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mêmes tourments, vous auriez raison de vous affliger. Mais tout n’est pas encore assujetti, nous le voyons : Le souverain n’a pas, encore pleinement établi son autorité. Pourquoi dont vous troubler, parce que vous souffrez ? « La bonne nouvelle » ne triomphe pas encore partout ; les temps ne sont pas encore accomplis. Autre consolation : Celui qui doit tout assujettir est mort lui-même, et a souffert mille tourments.
« Mais nous voyons que Jésus a été rendu, pour un peu de temps, inférieur aux anges, à cause de la mort qu’il a soufferte ». Puis viennent ces belles paroles. « Couronné d’honneur et de gloire ». Voyez-vous comme tout cela s’applique à Jésus ? Cette expression « pour un peu de temps » doit s’appliquer à celui qui né reste que trois jours aux enfers, bien plutôt qu’à nous, créatures éminemment périssables. De même les mots de « gloire et d’honneur » lui conviennent bien mieux qu’à nous. Ensuite il leur rappelle la croix, dans un double but, afin de leur montrer la sollicitude de Jésus pour l’humanité, afin aussi de les exhorter à tout supporter avec courage, à l’exemple du maître. Si celui que les anges adorent, leur dit-il par là, a consenti pour vous a devenir pendant quelque temps inférieur aux anges, à plus forte raison vous qui êtes inférieurs aux anges, devez-vous tout supporter pour l’amour de lui. Alors il leur montre que c’est la croix qui est la gloire et l’honneur. Jésus lui-même ne l’appelle-t-il pas ainsi, quand il dit : Voici l’heure où le Fils de l’homme va être glorifié ? Si donc, à ses yeux, c’est une gloire de souffrir pour des esclaves,.combien doit-il être plus glorieux pour nous de souffrir pour notre maître !
Voyez-vous quels sont les fruits de la croix ? Ne la redoutez pas. Elle vous effraie, et pourtant elle produit de grands avantages. Il nous montre par là l’utilité de la tentation, puis il ajoute ; « Afin que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort, pour le salut de tous les hommes ». – « Afin que, par la grâce de Dieu », dit-i1. Oui, s’il a tant souffert, c’est en vertu d’une grâce que Dieu a faite à tous les hommes. « Dieu », dit saint Paul, « n’a pas épargné son propre Fils, et l’a sacrifié pour nous tous ». (Rom. 8,32) Ce sacrifice, il ne nous le devait pas ; c’est une grâce qu’il nous a faite. Et dans un autre passage de l’épître aux Romains, il nous dit : « La miséricorde et le don de Dieu se sont répandus avec bien plus d’abondance sur plusieurs, par la grâce d’un seul ; homme qui est Jésus-Christ ». (Rom. 5,15) « Pour que, par la grâce de Dieu, il goûtât la mort, pour le salut de tous ». Oui, pour tous les hommes, et non pas seulement pour, lés fidèles, car c’est pour tous qu’il est mort. Mais, si tous n’ont pas cru ? N’importe : il a rempli sa mission.: Cette expression il a « goûté » la mort, est, pleine de justesse. Il n’a pas dit : « Afin qu’il mourût » ; car il n’a fait que séjourner dans la mort, il n’a « fait que la goûter », et sa résurrection a été prompte. Mais ces mots « à cause de la mort qu’il à soufferte », expriment bien la mort véritable. Quant à ces mots « supérieur aux anges », ils font une allusion évidente à la résurrection. Le médecin n’a pas besoin de goûter les remèdes présentés au malade, et cependant, il commence par les goûter, dans sa sollicitude pour ce client qu’il veut déterminer à boire hardiment un breuvage salutaire. Eh bien ! ainsi fait le Christ à l’égard de tous les hommes. Ils craignaient la mort et, pour les enhardir contre elle, il la goûte, sans nécessité pour lui. Car, dit-il, « voici venir le prince de ce monde, quoiqu’il n’y ait rien en moi qui lui appartienne ». (Jn. 14,30) Ainsi l’explication de ces mots « par une grâce de Dieu » et de ceux-ci « il goûtera la mort pour le salut de tous », se trouve dans ce verset : « Car il était bien digne de Celui pour lequel et par lequel toutes choses ont été faites, que voulant conduire à la gloire plusieurs de ses enfants, il perfectionnât par la souffrance l’auteur de leur salut ».
3. C’est du Père qu’il parle ici. Voyez-vous comme ces mots « par lequel toutes choses ont été faites », s’appliquent bien à lai ? Tel n’aurait pas été son langage s’il avait voulu exprimer des idées moins relevées, et s’il n’était ici question que du Fils. Voici le sens de ses paroles : Dieu a fait un acte digne de sa bonté pour nous, en revêtant son premier-né d’un éclat dont rien n’approche, et en l’offrant pour exemple au monde comme un athlète généreux et supérieur à tous. Voyez la différence : Il est le Fils de Dieu et nous aussi, nous sommes les enfants de Dieu ; mais c’est lui qui nous sauve, et c’est nous qui sommes sauvés. Voyez comme tour à – tour il nous rassemble et nous sépare. « Voulant conduire à la gloire plusieurs, de ses enfants », dit-il, « il devait perfectionner » par la souffrance celui qui allait être l’auteur de notre salut. La souffrance est donc un moyen d’arriver à la perfection, et une source de salut. Voyez-vous quel n’est pas le partagé de ceux que Dieu a abandonnés ?
Dieu a donc particulièrement honoré le Fils, en le faisant passer par la souffrance. Et en effet se revêtir de notre chair pour souffrir, est certes bien plus grand que de créer le monde et de le tirer du néant : ce dernier acte est un, bienfait ; mais l’autre en est un bien plus grand encore. Et c’est à la grandeur de ce bienfait que Paul fait allusion, par ces mots : « Pour faire éclater, dans les siècles à venir, les richesses surabondantes de sa grâce, il nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir dans le ciel, en Jésus-Christ. Il fallait bien que Celui par qui et pour qui toutes « choses ont été faites et qui avait conduit à la gloire de si nombreux enfants, perfectionnât par la souffrance celui qui devait être l’auteur de notre salut ». Il fallait que celui qui a tant de sollicitude pour nous, et qui a fait toutes choses, livrât son Fils pour le salut de tous, un seul pour plusieurs. Mais tel n’est pas le langage de Paul : il a employé les mots : « Perfectionner par la souffrance », pour montrer que, lorsqu’on souffre pour autrui, non seulement on lui est utile, mais on devient soi-même plus illustre et plus parfait. Il s’adresse à ses disciples pour les encourager. Oui, le Christ a été glorifié, lorsqu’il, a souffert, Mais quand je dis qu’il a été glorifié, n’allez pas croire qu’il y ait eu là un accroissement de gloire