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pourquoi Jésus-Christ se tait ; pour preuve il leur présente les faits, témoignage évident et irréfutable. Que peut-on en effet opposer à ces paroles : Celui qui m’a guéri, m’a dit : Emportez votre lit et marchez? (Jn. 5, 11) Le paralytique devient évangéliste, docteur des infidèles, médecin et héraut pour leur honte et leur condamnation. Il guérit les âmes non par des paroles, mais par des exemples. Il apporte un argument invincible et son corps proclame la vérité de son discours. Depuis Jésus le rencontra et lui dit : Vous voilà guéri. Ne péchez plus, de peur qu’il ne vous arrive quelque chose de pis. (Jn. 5, 14)
Admirez la science, le zèle du médecin. Il ne délivre pas seulement de la maladie présente, il prémunit encore pour l’avenir, et avec raison. Quand le paralytique est étendu sur son lit, Jésus-Christ ne lui dit rien de tel, il ne lui rappelle pas ses péchés ; car l’esprit des malades est aigri et chagrin. Mais une fois la maladie expulsée et la santé rétablie, une fois la puissance de Jésus-Christ et sa sollicitude prouvées par les œuvres, alors le moment est – favorable pour les avis et les conseils ; le paralytique les recevra ; Jésus-Christ a gagné sa confiance. Pourquoi le paralytique, en s’en allant, fait-il connaître aux Juifs son bienfaiteur ? C’est qu’il voulait les rendre participants de la vraie doctrine. – Mais c’est pour cela même que les Juifs haïssaient Jésus-Christ et le persécutaient. – Soyez attentifs ; c’est ici le point décisif. Ils le persécutaient parce qu’il faisait ces choses le jour du sabbat. (Jn. 5, 16) Voyons comment Jésus-Christ se défend. Car sa manière de se défendre nous montrera s’il est sujet ou indépendant, serviteur ou maître.
Son action paraissait une transgression considérable. Autrefois un homme ayant ramassé du bois le jour du sabbat, fut lapidé pour avoir en ce jour porté ce fardeau. (Nom. 15, 32) On reprochait le même crime à Jésus-Christ, il avait violé le sabbat. Voyons d’abord s’il demande grâce comme un esclave et un sujet, ou s’il ne se donne pas comme ayant puissance et autorité ; comme maître, au-dessus de la loi, et auteur des commandements ? Comment se défend-il ? Mon Père agit jusqu’à présent, et j’agis aussi. (Jn. 5, 17) Voyez-vous l’autorité ? S’il était inférieur au Père, cette parole, loin d’être une apologie, serait un crime encore plus grand et un nouveau motif d’accusation. Si quelqu’un usurpe les fonctions d’un supérieur, et que, pour répondre à l’accusation, il dise : J’ai fait cela parce que le supérieur l’a fait, loin de se laver des crimes qu’on lui reproche, il se rend plus répréhensible et plus coupable. Car c’est de l’orgueil et de l’arrogance que d’ambitionner des fonctions au-dessus de son mérite. Si donc Jésus-Christ est au-dessous de son Père, il ne se justifie pas, il se condamne ; mais parce qu’il est égal au Père, il n’y a pas de crime. Un exemple éclaircira ce que je dis. Il n’appartient qu’à l’empereur de porter la pourpre et le diadème. Si un sujet usurpait ces insignes, et si, amené devant le tribunal, il disait : parce que l’empereur porte ces ornements, je les porte aussi, loin de se justifier, il ne ferait qu’aggraver son crime et son supplice. De même il n’appartient qu’à la clémence impériale de gracier les grands scélérats, comme les homicides, les brigands ; ceux qui violent les tombeaux, et autres semblables. Si un juge renvoyait un condamné sans attendre la sentence impériale, et s’il s’excusait en disant : Parce que le roi pardonne, je pardonne aussi, loin de se justifier, il s’attirerait une peine plus grande, et il doit en être ainsi. Un inférieur, dans un excès, s’insurge contre l’autorité, et cherche dans ses actes des motifs d’excuse ; n’est-ce pas faire injure à ceux qui lui ont confié sa dignité ? Aussi un inférieur ne se défend jamais de la sorte. Mais s’il est empereur, s’il a une dignité égale : il lui sera permis de s’exprimer ainsi. Ayant la même dignité, il a la même puissance. Quiconque par conséquent se justifie de cette manière, a nécessairement la même dignité que celui dont il invoque l’autorité. Quand donc Jésus-Christ se défend ainsi devant les Juifs, il nous prouve clairement qu’il est égal à son Père.
Comparons, si vous le voulez, cet exemple aux paroles et aux actions de Jésus-Christ. Porter la pourpre et le diadème et gracier les coupables, c’est la même chose que de ne pas observer le sabbat. La première prérogative appartient au roi seul et non au sujet ; quiconque la possède justement, est nécessairement roi. Il en est de même ici ; Jésus-Christ agit avec autorité ; puis accusé, il invoque son Père en disant : Mon Père agit jusqu’à présent. (Jn. 5, 17) Il est donc nécessairement égal au Père qui agit aussi avec autorité. S’il n’était pas égal à lui, il ne se défendrait