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inutile ! Ces prétendus biens ne peuvent ni vous sauver de la mort, ni conjurer une maladie, ni empêcher la vieillesse, non plus qu’aucun de ces accidents nécessaires et imposés par la loi de la nature ; et vous y êtes attaché !

Qu’y gagnez-vous, répondez-moi ? L’ivrognerie, la gourmandise, des plaisirs déréglés qui nous tourmentent plus cruellement que ne feraient des bourreaux. Là se borne le profit que nous retirons de nos richesses, parce que nous n’en voulons pas d’autres ; car si nous voulions, nous pourrions avec nos richesses acheter le ciel même. — Elles sont donc un bien, m’objecterez-vous ? — Non, le bien n’est pas dans les richesses elles-mêmes, mais dans le cœur et la disposition de celui qui les possède. En ce point, tout dépend de la volonté, et un pauvre même, s’il le veut, peut aussi gagner le ciel. En effet, et je l’ai dit souvent, Dieu tient compte, non pas de ce qu’on donne, mais du bon cœur de celui qui donne ; et le pauvre, en donnant peu, reçoit la récompense des plus riches, Dieu demandant à chacun selon ses facultés. Ce ne sont ni les richesses qui gagnent le ciel, ni la pauvreté qui mérite l’enfer. Notre volonté bonne ou mauvaise nous fait trouver l’une ou l’autre. À nous de la corriger, à nous de la dresser, cette volonté, et de la faire ce qu’elle doit être : dès lors tout nous deviendra facile. L’ouvrier, en effet, que sa hache soit d’or ou qu’elle soit de fer, coupe et aplanit aussi aisément le bois ; il se servira même mieux d’une de fer ; ainsi la vertu s’acquiert beaucoup plus facilement par la pauvreté. Car Jésus-Christ, parlant des richesses, a dit : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux ». (Mat. 19,24) Contre la pauvreté il n’a point d’arrêt semblable ; il dit au contraire : « Vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres, et puis venez, suivez-moi » (Mrc. 10,2-1), parce qu’en effet, c’est le choix de la volonté qui décide à suivre Notre-Seigneur.

5. Donc, gardons-nous de fuir la pauvreté comme un mal, puisqu’elle est le grand introducteur au ciel ; gardons-nous de poursuivre la fortune comme un bien, puisqu’elle perd tant d’hommes irréfléchis ; mais l’œil attaché sur notre Dieu, usons, comme il convient, de tout ce qu’il nous a donné, force physique, richesses, biens de tout genre. Nous sommes ses créatures : il serait absurde de ne pas lui rapporter ce que nous tenons de lui, et d’en faire hommage à d’autres maîtres. Il vous a fait des yeux : consacrez-les à son service, et non pas au démon, Et comment les consacrez-vous à Dieu ? Employez-les à contempler ses œuvres pour lui en rapporter la gloire, et détournez-les des beautés charnelles. Il vous a fait des mains ? Possédez-les pour lui et non pour le démon : qu’elles ne s’étendent pas pour le vol et la rapine, mais pour accomplir les commandements, mais pour les bonnes œuvres et la prière continuelle, mais pour relever ceux qui sont tombés. Il vous a fait des oreilles ? Ouvrez-les pour Dieu, et non pour des chants corrompus et efféminés ; l’Écriture vous dit : « Écoutez toujours la loi de Dieu » ; et encore : « Fréquentez l’assemblée des vieillards, et s’il est un sage, cherchez tout d’abord son amitié ». (Sir. 9,23 et 6,34) Il vous a fait une bouche ? Qu’il n’en sorte rien que Dieu puisse condamner, mais bien des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels, des discours qui procurent la grâce en ceux qui les entendent ; qui soient capables d’affermir et non de renverser, de produire la bénédiction et non la malédiction ; qui éloignent des pièges au lieu d’y faire tomber. Il vous a fait des pieds, non pour courir aux vices, mais aux vertus. Il vous a fait un estomac, non pour le rompre par la bonne chère, mais pour le dominer par la sobriété et la sagesse. Il vous a donné le désir du mariage pour la procréation des enfants, mais non pour la débauche et l’adultère. Il vous a donné de l’esprit, non certes pour jeter le blasphème contre lui et l’outrage contre le prochain, mais pour diriger et modérer votre langue. Il vous a donné l’argent, pour en user selon le devoir ; toutes vos forces enfin, il vous les a départies avec la même intention. Il a créé les arts pour le soutien de notre vie, mais non pour nous distraire des choses spirituelles, et moins encore pour nous livrer à des métiers infâmes : Dieu permet les arts nécessaires, afin que mutuellement on s’entr’aide, mais non pour qu’on se nuise. Il vous a donné un toit, pour vous abriter contre la pluie, et non pas pour l’orner d’or, lorsque le pauvre meurt de faim. Il vous a donné des vêtements pour vous couvrir, et non pour l’ostentation ; il ne veut pas que vous les enrichissiez d’or, tandis que Jésus-