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probablement des hommes qui ne croient plus et pour qui les miracles opérés sont comme s’ils n’avaient pas eu lieu ; c’est pour cela qu’il dit « Prenez garde que quelqu’un d’entrevous ne tombe dans un dérèglement de cœur, et dans « une incrédulité qui le sépare du Dieu vivant ». Quand on parle de l’avenir, on rencontre plus d’incrédules que lorsqu’on parle du passé. Voilà pourquoi il leur rappelle l’histoire et les circonstances dans lesquelles ils ont manqué de foi. Si vos pères, dit-il, ont souffert pour n’avoir pas espéré comme ils le devaient, à plus forte raison, vous, vous souffrirez ; car il s’adresse à eux, aux hommes du temps présent. C’est toujours ce que veut dire ce mot « aujourd’hui ». – « Mais exhortez-vous chaque jour les uns les autres, pendant ce temps que l’Écriture appelle aujourd’hui (13) » ; c’est-à-dire ; édifiez-vous les uns les autres, encouragez-vous pour qu’il ne vous arrive pas la même chose qu’à vos pères, « de peur que quelqu’un de vous, étant séduit par lé péché, ne tombe dans l’endurcissement ».
2. Voyez-vous comme le péché engendre l’incrédulité ? Si l’incrédulité produit la vie criminelle, l’âme, arrivée au fond de l’abîme, méprise, et dans son dédain elle ne veut plus rien croire, pour se délivrer de toute crainte. Nous lisons dans le Psalmiste : « Ils ont dit : Le Seigneur ne nous verra pas, et le Dieu de Jacob n’en saura rien ». (Ps. 93,7) Et ailleurs : « Nos lèvres sont à nous, qui donc est notre Seigneur ? » (Ps. 11,5) Et encore : « Pourquoi l’impie a-t-il irrité Dieu ? » (Ps. 10,13) Et ailleurs : « L’insensé a dit en son cœur : Il n’y a pas de Dieu. Ils se sont corrompus et ils ont contracté des penchants abominables ». (Ps. 13,1) Et ailleurs : « La crainte de Dieu n’est plus devant leurs yeux ». Et ailleurs : « Il a usé de ruse devant lui ; Dieu a découvert et détesté l’iniquité de l’impie ». (Ps. 35,2-3) Le Christ aussi parle en ces termes : « Tout homme qui agit mal craint la lumière et la fuit ». (Jn. 3,20) Puis il ajoute : « Nous sommes entrés dans la participation du Christ » : que veut dire ce mot ? Nous ne faisons qu’un, lui et nous. Il est la tête, nous sommes le corps, nous sommes ses cohéritiers et nous ne faisons avec lui qu’un même corps. Nous ne sommes qu’un seul corps, dit-il, formé de sa chair et de ses os ; « à condition toutefois de conserver jusqu’à la fin ce commencement de substance nouvelle qu’il a mis en nous ». – « Qu’est-ce que ce commencement de substance nouvelle ? » C’est la foi par laquelle nous subsistons, par laquelle nous avons été régénérés, par laquelle nous sommes consubstantiels au Christ. Puis il ajoute : « Pendant que l’on « nous dit : aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs comme il arriva au temps du murmure qui excita ma colère. » (15). – Il y a ici une transposition, voici quelle est la suite des idées : « Craignons donc que, négligeant la promesse qui nous est faite d’entrer dans le repos de Dieu, il n’y ait quelqu’un d’entre vous qui en soit exclu ? » (4, 1) – « Car on nous l’a annoncé aussi bien qu’à eux (2) ». – « Pendant que l’on nous dit : Aujourd’hui si vous entendez sa voix ». – « Aujourd’hui » signifie « en tout temps » : ensuite il dit : « Mais la parole qu’ils entendirent ne leur servit de rien, n’étant pas accompagnée de la foi dans ceux qui l’entendirent(2) ». Il montre pourquoi cette parole est restée inutile ; c’est qu’elle n’était point accompagnée de la foi. Il prouve cette vérité par les exemples qu’il expose : « Quelques-uns », dit-il, « ayant entendu sa voix, irritèrent Dieu par leurs murmures ; mais cela n’arriva pas à tous ceux que Dieu avait fait sortir de l’Égypte (16) ». – « Or qui sont ceux que Dieu supporta avec peine pendant quarante ans, sinon ceux qui avaient péché, dont les corps demeurèrent étendus dans le désert (17) ? » – « Et qui sont ceux à qui Dieu jurait qu’ils n’entreraient jamais dans son repos, sinon ceux qui ne crurent pas en lui (18) ? ». – « En effet, nous voyons qu’ils ne purent y entrer, à cause de leur incrédulité (19) ».
Après avoir cité le témoignage de l’histoire, il emploie la forme interrogative, pour donner plus d’éclat à sa parole. « Il a dit, en effet », s’écrie-t-il, « aujourd’hui si vous écoutez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs, comme au jour de sa colère ». Quels sont ces cœurs endurcis dont il se souvient ? Quels sont ceux qui n’ont pas cru en lui ? Ne sont-ce pas les Juifs ? Voici le sens de ces paroles : Ils ont entendu comme nous ; mais cela ne leur a servi de rien. N’allez donc pas croire qu’il vous suffira d’entendre la parole de Dieu pour en profiter ! Eux aussi, ils l’ont entendue, mais sans profit, parce qu’ils n’ont pas cru. Chaleb et Jésus n’ayant pas fait cause commune avec les incrédules, ont évité le châtiment qui leur a été infligé. Et voyez ce qu’il y a ici d’admirable. Il n’a pas dit : Ils n’ont pas fait cause commune ; il a dit « Ils ne se sont pas mêlés à eux ». Ils se sont séparés de ces séditieux unis dans une même pensée. Ici, selon moi, il nous fait entendre que cette pensée était une pensée de révolte. « Nous entrerons dans son repos », dit-il, « nous qui avons cru » ; et pour confirmer cette proposition, il ajoute : « Dans ce repos dont il parle en disant : J’ai juré dans ma colère qu’ils n’entreraient pas dans mon repos », et Dieu parle du repos qui suivit l’accomplissement de ses ouvrages, dans la création du monde (3). On pouvait peut-être lui dire : Cela ne signifie pas que nous n’entrerons pas dans le repos ; cela signifie que ces hommes d’autrefois n’y sont pas entrés. Que fait-il, pour prévenir cette objection ? Il s’étudie à prouver que ce repos des premiers temps n’empêche pas de parler d’un autre ; que ce repos n’empêche pas de parler du repos qui nous attend au royaume des cieux. Il veut donc montrer qu’ils n’ont point obtenu ce lieu du repos. Pour que vous sachiez que c’est bien là ce qu’il veut dire, il ajoute : « Car l’Écriture dit en quelque lieu, parlant du septième jour : Dieu se reposa le septième jour, après avoir achevé toutes ses œuvres (4) ». Et il est dit encore ici :« Ils n’entreront point dans mon repos (5) ». Vous voyez qu’un repos n’exclut pas l’autre. « Puisqu’il faut donc », dit-il, « que quelques-uns y entrent, et que ceux à qui la parole en fut premièrement portée, n’y sont