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affligé, poursuivi par tous les maux que j’ai dits, ne vous attristez pas : ses malheurs donneront plus d’éclat à sa couronne. Toutes les peines sans exception, infligées aux pécheurs, diminuent d’autant la charge de leurs crimes ; infligées aux justes, elles augmentent d’autant la beauté de leur âme : de la sorte, pécheurs et justes retirent de l’affliction des fruits abondants, pourvu qu’ils la supportent avec de bonnes dispositions ; car voilà le point capital.
9. Les récits de la sainte Écriture sont remplis d’innombrables exemples qui nous montrent partout justes et pécheurs pareillement affligés : c’est afin que, justes ou pécheurs, vous trouviez des modèles convenables et appreniez par eux à souffrir avec courage. L’Écriture nous fait voir les méchants, non-seulement dans les épreuves et les peines, mais aussi dans la prospérité, afin que vous ne vous scandalisiez pas de leur bonheur, et que, instruits par le récit de ce qui arriva au mauvais riche, vous sachiez quelles flammes vengeresses les attendent après leur vie terrestre, s’ils ne se convertissent pas. – Il est donc impossible de goûter le repos dans ce monde et dans l’autre ? – Oui, c’est impossible.
Voilà pourquoi les justes ont mené une vie si rude et si pénible. – Mais Abraham ! dites-vous. – Abraham, comme les autres, eut à souffrir : et qui donc fut en butte à de plus dures calamités ? Ne fut-il pas exilé de sa patrie, et brusquement séparé de tous les siens ? N’alla-t-il pas, en fugitif, d’un bout de la terre à l’autre, de Babylone en Mésopotamie, de Palestine en Égypte ? Qui pourrait raconter toutes les guerres qu’il fit, tantôt pour sauver son épouse, et tantôt pour chasser les Barbares ? Et tant de combats meurtriers ! Et la famille de son frère réduite en esclavage ! Et mille autres malheurs de ce genre ! Après avoir enfin obtenu un fils, il reçut ordre d’immoler de ses propres mains cet enfant qu’il aimait, qu’il chérissait au-dessus de tout : n’était-ce pas la plus effroyable épreuve ? Et cet Isaac qui fut sur le point de périr en victime, ne fut-il pas persécuté de toutes façons par ses proches, jusqu’à se voir, comme son père, frustré de son épouse ; ne passa-t-il pas, privé d’enfants, une grande partie de sa vie ? Et Jacob, quoique élevé sous le toit paternel, n’eut-il pas à endurer des maux plus grands encore que son aïeul ? Pour ne pas allonger mon discours en les passant tous en revue, je vous cite le mot par lequel il résume sa vie : Mes jours ont été courts et mauvais ; ils n’ont pas atteint le chiffre où sont arrivés les jours de mes pères. (Gen. 47, 9) Un homme qui voit son fils siégeant sur un trône royal, rayonnant de tout l’éclat de la gloire, ne devrait-il pas oublier tous ses malheurs d’autrefois ? Eh bien non ! Jacob avait subi de telles épreuves que, au sein même de la plus merveilleuse prospérité, il ne put rejeter de son cœur le souvenir de ses misères passées. Et David ! quelle vie tourmentée n’a-t-il pas eue ? Il exprime la même pensée que Jacob : Nos jours, nos années, ne vont ordinairement qu’à soixante-dix ; que si les plus forts atteignent quatre-vingts, le surplus n’est pour eux que peine et douleur. (Ps. 89, 10) Et Jérémie qui maudit le jour de sa naissance, à cause des calamités qui le frappent à. coups redoublés ! Et Moïse qui s’écrie dans son découragement : Faites-moi mourir, si vous devez me traiter de la sorte ! (Nom. 11, 15) Élie lui-même, dont l’âme habitait le ciel et en ouvrait les trésors, Élie, après avoir accompli tant de miracles, n’élevait-il pas vers Dieu de longs gémissements : Enlevez-moi mon âme : je ne vaux pas mieux que mes pères ? (1Ro. 19, 4) Mais à quoi bon prendre les saints de l’Ancien Testament l’un après l’autre ? Saint Paul les réunit tous et nous les montre dans cette phrase : Ils étaient fugitifs, couverts de peaux de brebis ou de chèvres, manquant de tout, affligés, persécutés : le monde n’était pas digne d’eux. (Heb. 11, 37) C’est donc une loi nécessaire que qui veut plaire à Dieu, doit s’éprouver, se purifier, mener non pas une vie lâche, souillée et libertine, mais une vie laborieuse, remplie par les travaux et les fatigues. Écoutez saint Paul : Nul n’est couronné s’il n’a vaillamment combattu (2Ti. 2, 5) ; et ailleurs : L’athlète qui se prépare au combat pratique une exacte tempérance dans ses paroles, dans ses regards ; il s’abstient d’injures, de blasphèmes, de propos honteux[1]. (1Co. 9, 25) Ce texte nous apprend que, même délivrés des épreuves extérieures, nous devons nous éprouver nous-mêmes par des jeûnes quotidiens, par une vie austère, par une nourriture grossière et prise à petite ration, par le mépris de tout luxe : il n’est pas d’autre moyen de plaire à Dieu.
Qu’on ne vienne pas m’objecter sottement

  1. La Vulgate n’a que les premiers mots de cette citation : le reste ne s’y trouve pas.