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œuvres », pour en devenir plus zélés. Car si l’exemple a toujours, bien plus que la parole, la force d’enseigner, vous avez bien des docteurs et des maîtres parmi votre multitude même, puisqu’ils paieront ainsi d’exemple.
« Approchons avec un cœur sincère ». Qu’est-ce à dire ? c’est l’horreur de toute hypocrisie, de toute dissimulation. « Malheur », est-il écrit, « au cœur hésitant, aux mains lâches et paresseuses ! » (Sir. 2,12) Qu’aucun mensonge non plus n’ait lieu parmi nous. N’allons pas avoir une parole contraire à notre pensée : c’est là le mensonge. Gardons-nous de la pusillanimité : ce n’est pas la marque d’un cœur vrai. C’est notre défaut de foi qui nous rend pusillanimes. Comment acquerrons-nous la vertu opposée ? si nous savons nous former par la foi des convictions inébranlables. – « Ayant le cœur aspergé ». Pourquoi n’a-t-il pas dit : purifié, mais aspergé ? Il veut montrer le caractère propre de ce qui fait l’aspersion. Car elle suppose à la fois une œuvre de Dieu et notre œuvre aussi. Asperger et laver la conscience, c’est l’action divine ; mais s’offrir à l’aspersion avec sincérité, avec une conviction pleine et assurée qui vient de la foi, c’est notre part. – Ensuite il attribue aussi à la foi une grande vertu, fondée sur sa vérité et sur la force divine de l’auteur des promesses. – Mais que veut dire : « Ayant aussi le corps lavé par l’eau pure ? » Entendez : par l’eau qui donne une pureté vraie, ou encore par l’eau non mêlée de sang. – Ensuite il ajoute un commandement de perfection, c’est-à-dire la charité : « Ne délaissant pas nos saintes assemblées, comme font plusieurs », qui produisent les schismes il le leur défend expressément. « Car le frère secondé par le frère est comme une ville fortifiée ». (Prov. 18,19) – « Mais considérons-nous les uns les autres pour nous provoquer à la charité ». Qu’est-ce que nous considérer mutuellement ? C’est imiter nos frères vertueux ; c’est avoir les yeux sur eux, pour les aimer et en être aimé. Car la charité est la source des bonnes œuvres. Répétons-le donc : se réunir est chose bien utile ; c’est le moyen de rendre la charité plus ardente, et de la charité naissent tous les biens, puisqu’il n’en est aucun que la charité ne puisse produire.
2. Confirmons donc entre nous la charité ; « car l’amour est la plénitude de la loi ». (Rom. 13,10) Aimons-nous les uns les autres, et nous n’aurons besoin ni de travaux ni de sueurs pour nous sauver. Ce chemin, de lui-même, conduit à la vertu. Ainsi qu’un voyageur, dès qu’il a trouvé la tête d’une route publique, se trouve aussitôt conduit par elle et n’a pas besoin d’autre guide : ainsi, pour la charité, saisissez-en seulement le commencement, et ce début vous conduira et vous dirigera.
« La charité », dit saint Paul, « est patiente, elle est bienveillante ; elle ne suppose point le mal ». (1Cor. 13,4) Que chacun de nous réfléchisse en soi-même sur la manière dont il est disposé pour lui-même ; et qu’il ait pour le prochain ce même sentiment. Ainsi nul n’est jaloux de soi-même ; chacun se souhaite tous les biens ; l’on se préfère naturellement aux autres ; pour soi l’on est disposé à tout faire. Si nous avons les mêmes sentiments pour le prochain, tous les maux de l’humanité sont guéris : plus d’inimitiés désormais, plus d’avarice, plus de cupidité. Car qui voudrait se frustrer soi-même ? Personne ; on ferait plutôt le contraire. Dès lors nous posséderons en commun tous les biens, et nous ne cesserons pas de resserrer nos rangs.
Si telle est notre ligne de conduite, le ressentiment des injures n’est plus possible entre nous. Qui pourrait, en effet, se mettre au cœur une haine contre soi-même, et garder le souvenir d’une injure qu’il se serait faite volontairement ? Qui voudrait se fâcher contre soi-même ? Ne suis-je pas, de tous les hommes, celui à qui je pardonne le plus volontiers ? Si donc tels sont aussi nos sentiments à l’égard du prochain, la mémoire des injures est à jamais éteinte.
Mais, direz-vous, est-il possible d’aimer son prochain comme soi-même ? – Si cette charité est sans exemple, vous avez le droit de la déclarer impossible. Mais si d’autres l’ont pratiquée, il est évident qu’en ne les suivant pas nous faisons uniquement preuve de lâcheté et de paresse. D’ail leurs Jésus-Christ n’a jamais pu commander ce qui serait impraticable ; il s’est vu bien des chrétiens qui ont même dépassé ses lois. – Quels sont ces héros ? – Paul, Pierre, tout le chœur des saints. Si j’avance qu’ils ont aimé le prochain, je ne fais que faiblement leur éloge ; car ils ont aimé leurs ennemis autant qu’on aime l’ami le plus intime. Quel homme au monde, en effet, libre d’aller prendre la céleste couronne, choisirait l’enfer pour sauver ses amis intimes ? Aucun. Et Paul, toutefois, l’a choisi pour ses ennemis, pour ceux qui l’avaient lapidé, pour ceux qui l’avaient battu de verges. Quel pardon pouvons-nous donc attendre, quelle excuse aurons-nous, si nous n’accordons pas même à nos amis la plus faible partie de l’amour que Paul a montré pour ses ennemis ?
Avant lui déjà, le bienheureux Moïse demandait à être rayé du livre de vie, à la place d’ennemis qui l’avaient reçu à coups de pierres, (Ex. 32,32) David aussi, voyant périr ceux qui lui avaient résisté, disait : « C’est moi, leur pasteur, qui ai péché : mais eux, qu’ont-ils fait ? » (2Sa. 24,17) Et quand Saül fut entre ses mains, loin de vouloir attenter à ses jours, il le sauva, alors même que sa générosité allait le mettre en danger. Or, si l’Ancien Testament a fourni de pareils exemples, quel pardon obtiendrons-nous, nous qui vivons sous le Nouveau, et qui ne savons pas arriver même à la hauteur où ils sont parvenus ? « Car si notre justice n’abonde pas plus que celle des Scribes et des Pharisiens, nous n’entrerons pas dans le royaume des cieux ». Et si nous avons moins de justice que ces gens-là mêmes, comment entrerons-nous ? « Aimez », dit le Seigneur, « aimez vos ennemis et vous serez semblables à votre Père qui est dans le ciel ». (Mt. 5,44-45)
Aimez donc votre ennemi. Ce n’est pas à lui que vous faites ainsi du bien, c’est à vous-même. Comment ? C’est que vous devenez semblable à Dieu. Aimé de vous, votre prochain n’y gagne