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elle, de même que celle qui mène à la mort est large et spacieuse. – « Je vous rendrai grâces de ce que vous m’avez exaucé et de ce que vous êtes devenu mon salut (21). » Le Psalmiste ne dit pas seulement à Dieu : « Vous m’avez exaucé ; » mais comme il avait été châtié et par là rendu meilleur, il lui rend grâces non seulement d’avoir été exaucé, mais encore d’avoir été châtié : c’est en cela du reste qu’il a été exaucé et il ne pouvait assez en remercier le Seigneur. Car, comme je vous l’ai dit et comme je ne cesserai de vous le répéter, il n’y a pas d’oblation ni de sacrifice comparables à l’oblation et au sacrifice de l’action de grâces. – « La pierre qu’ont rejetée ceux qui ont bâti a été placée à la tête de l’angle (22). » Qu’il s’agisse ici du Christ, c’est évident pour tous. Car lui-même dans les Évangiles cite cette prophétie en se l’appliquant, quand il dit « N’avez-vous jamais lu que la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient a été placée à la tête de l’angle ? » (Mt. 21,42 ; Lc. 20,17)
Si ces paroles paraissent sans liaison avec ce qui précède et si cette prophétie ne fait qu’interrompre le cours de notre histoire, ce n’est pas une nouveauté qui doive nous surprendre, parce que la plupart des prophéties de l’Ancien Testament sont énoncées de la sorte. – Car si elles n’eussent pas été ainsi voilées, les Livres saints auraient été détruits. Ainsi, quand il est question de la naissance de notre Sauveur, quoique la prophétie paraisse se rattacher à l’histoire dont il s’agissait alors, elle n’a rien néanmoins de commun avec elle, comme par exemple celle-ci : « Une vierge concevra et elle enfantera un fils à qui on donnera le nom d’Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous. (Is. 7,14 ; Mt. 1,27) La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient. » – Par ceux qui bâtissaient on entend ici les Juifs, les docteurs de la loi, les scribes, les pharisiens, qui ont rejeté le Sauveur en disant : « Vous êtes un Samaritain, vous êtes possédé du démon. » (Jn. 8,48) Et encore : « Cet homme n’est pas de Dieu, mais il séduit le peuple. » (Jn. 8,12) Malgré cette réprobation il a pourtant été jugé digne de devenir la principale pierre de l’angle. C’est que toute pierre n’est pas propre à être placée dans les angles : mais il faut pour cela des pierres de choix, capables de relier ensemble les deux côtés. Les paroles du Prophète peuvent donc s’interpréter ainsi : Celui que les Juifs ont rejeté avec mépris a paru tellement admirable que non seulement il a pu tenir sa place dans l’édifice, mais que même il a servi à relier les deux murs. Et quels sont ces deux murs ? – Les Juifs et ceux qui croyaient d’entre les Gentils, selon ce mot de saint Paul : « Car c’est lui qui est notre paix, qui des deux peuples (du Juif et du Gentil) n’en a fait qu’un, qui a rompu en sa chair la muraille de séparation, cette inimitié qui les divisait, et qui par sa doctrine a aboli la loi de préceptes, afin de former en soi-même un seul homme nouveau de ces deux peuples. » (Eph. 2,14, 15) Et encore : « Vous êtes édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes en Jésus-Christ, qui est la principale pierre de l’angle. » (Id. 20) Dans ce qui précède, ce sont les Juifs surtout qui sont en cause, eux qui, voulant construire, n’ont pas su discerner la pierre convenable, mais qui ont rejeté, au contraire, comme défectueuse, celle qui pouvait faire la solidité de l’édifice. Maintenant, si nous voulons savoir de Notre-Seigneur lui-même quels sont ces deux murs, écoutons-le nous dire : « J’ai encore d’autres brebis quine sont pas de cette bergerie et il faut que je les amène. Elles entendront ma voix et il n’y aura qu’un troupeau et qu’un pasteur. » (Jn. 10,16) Ce fait avait été figuré bien des siècles auparavant dans la personne d’Abraham qui fut le père de ces deux peuples, à savoir, les circoncis et les incirconcis. Mais encore une fois, ce n’était que la figure, nous avons la réalité dans Notre-Seigneur qui « est devenu la principale pierre de l’angle », en réunissant ces deux nations. – « C’est le Seigneur qui a fait cette pierre (23). » Qu’est-ce à dire : « C’est le Seigneur qui a fait cette pierre ? » C’est que ce qui a été exécuté était au-dessus des hommes, et il n’était au pouvoir d’aucun d’eux, pas plus qu’au pouvoir des anges et des archanges de former un pareil angle. Nul ne peut opérer ce prodige, fût-il juste, prophète, ange ou archange ; à Dieu seul était réservée cette œuvre admirable, elle est de son domaine exclusif. Une autre version porte : « C’est le Seigneur qui a fait cela. » C’est-à-dire cette œuvre admirable qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer, l’œuvre de L’angle. « Et c’est ce qui paraît à nos yeux digne d’admiration. » Qu’est-ce qui paraît admirable ? – l’angle, la réunion de ces deux peuples en une même religion. Parmi les Juifs