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ses désirs » ; et aux Corinthiens : « Les viandes sont pour le ventre, et le ventre pour les viandes, et un jour Dieu détruira l’un et l’autre » ; et ailleurs, parlant des veuves : « Celle qui vit dans les délices, est morte toute vive ». Une veuve est-elle un maître et un docteur ? et Paul n’a-t-il pas écrit : « Je ne permets pas aux femmes d’enseigner ni de dominer sur leurs maris ? »
5. Réfléchissez ici. Le veuvage ne va guère sans la vieillesse. Celle-ci déjà veut de grands soins ; la nature de la femme les impose d’ailleurs, puisque ce sexe, à cause de sa faiblesse même, réclame plus de ménagements. Or, malgré ces exigences de l’âge et de la nature, saint Paul ne permet pas à la veuve une vie molle et délicate ; il déclare même qu’elle est déjà morte, puisqu’il n’a pas dit seulement : Elle ne doit pas vivre délicatement ! mais bien : Celle qui vit dans les délices est morte ! Il l’a donc rayée de ce monde, puisqu’un mort en est effacé pour toujours. Comment donc un homme serait-il pardonné, s’il se permet une conduite que Dieu punit dans une femme déjà vieille ? Voilà des réflexions que personne n’aborde, que personne n’approfondit.
Quant à moi, je suis forcé de vous tenir ce langage, non dans le but de disculper les ministres de l’autel, mais pour votre propre bien. Vos prêtres, en effet, s’ils ont le malheur de viser aux richesses, et de mériter de trop justes reproches, vos prêtres ne seront pas punis par vos accusations ; parlez ou ne parlez pas contre eux, il est un Juge auquel ils rendront compte de leur conduite ; mais vos détractions ne peuvent les atteindre. Qu’au contraire vos reproches soient des calomnies, ils n’ont qu’à gagner à être ainsi insultés sans raison, et vous n’avez frappé que vous-mêmes. Voyez-vous combien votre condition est différente de la leur ? Parlez contre eux, à tort ou à raison, dès que vous parlez en mal, vous vous êtes blessés ! Pourquoi ? c’est qu’une accusation même véridique vous nuit déjà, parce qu’en dépit du bon ordre, vous jugez vos maîtres :
Or, s’il est défendu de juger un frère, combien plus l’est-il de juger un maître ! Que si votre accusation est calomnieuse, le supplice vous attend ; le châtiment vous menace plus terrible encore. Pensez que vous devez rendre compte même d’une parole oiseuse ! Aussi quand, à ce sujet, je vous exhorte et me fatigue, je le fais dans votre intérêt.
Au reste, je le répète, ces réflexions qui nous condamneraient, personne ne les fait, personne ne les creuse, personne ne se les applique. Voulez-vous cependant d’autres textes dans le même sens ? « Quiconque d’entre vous (c’est Jésus qui parle) ne renonce pas à tout ce qu’il possède, n’est pas digne de moi ». (Lc. 14,33) Et que pensez-vous de cette autre parole : « Il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux » (Mt. 19,23) ; et de celle-ci encore : « Malheur à vous, riches, parce que vous avez toute votre consolation ! » (Lc. 6,24) Voilà ce que personne ne pèse, n’approfondit, ne se dit à soi-même ; nous n’avons de force et d’ardeur que dans la cause du prochain ; c’est le moyen assuré de tremper dans tous les crimes.
Toutefois, et toujours dans votre intérêt, écoutez comment se résolvent les tristes griefs qu’on impute aux prêtres. Les regarder comme convaincus de violer la loi de Dieu n’est pas une mince injure : examinons la valeur de ces accusations.
Jésus-Christ a dit : « Ne possédez ni or, ni a argent, ni deux tuniques, ni chaussures, ni ceinture, ni bâton ». Qu’en conclure, dites-moi ? Pierre allait-il contre le précepte ? Et comment enfin l’excuser d’avoir possédé, en effet, ceinture, vêtements, chaussures ? Écoutez plutôt ce que lui dit l’ange libérateur « Ceignez-vous, chaussez-vous de vos souliers » (Act. 12,8), bien qu’à cette époque de l’année, les chaussures ne fussent pas un objet de première nécessité ; en cette chaude saison, on peut aller nu-pieds ; l’hiver seul les rend indispensables ; et voilà Pierre en possession de chaussures ! – Et de Paul, que dirons-nous ? Il écrit à Timothée : « Hâtez-vous de venir me trouver », et aussitôt il ajoute : « Apportez-moi, en venant ici, le manteau que j’ai laissé en Troade, chez Carpus, et les livres et surtout les parchemins ». (2Tim. 4,13, 21) Il parle d’un manteau, et personne ne dira qu’il n’en avait pas un autre dont il pût se vêtir. Car s’il avait l’habitude d’aller sans manteau, il était inutile évidemment d’ordonner qu’on lui apportât celui-là. Si, au contraire, il était habitué à ce genre de vêtement, il est clair qu’il en avait un autre encore. Comment expliquer d’ailleurs qu’il demeura deux ans dans un logis qu’il louait ? Il faudra dire qu’il désobéissait à Jésus-Christ, lui qui disait pourtant : « Je vis, non ce n’est