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que l’une et l’autre chose sont autant l’œuvre du Père que l’œuvre du Fils, écoutez ces paroles : « Éloignez-vous de moi, maudits, et allez au feu éternel qui est préparé pour le diable et pour ses anges. » (Mt. 25,41) Et celui qui envoie ses anges pour recueillir la mauvaise herbe, c’est le Fils unique, et nous le voyons en toute circonstance punir le diable. Et cela, les démons eux-mêmes le reconnaissent quand ils disent : « Venez-vous ici avant le temps pour nous tourmenter ? » (Mt. 8,29) Preuve que c’est lui qui doit les tourmenter un jour. Voyez-vous bien que, quand on dit que c’est le Père qui a fait triompher le Fils, il faut entendre en même temps que le Fils, lui aussi, a pris part au triomphe ? Mais ce qui prouve encore que ce qui appartient au Père appartient aussi au Fils, ce sont ces paroles du Fils : « Nul ne vient à moi, s’il n’est amené par mon Père. » (Jn. 6,41) Et celles-ci. « Personne ne vient au Père que par moi. » (Jn. 14,6) Il ne faut donc pas prendre ces paroles dans le sens vulgaire, et l’on ne doit pas croire que par cette expression « vos ennemis » on ne désigne que les ennemis du Fils seul, car il dit : « Celui qui n’honore pas le Fils, n’honore pas le Père. » (Jn. 5,23)
5. Ainsi les Juifs étaient non seulement les ennemis du Fils, mais encore les ennemis du Père. C’est pourquoi il les a frappés d’une ruine complète, a renversé leur ville, et n’en a fait qu’un amas de décombres. Et s’il ne s’est pas vengé aussitôt après avoir été mis en croix, c’est qu’il leur donnait ainsi le temps de se repentir s’ils en avaient la volonté, et il leur envola les apôtres afin qu’en apprenant par eux quelle était sa puissance, ils pussent quoique bien tard revenir à de meilleurs sentiments. Mais comme ils étaient atteints d’une maladie incurable, il mit le comble à leurs malheurs, ce qui était un autre moyen de les rappeler au repentir et de les faire renoncer à l’ancienne loi, en les amenant, par la force même des choses, à reconnaître la vérité, dont ils ne devraient plus douter en voyant adoré partout celui qu’ils avaient insulté, en voyant leur puissance entièrement détruite. Mais comme ils n’en ont lias profité pour devenir meilleurs, ils se sont rendus indignes de pardon et seront voués aux châtiments éternels. Quand on nous parle de marche-pied, n’allez pas croire qu’il s’agisse d’un objet sensible et matériel, le Prophète se sert de ce mot pour exprimer l’assujettissement des ennemis du Christ. La preuve qu’il les tient assujettit, c’est que là où il n’y a qu’un trône, il n’y a aussi qu’un marche-pied. – « La domination est avec vous au jour de votre puissance (3). » Comme le Prophète a dit plus haut : « Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marche-pied », et qu’il ne veut pas qu’on se figure que le Fils est sans force et qu’il a besoin d’être aidé, comme si c’était un simple apôtre, écoutez comme il détruit à l’avance ce soupçon, lorsqu’il dit : « La domination est avec vous au jour de votre puissance. » Quel est le sens de ces mots : « la domination est avec « Nous ? » En vous, dit-il, est la domination, elle n’y est pas survenue plus tard, mais elle est en vous de toute éternité. C’est aussi ce qu’Isaïe voulait exprimer quand il disait : « Qui porte sa domination sur son épaule (Is. 9,6) », c’est-à-dire qui la porte en lui-même, dans son essence, dans sa nature, ce qui n’a pas lieu pour les rois (car leur domination à eux repose sur la multitude de leurs années), ce qui n’avait pas lieu non plus pour les apôtres (car leur domination à eux aussi ne pouvait se passer d’un appui étranger, de l’appui du Christ), tandis que le Christ possédait la domination par sa propre nature, par essence, et ce n’est pas plus tard, après sa naissance, qu’il a acquis cette domination. Ce n’est pas chez lui une chose venue du dehors, il est né tel aussi : comme on l’interrogeait sur sa royauté, il répondit : « C’est pour cela que je suis né, et que je suis venu dans le monde (Jn. 18,37) « La domination est avec vous au jour de votre puissance. » Ces paroles : « La domination est avec vous » n’ont pas que ce sens-là, elles en ont encore un autre, non seulement elles indiquent que la domination du Christ vient de lui et non d’un autre, mais encore qu’elle dure et durera toujours. Les hommes perdent souvent leur puissance, même de leur vivant, et si ce n’est pas de leur vivant, ils la perdent toujours au moment où ils meurent : ou plutôt la domination n’est pas avec eux-mêmes, quand ils vivent, elle est, comme je viens de le dire, dans leurs armées, dans leurs gardes du corps, dans leurs grandes richesses, dans les fortifications dont ils s’entourent, elle est en un mot dans tous les moyens dont ils usent pour la conserver. Il n’en est pas ainsi pour Dieu, sa domination est en lui, elle y est perpétuellement