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a triomphé malgré ces mêmes obstacles. Car leur domination repose non sur la loi des maîtres de la terre, mais sur la vertu, elle n’a besoin d’aucun secours étranger, bien plus elle brille d’autant plus qu’elle trouve plus d’adversaires. Souvent les maîtres d’ici – bas ont vu leur puissance détruite par les complots de leurs esclaves, car cette puissance est vile et sans force réelle, tandis que tous leurs efforts n’ont rien pu contre la puissance des apôtres, et n’ont servi qu’à la rendre plus éclatante. Quel est donc le maître le plus glorieux, de celui qui a besoin de beaucoup d’aides pour maintenir ses esclaves dans l’obéissance, ou de celui qui, sans tout cet appareil, dispose à son gré de ceux qui lui sont soumis ? N’est-il pas évident que c’est celui-ci ? Bien souvent ces maîtres-là auraient perdu la puissance qu’ils exercent sur de nombreux esclaves, s’ils n’avaient eu pour eux l’aide des lois et le séjour des villes où leur répression est aisée et même ils auraient perdu à la fois la puissance et la vie : Paul au contraire faisait éclater sa puissance partout et jusque dans le désert. Voulez-vous vous assurer de vos propres yeux que sa dénomination était plus glorieuse que celle des rois ! Il fit admettre ses lois par toute la terre, et partout les hommes laissant de côté celles des rois venaient se conformer aux injonctions qu’il leur faisait par écrit. Les rois étaient maîtres des corps, les apôtres étaient maîtres des âmes. Quel est l’esclave qui obéissait à son maître, le sujet qui obéissait à son roi avec autant de bonne volonté que les fidèles à saint Paul, seulement an reçu de ses lettres ? Comment exprimer l’attachement, le dévouement de ces pommes qui étaient prêts à s’arracher les yeux pour lui ? Qui jamais posséda d’aussi fidèles serviteurs ? C’est en voyant tout cela, en les voyant se faire obéir si facilement des fidèles, se rendre si redoutables aux infidèles qu’ils chassaient et repoussaient comme un vil troupeau, en voyant le Christ triompher si glorieusement par eux, que le Prophète au lieu de dire simplement, « soyez maître au milieu de vos ennemis », a dit, « soyez maître souverain au milieu de vos ennemis », montrant ainsi toute l’étendue de sa domination. Voilà ce que virent les ennemis des apôtres, et ils ne purent rien faire contre eux, quoiqu’ils eussent pour eux et lois, et bourreaux et puissance sans limites. Les apôtres étaient encore plus puissants grâce à celui qui habitait en eux. Le Christ a été maître souverain par eux, et il n’a pas été simplement maître, il a été encore maître souverain, car sa victoire était complète. Animé par celui qu’ils portaient en eux, les fidèles bravaient et le feu, et les bêtes féroces et tous ! es autres supplices. C’est que le Christ était avec eux dans toutes leurs épreuves : aussi luttaient-ils contre les supplices comme si leur corps eût appartenu à d’autres, et dégagés de tout souci terrestre, ils étaient dans la joie et dans l’allégresse, ne reconnaissaient que l’autorité du Christ, et n’épargnaient ni leur fortune, ni leur corps, ni leur vie d’ici-bas. Voilà ce que faisaient ceux qui jadis avaient été les adversaires et les ennemis du Christ qui, non content de leur faire sentir son irrésistible puissance et d’étouffer leur haine, leur inspira cet attachement, ce dévouement extraordinaire. Ainsi donc, quand on dit que le Père place ses ennemis sous ses pieds, on ne le dit pas, comme je l’ai déjà fait remarquer, pour faire croire que le Fils n’a pas de puissance par lui-même, mais, comme j’en ai fait plus haut l’observation, c’est pour qu’on pense que le Père et le Fils sont un seul Dieu en deux personnes distinctes, et pour qu’on ne pense pas qu’il y ait dans le monde deux êtres incréés. Pour bien comprendre que la victoire remportée par le Fils sur ses ennemis lui appartient tout entière, rappelez-vous ses autres triomphes, et n’allez pas prendre les paroles du psaume dans leur sens vulgaire : autrement on n’aboutirait qu’à des absurdités. Afin de vous en convaincre écoutez ce que je vais dire : Les uns, d’ennemis qu’ils étaient, sont devenus les amis du Christ, les autres furent et sont encore ses ennemis. D’ailleurs saint Paul lui aussi indique que de ses ennemis il fera ses amis quand il dit : Lorsqu’il remettra son royaume à Dieu son Père. » (1Cor. 25,21) C’est à quoi fait encore allusion le Sauveur lorsque, s’adressant à son Père lui-même, il lui dit : « Je vous ai glorifié dans le monde, j’ai terminé la tâche que vous m’aviez confiée. » (Jean, 17, 4) Quant à la soumission de ses ennemis, ç’a été l’œuvre du Père. Et ce qu’a fait le Fils est encore plus grand. Car ce n’est pas la même chose de châtier ceux qui persistent dans leur inimitié, ou de changer leurs sentiments de haine en sentiments d’amour. Mais tout cela ne fait pas que le Fils soit inférieur au Père, ou que le Père soit inférieur au Fils. Pour vous convaincre