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le Fils de Dieu était exaucé à cause de son respect ? Que direz-vous de plus, en parlant des prophètes ? Et n’est-ce pas une inconséquence, lorsqu’on a dit : « Il a été exaucé à cause de son respect », d’ajouter ces paroles : « Quoiqu’il fût le Fils de Dieu, il n’a pas laissé d’apprendre l’obéissance par tout ce qu’il a souffert ». Peut-on tenir un pareil langage, en parlant de Dieu ? Qui serait assez insensé pour cela ? Où trouver un homme qui aurait assez peu de raison pour parler ainsi ? « Il a été exaucé à cause de son respect, il a appris l’obéissance par tout ce qu’il a souffert ». Quelle obéissance ? Il avait appris, jusqu’à en mourir, l’obéissance qu’un fils doit à son père ? Avait-il donc besoin de faire encore l’apprentissage de l’obéissance ?

2. Ne voyez-vous pas qu’il s’agit ici de l’incarnation réelle ? Ce qu’il dit là le fait assez entendre. Dites-moi : ne demandait-il point à son Père d’être préservé de la mort ; n’était-il pas attristé par cette perspective de la mort ? Ne disait-il pas : « Que ce calice, s’il est possible, s’éloigne de mes lèvres ? » Mais, pour ce qui est de la résurrection, il n’a jamais prié son Père ; au contraire, il dit lui-même tout haut : « Renversez ce temple, et dans trois jours, je le relèverai ». Et il dit encore : « Je puis déposer la vie et la reprendre ; personne ne me l’ôte ; c’est moi-même qui la dépose ». (Jn. 2,19, et 10, 18) Qu’est-ce donc et pourquoi priait-il ? Et il disait aussi : « Nous allons à Jérusalem, et le Fils de Dieu sera livré aux princes des prêtres et aux scribes qui le condamneront à mort et le livreront aux gentils ; afin qu’ils le tournent en dérision, qu’ils le fouettent et le crucifient ; et il ressuscitera le troisième jour ». (Mat. 20,18-19) Il n’a pas dit : Mon Père me fera ressusciter. Comment donc peut-on dire qu’il le priât pour le faire ressusciter ? Mais pour qui priait-il ? Pour ceux qui avaient cru en lui. Ce que dit l’apôtre revient à ceci : Il n’a pas de peine à se faire exaucer. Comme ses auditeurs ne se faisaient pas une juste idée du Christ, il dit qu’il a été exaucé, en tenant le langage que le Christ tenait lui-même, pour consoler ses disciples : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez, parce que je vais trouver mon Père qui est plus grand que moi ». ([[Jn. 14,28) Comment donc ne s’est-il pas glorifié lui-même, ce Dieu qui a été assez dévoué pour s’annihiler, pour se livrer lui-même ? « Il s’est sacrifié pour nos péchés », dit l’apôtre. (Gal. 1,4) Et ailleurs : « C’est lui qui s’est livré, pour nous racheter tous » (1Tim. 2,6) Qu’est-ce donc ? Ne voyez-vous pas que c’est le Dieu fait chair qui s’humilie ? Aussi, quoiqu’il fût le Fils de Dieu, a-t-il été exaucé, en considération de son respect pour son Père. Il veut montrer, en effet, que l’œuvre qui s’est accomplie a été opérée par lui plutôt que par la grâce de Dieu. Tel était son respect filial et sa piété, dit l’apôtre, que Dieu son Père le respectait. Il a appris à obéir à Dieu. Il montre encore quels sont les fruits de la souffrance. « Et étant entré dans la consommation de sa gloire, il est devenu l’auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent ». Or, si lui qui était le Fils de Dieu a profité de ses souffrances pour apprendre à obéir, à plus forte raison nous autres devons-nous mettre à profit un semblable apprentissage. Voyez-vous comme il s’étend sur l’obéissance, afin de parvenir à les persuader ? Ils m’ont tous l’air en effet d’être fort disposés à secouer le frein et à se révolter. C’est ce que saint Paul fait entendre par ces mots : « Votre attention s’est refroidie » : Ses souffrances, dit-il, lui ont appris à obéir à Dieu. Et il est entré dans la consommation de sa gloire par la souffrance. C’est donc là ce qui parfait l’homme, et la souffrance est le chemin de la perfection. Non seulement il s’est sauvé lui-même, mais il a sauvé les autres. « Étant entré dans la consommation de sa gloire, il est devenu l’auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent, Dieu l’ayant déclaré pontife ; selon l’ordre, de Melchisédech ; sur quoi nous aurions beaucoup de choses à dire, qui sont difficiles à expliquer, à cause de votre lenteur et de votre peu d’application pour les entendre (11)».

Avant d’en venir aux deux espèces de sacerdoce, il reprend ses auditeurs en leur montrant qu’il abaisse son style pour descendre jusqu’à eux, et qu’il les traite comme des enfants à la mamelle ; par conséquent il prend un ton plus humble, approprié aux choses de la chair et il parle du Christ, comme on parlerait d’un homme juste. Voyez, sans garder : un silence absolu, il ne s’explique pas complété ment ; il ne dit que ce qu’il faut pour les engager à mener une vie parfaite et à ne pas se priver d’un haut enseignement ; mais il s’arrange de manière à ne pas accabler leur intelligence ; et il s’exprime ainsi : « Sur quoi nous aurions beaucoup de choses à dire, qui sont difficiles à expliquer, à cause de votre lenteur et de votre peu d’application pour, les apprendre » : C’est parce qu’il a affaire à des auditeurs peu attentifs qu’il lui est difficile de s’expliquer. Car lorsqu’on s’adresse à des auditeurs bornés, dont l’intelligence n’est – pas à la hauteur du sujet, il n’est pas aisé de leur bien faire comprendre la vérité. Mais peut-être y a-t-il parmi vous qui m’écoutez, quelques hommes dont la tête se trouble et qui regrettent que la nature de son auditoire ait empêché saint Paul de mieux s’expliquer. Eh bien ! à l’exception d’un petit nombre d’auditeurs, vous êtes, je crois, dans le même cas que, les Hébreux, et vous pouvez-vous appliquer les paroles de l’apôtre. Malgré cela, je vais m’adresser à ce petit nombre d’auditeurs. Saint Paul a-t-il donc abandonné le sujet qu’il traitait ou l’a-t-il repris dans les versets suivants, comme il l’a fait dans l’épître aux Romains ? Car là aussi il ferme tout d’abord la bouche aux contradicteurs en ces, termes : « O homme, qui donc es-tu, pour répondre à Dieu ? » (Rom. 9,20) Mais il résout aussitôt le problème dont il s’agit. Eh bien ! ici, le crois que, sans garder un silence complet, il ne s’est pas tout à fait expliqué, afin de jeter ses auditeurs dans l’attente. Après les avoir avertis, après leur avoir fait entendre, qu’il abordait un grand sujet, voyez comme il les loue et les reprend tout à la fois Car c’est toujours sa méthode de mêler de douces paroles aux paroles amères. C’est ainsi que, dans son épître aux – Galates, il dit : « Vous couriez avec ardeur ; qui donc a pu vous arrêter ? » (Gal. 5,7) « Serait-ce donc en vain que vous avez