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vérité certaine. La foi est donc une vue de vérités non manifestes encore, et l’invisible qu’elle nous révèle doit être admis avec une persuasion aussi certaine que le visible. Ce que nous voyons, il nous est impossible de ne le pas croire ; or, si l’objet de la foi qui échappe à notre œil ne nous paraît pas aussi vrai et plus sûr même que le monde visible, nous n’avons pas la foi. Comme les choses que nous espérons paraissent n’avoir pas de corps ni de consistance, la foi donne une substance et un corps à ces objets de l’espérance ; ou plutôt, elle ne leur donne pas, elle est elle-même leur essence. Prenons un exemple : La résurrection n’est pas encore arrivée ; elle n’a donc pas encore de substance, elle n’existe pas ; mais l’espérance lui crée une subsistance dans notre âme, voilà ce que veut dire : « La substance des choses qu’on doit espérer ». Si donc la foi seule a la démonstration de l’invisible, pourquoi voulez-vous voir celui-ci, et vous exposer à perdre la foi, à compromettre ce principe par lequel vous êtes justes, puisque le « juste vivra de la foi ? » Si vous voulez être voyants, vous cessez d’être croyants. Vous avez travaillé et combattu, je me plais à le dire ; mais, attendez ! Attendre, c’est la foi ; ne cherchez pas tout ici-bas.
3. Ces paroles ont été dites aux Hébreux ; mais l’avis qu’elles renferment s’adresse à un grand nombre de ceux qui sont ici rassemblés. A qui surtout ? A ceux qui ont le cœur étroit et défaillant, à ceux aussi qui manquent de patience. Les uns et les autres ne peuvent voir la prospérité des méchants, ni leurs adversités à eux-mêmes, sans être accablés de tristesse et d’indignation, appelant sur ceux-là le supplice et la vengeance du ciel, en même temps que fatigués d’attendre leur propre récompense.
« Encore un peu de temps », disait saint Paul, « et celui qui doit venir viendra et ne tardera pas ». Répétons-le, nous aussi, aux lâches et aux paresseux : la punition arrivera certainement, elle viendra, la résurrection même déjà est à nos portes. – Mais qui le prouve, dira-t-on ? – Je ne demanderai pas mes preuves aux prophètes. Je ne parle pas seulement à des chrétiens en ce moment, mais mon auditeur fût-il un gentil, j’ai pleine confiance, j’apporte des preuves certaines ; je puis le convaincre, lui aussi ; et comment ? Écoutez-moi.
Jésus-Christ a fait plusieurs prophéties. Si les unes ne se sont pas réalisées, ne croyez pas aux autres ; mais si elles se sont accomplies en tous points, pourquoi douteriez-vous de celles qui restent à accomplir ? Lorsqu’une partie de ces prophéties se sont accomplies, il serait aussi déraisonnable de ne pas croire aux autres, qu’il le serait d’y croire, si rien ne s’était encore accompli. Au reste, un exemple va rendre la chose évidente : Jésus-Christ a dit que Jérusalem serait prise, et qu’elle le serait avec des circonstances inouïes jusqu’alors, et qu’elle ne serait jamais rebâtie : sa prédiction s’est réalisée. – Il a dit qu’une terrible affliction frapperait le peuple juif : elle est arrivée. – Il a prédit l’extension de son Évangile, pareil d’abord au grain de sénevé : et nous le voyons se propager de plus en plus dans l’univers entier.
Il a prédit que quiconque abandonnerait son père, sa mère, ses frères, ses sœurs, retrouverait son père et sa mère ; et nous voyons ce fait réalisé. – Il a dit à ses disciples : « Vous aurez des tribulations en ce monde, mais ayez confiance, j’ai vaincu le monde » ; c’est-à-dire, personne ne vous vaincra, et l’événement nous l’a prouvé. – Il a dit que les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église, bien qu’elle doive souffrir persécution, et que personne n’éteindra son Évangile : cette prédiction est vérifiée par l’expérience. – Et quand le Seigneur faisait ces prophéties, elles avaient un caractère incroyable. Pourquoi ? C’est que l’on ne pouvait y voir que des paroles, et que lui-même n’apportait pas de preuve de l’avenir qu’il annonçait. Aussi ces prophéties n’en sont que plus dignes de foi aujourd’hui. – Il a dit que la fin viendrait après que l’Évangile aurait été annoncé à toutes les nations. Voici qu’en effet nous touchons à la fin ; car la prédication a été faite à la plus grande partie de la terre. (Lc. 19,44 ; Mc. 13,2 ; Mt. 24,14, 21 ; Lc. 13,19 ; Mt. 19,29 ; 16, 18 ; Jn. 16,33)
Donc la fin est proche. Tremblons, mes frères. Mais quoi ! vous qui m’entendez, êtes-vous même inquiets de cette fin redoutable ? Et pourtant la voici pour vous déjà imminente et présente. La vie s’achève, pour chacun de nous, et de plus en plus, la mort s’avance. Car, dit l’Écriture : « La somme de nos jours l’un dans l’autre est de soixante-dix ans ; et pour les mieux partagés, quatre-vingts ans ». Le jour de notre jugement est proche ; tremblons encore une fois. « Le frère ne rachète pas le frère : quel homme donc vous rachètera ? » Nos regrets seront immenses, dans l’autre vie : « Mais dans la mort, personne ne pourra louer Dieu ! » Aussi est-il dit : « Prévenons sa face, pour le louer » (Ps. 89,10 ; 48, 8 ; 6, 6 et 44, 2), c’est-à-dire devançons son avènement. De ce côté, nos efforts ont leur prix et leur puissance ; ils ne pourront rien dans l’autre monde.
Dites-moi, je vous prie, si l’on nous renfermait pour un temps assez court dans une fournaise embrasée, ne ferions-nous pas tous les sacrifices pour être délivrés, fallût-il donner toute notre fortune, fallût-il subir l’esclavage ? Combien d’hommes sous le poids de maladies graves seraient prêts à donner tout pour guérir, si on leur laissait le choix ! Si donc une maladie, si peu qu’elle dure, nous ennuie et nous tourmente à ce point, que ferons-nous dans cet autre monde où la pénitence même sera impossible ?
Que de maux nous accablent, que nous ne sentons même pas ! nous nous mordons les uns les autres, nous nous entre-dévorons par mille injustices, accusations, calomnies, jalousies chagrines de la gloire du prochain. Et voyez quel péché grave ! Quand on veut blesser la réputation du prochain, l’on dit : « Un tel ou un tel a dit cela ! Que Dieu me pardonne !… Qu’il ne m’examine pas moi-même ; je ne suis coupable que d’avoir entendu ». – Mais si vous n’y croyez pas,