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d’horreur, et d’horreur extrême ; et cependant leur espoir indigne échoua complètement. Et pourtant ces deux brigands eux-mêmes étaient de si profonds scélérats (car l’un des deux seulement se convertit et encore au dernier soupir), que pendus à leur gibet, ils avaient encore la force de lui jeter l’outrage ; la conscience de leurs crimes, les tortures, la compassion que devait leur commander cette fraternité du supplice, rien n’arrêtait leur fureur ; témoin cet aveu de celui d’entre eux qui, enfin, reprit l’autre en ces termes : « Tu ne crains donc pas Dieu, bien que tu subisses le même châtiment ! » (Lc. 23,40) Tant était profonde la malice de tous les spectateurs de ce grand drame. Mais la gloire de Jésus-Christ ne subit pas la moindre atteinte : « Dieu même », dit saint Paul, « en retour de son immolation, l’a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ».
4. Remarquez bien la suite des idées dans saint Paul, et comment, dès qu’il a parlé de cette chair adoptée par le Seigneur, il rappelle immédiatement toutes les circonstances qui prouvent son humilité. Avant de dire qu’il a pris la forme de l’esclave, et tant qu’il nous entretient de la divinité de Jésus, voyez avec quelle élévation il s’exprime ; je dis avec élévation, en la mesurant à nos forces humaines ; car Paul même n’atteint pas, et il ne pourrait atteindre à la hauteur de son sujet. Toutefois, écoutez-le : « Étant dans la forme de Dieu, il a cru sans usurpation être égal à Dieu ». Mais notre bienheureux parle-t-il du Dieu fait homme, il développe aussitôt toutes les conséquences de cette incomparable humilité, parce qu’une pensée le rassure : il sait que la chair sacrée de Jésus a subi seule toutes les humiliations qu’il rappelle ; il sait que sa divinité n’en a souffert aucun dommage.
« Et pour cela, Dieu l’a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, de sorte qu’au nom de Jésus tout genou fléchit au ciel, sur la terre et dans les enfers ; et que toute langue confesse que Notre-Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de son Père ». Disons aux hérétiques : S’il est ici question du Dieu Verbe et non pas du Verbe incarné, expliquez-nous cette exaltation et ce genre d’exaltation surtout ? Le Père leur donne-t-il quelque chose en plus ? Voilà, dès lors, l’imperfection antérieure du Fils constatée d’un côté au moins ; c’est à cause de nous qu’une nouvelle perfection lui est dévolue, puisque s’il ne nous avait pas fait ce grand don, il n’aurait pas gagné l’honneur dont il est question.
« Il lui a donné un nom ». Ainsi, du moins dans votre opinion, il n’avait pas même de nom. Alors, s’il a reçu celui qui lui était dû, comment l’a-t-il reçu par don et par grâce ? « Un nom qui est au-dessus de tout nom », et si nous demandons lequel enfin : « Afin qu’au nom de Jésus-Christ » tout genou fléchisse. Les hérétiques, par ce nom, entendent la gloire. Donc aussi doivent-ils ajouter : Une gloire au-dessus de toute gloire. Or, nous avons vu que cette gloire consiste précisément à adorer son Père ! Vous voilà bien loin de la grandeur divine, vous qui pensez connaître Dieu autant qu’il se connaît lui-même ! Votre interprétation à elle seule suffit pour montrer que vous êtes loin de l’idée véritable que représente le nom de Dieu ! Au reste, une nouvelle preuve de votre aberration va ressortir de votre idée même. Voilà, répondez-moi, la gloire du Fils ? Donc, avant la création des hommes, et surtout avant celle des archanges et des anges, ce Fils n’était pas dans la gloire ? Car, enfin, 1a nature de cette gloire, c’est de surpasser toute gloire ; on le voit très clairement par ces mots : « Un nom au-dessus de tout nom ». Or, avant l’époque où Dieu la lui donne, il est dans la gloire sans doute, mais moins qu’il ne l’a été dès lors ! C’est à cette gloire qu’il tendait, c’est le but qu’il voulait atteindre quand il créait toutes choses ; loin d’être déterminé par sa seule bonté, il avait soif de gloire, et de celle encore qui vient de nous ! Comprenez-vous ces folies, ces impiétés ? — Au contraire, appliquez ce langage de l’apôtre à l’incarnation ; il est vrai de tout point ; le Dieu-Verbe permet que nous parlions ainsi de sa chair glorifiée ; toutes ces donations n’arrivent pas à sa nature divine, mais à celle que sa bonté a voulu revêtir. Les appliquer à la divinité, c’est impardonnable, tandis qu’au contraire si j’avance que Dieu a immortalisé un homme, quand même je le dirais de l’homme tout entier, je sais ce que je dis.
« Au ciel, sur la terre et dans les enfers », qu’est-ce à dire ? Dans tout l’univers, qui comprend anges, hommes et démons ; — ou bien encore chez les justes comme chez les pécheurs. « Et que toute langue confesse que Notre-Seigneur