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À ce courage, on reconnaît l’intrépidité : ils ne peuvent qu’effrayer, rien de plus. – Vraisemblablement, en effet, les Philippiens étaient fort troublés des tribulations infinies que subissait l’apôtre. Je ne vous dis pas seulement : Gardez-vous d’être ébranlés ; j’ajoute, ne tremblez pas ; allez même jusqu’à les mépriser. Si vous arrivez à cette disposition d’âme, vous donnez la preuve évidente et de leur perte et de votre salut. Après s’être convaincus qu’ils auront épuisé mille moyens pour vous perdre, sans pouvoir même vous effrayer, ils auront acquis par là même la preuve évidente de leur ruine. Persécuteurs, en effet, sans pouvoir triompher de leurs victimes ; organisateurs de complots vaincus par ceux mêmes qu’ils tiennent en leur pleine puissance, ne comprendront-ils pas clairement, à cet insuccès, et leur ruine, et leur impuissance, et la fausseté comme la faiblesse de leurs moyens et de leurs croyances ? Il continue : « Et cet avantage vient de Dieu ; car c’est une grâce qu’il vous a faite, non seulement que vous croyez en Jésus-Christ, mais aussi de ce que vous souffrez pour lui (29) ». – Il les rappelle de nouveau à la sainte modestie, rapportant tout à Dieu, et témoignant que souffrir pour Jésus-Christ, c’est une grâce, une faveur, un don du ciel. Et ne rougissez pas de cette grâce ; elle est bien plus admirable que le pouvoir de ressusciter les morts et d’opérer tout autre miracle. Avec ce dernier pouvoir, je suis le débiteur de Jésus-Christ ; mais par la souffrance en son nom, je fais de Jésus-Christ mon débiteur. Donc loin d’en rougir, il faut vous en réjouir : c’est une grâce ! Saint Paul appelle grâces et dons nos vertus elles-mêmes, comme toutes les autres faveurs gratuites, bien qu’il y ait une différence. Ces dernières viennent tout entières de Dieu seul ; dans les autres, nous avons notre part. Mais comme, dans la vertu même, la part de Dieu est la plus grande, il la lui rapporte en entier, non pour renverser notre libre arbitre, mais pour rappeler à ses disciples l’humilité et la reconnaissance.
« Vous trouvant dans les mêmes combats où vous m’avez vu… (30) », c’est-à-dire, vous avez reçu l’exemple. Et toutefois, c’est encore un éloge qu’il leur adresse. Car partout il montre qu’en tout semblables à lui, et avec lui, ils subissent mêmes combats, supportent mêmes assauts, jusque chez eux et pour leur compte, soumis aux mêmes épreuves que leur apôtre.
« Comme vous m’avez vu », dit-il, et non par ouï-dire seulement : car il avait combattu chez eux, dans la ville même de Philippes. Voilà la preuve d’un grand courage. Au reste, Paul rappelle volontiers ces faits. Ainsi : – aux Galates : « Quoi ! vous avez souffert ainsi inutilement, si toutefois c’est inutilement ! » (Gal. 3,4) – Aux Hébreux : « Or, rappelez en votre mémoire ce premier temps, où après avoir été illuminés par le baptême, vous avez soutenu de grands combats dans les diverses afflictions, ayant été d’une part exposés devant tout le monde aux injures et aux mauvais traitements ; et de l’autre, ayant été les compagnons de ceux qui ont souffert de semblables indignités ». (Héb. 10,32) – Aux Macédoniens, c’est-à-dire aux Thessaloniciens : « Tout le monde raconte quel a été le succès de notre arrivée parmi vous » ; et plus bas : « Vous n’ignorez pas vous-mêmes, mes frères, que notre arrivée vers vous n’a pas été vaine et sans fruit ». (1Thes. 2,9 et II, 1) Et il rend à tous et toujours le même témoignage de luttes et de combats.
C’est là ce qu’on ne trouverait plus chez nous : bienheureux, si nous trouvons par hasard quelque sacrifice d’argent, bien que sur ce point même et en ce genre de sacrifices, Paul leur paie aussi un tribut d’éloges, lorsqu’il dit des uns : « Vous avez souffert avec joie le pillage de vos biens » (Héb. 10,34) ; et à d’autres : « La Macédoine et l’Achaïe ont résolu de faire une collecte pour les pauvres » (Rom. 15,26) ; – ailleurs enfin : « Votre exemple » de charité « a excité le même zèle dans l’esprit de plusieurs ». (2Cor. 9,2)
4. Entendez-vous quels éloges méritaient les premiers chrétiens ? Ah ! nous sommes loin de supporter comme eux jusqu’aux soufflets et aux coups, nous n’endurons pas même les outrages ni les pertes d’argent. Saintement rivaux, martyrs courageux, ils étaient tous de vrais soldats à la bataille : mais nous comme nous sommes devenus froids pour Jésus-Christ Me voici réduit encore à faire le procès de mon époque. Que résoudre, enfin ? Je ne voudrais pas accuser, et j’y suis contraint. Si mon silence, si le soin de ne point redire de tristes faits, pour détruire les graves abus que chaque jour voit éclore, je