terre.
2. Vous voyez comme le ciel est élevé, vous connaissez la brièveté du temps, vous savez combien l’heure de la mort est incertaine. Ne tardez donc pas, ne différez point, mais entreprenez ce voyage avec une grande ardeur, afin que vous puissiez franchir deux, trois, dix et vingt degrés par jour. – « Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse (2). » On voit briller ici ce précepte évangélique : « Priez afin que vous « n’entriez pas en tentation. » (Lc. 22,46) C’est qu’il n’y a point, ô mes très-chers, de tentation plus dangereuse, que d’être livré à un homme trompeur : il est plus à craindre que n’importe quelle bête sauvage. Elle, du moins, se montre telle qu’elle est, mais le fourbe cache souvent son poison sous le masque de la douceur, afin qu’on ne puisse découvrir les embûches et qu’on tombe sans défiance dans ses pièges. C’est pourquoi le

  1. Nous ne comprenons pas pourquoi saint Jean Chrysostome dit que Notre-Seigneur commença ses béatitudes par ces mots : Bien heureux ceux qui pleurent, puisque ni saint Matthieu, ni saint Luc ne placent cette béatitude la première. (Note des Bénédictins)