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Combien est plus admirable celui qui reçoit de Dieu la sagesse ! Il rend gloire à Dieu, il en reçoit la gloire en retour. « Car je glorifie », dit-il, « ceux qui me glorifient ».
Mais écoutons un des descendants de Joseph, un sage que personne n’a surpassé, puisqu’il est écrit : « Êtes-vous donc plus sage que Daniel ? » (Ez. 28,3) Ce Daniel devait partager le sort de tous les sages qui avec lui étaient à Babylone : astrologues, devins, magiciens, faiseurs de prestiges ; toute l’école de sagesse était non seulement réprouvée, mais déjà exécutée : la peine capitale prononcée contre eux tous par le roi, prouvait assez qu’il se regardait comme trompé de longue date. Daniel donc se présente au roi, pour résoudre la question proposée ; loin de se donner à lui-même un regard complaisant, il commence par reporter à Dieu tout honneur : « Ce n’est pas dans la sagesse que je posséderais plus qu’aucun autre homme, que révélation m’a été faite, ô prince !… Alors le roi adora Daniel et dit : Qu’on fasse venir les victimes et les offrandes ! (Dan. II, 30) Avez-vous compris tant d’humilité, cette reconnaissance, ce caractère ennemi de tout orgueil ?
Écoutez aussi le langage des apôtres, tantôt « Pourquoi nous regardez-vous », disent-ils, « comme si c’était par notre puissance ou notre piété que nous avons fait marcher cet homme ? » Tantôt : « Et nous aussi », s’écrient-ils, nous sommes des hommes mortels, semblables à vous ! » (Act. 3,12 et 14, 14) Voilà comment ils répudiaient des honneurs spontanément offerts, ces hommes qui, grâce à leur humilité en Jésus-Christ, grâce à sa puissance, opéraient des prodiges plus grands que ceux de Jésus-Christ lui-même ; car « celui qui croit en moi », avait-il dit, « fera de plus grandes choses que moi-même je n’en fais » comment donc ne pas nous appeler des malheureux, des misérables, nous qui ne pourrions chasser je ne dis pas des démons, mais des moucherons, nous qui n’avons pas même le pouvoir d’obliger un de nos semblables, bien loin d’être les sauveurs du monde entier, et qui cependant portons si haut nos pensées, que le démon même n’atteindrait pas à notre orgueil ?
3. Rien de plus étranger à l’âme chrétienne que l’orgueil. Je dis l’orgueil, et non pas la franchise et le courage. Leur faux air de famille ne les empêche pas d’être essentiellement différents. Autre est l’humilité, autre le servilisme, l’adulation, l’esprit rampant. Voulez-vous de tout cela des exemples frappants ? Les contraires parfois sont étrangement rapprochés, comme l’ivraie du froment, comme la rose des épines ; un enfant s’y laisse tromper ; mais l’homme fait, celui qui est habile dans la culture spirituelle, saura distinguer le bien d’avec le mal. Et, tenez ; proposons à vos réflexions quelques exemples tirés des saintes Écritures mêmes.
Qu’est-ce que flatterie, servilisme, esprit rampant ? Siba profite d’un mauvais moment pour flatter David et accuser son maître ; Achitophel fait pis encore auprès d’Absalon. David ne leur ressemble pas, il est humble. Les trompeurs sont nécessairement flatteurs, comme ces mages de Babylone, qui s’écrient : « Vive le roi dans les siècles ! » Saint Paul, dans les Actes par exemple, discute avec les juifs, sans jamais les flatter, mais aussi sans oublier l’humilité. Il sait parler avec liberté : « Mes frères », dit-il, « je n’ai rien fait ni contre la nation, ni contre les coutumes de nos pères, et cependant j’ai été enchaîné à Jérusalem et livré à la justice ». (Act. 28,17) Et pour mieux reconnaître ici le langage de l’humilité, écoutez comment il parle quand il veut les reprendre avec force : « C’est avec raison que l’Esprit-Saint a dit de vous : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez pas ; vous verrez de vos yeux, et vous n’apercevrez pas ». (Act. 25,26) Reconnaissez-vous là le courage ?
Considérez encore avec quelle fermeté héroïque Jean-Baptiste traite le roi Hérode : « Il ne vous est pas permis d’avoir la femme de votre frère ». (Mc. 6,18) Voilà la confiance, voilà la force ! Ainsi ne parlait pas un Séméi : « Sors », criait-il à David, « sors, homme de sang ». (2Sa. 16,7) Il parlait hardiment sans doute ; mais la hardiesse n’est pas le courage ; ici, c’était audace, outrage, excès de langue. De même quand Jésabel insultait Jéhu : Voilà, s’écriait-elle, l’assassin de son maître ! C’était audace et non pas franchise. Élie aussi, mais par franchise et fermeté, trouvait un vif reproche : « Ce n’est pas moi qui trouble le peuple ; c’est vous et la maison de votre père ! » (1R. 18,18) Le même Élie traitait avec une égale fermeté tout le peuple réuni : « Pourquoi », disait-il, « boiter ainsi des deux jambes et entre deux partis ? » Frapper