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nous refuser à la discussion, faute de bonnes raisons. « Exercez-vous à la piété u ; or la piété a pour objet une vie pure, une conduite excellente. Celui qui s’exerce aux luttes gymnastiques, se conduit en tout comme un athlète, même en dehors du temps destiné aux combats ; il supporte les abstinences prescrites et des sueurs fréquentes. « Exercez-vous à la piété », dit le texte ; « car l’exercice corporel n’a qu’une mince utilité ; mais la piété est utile à tout, ayant les promesses de la vie présente et de la vie future ». Pourquoi a-t-il rappelé ici l’exercice corporel ? Pour montrer, par la comparaison, la supériorité de l’autre, parce que le premier exige de nombreuses fatigues, sans apporter d’avantage qui mérite qu’on en tienne compte, tandis que l’exercice de l’âme en apporte de perpétuels et d’immenses. De même il dit aux femmes de se parer, non avec des frisures, de l’or, des perles et de somptueux vêtements, mais comme il convient à des femmes qui enseignent la piété par leurs bonnes œuvres.
« Cette parole est fidèle et digne d’être reçue par tous. C’est pour cela que nous supportons les fatigues et les outrages ». Paul supportait les outrages, et vous les trouvez insupportables ? Paul supportait les fatigues et vous voulez vivre dans la mollesse ? S’il y eût vécu, il n’eût pas obtenu ces grands biens. Car si les biens précaires et corruptibles de cette vie ne s’acquièrent jamais sans travaux et sans sueurs, à combien plus forte raison les biens spirituels ! – Mais, dira-t-on, il en est beaucoup qui reçoivent ceux de cette vie par héritage. – Dans ce cas même, la garde et la conservation des richesses n’est pas dépourvue de peines, et le riche n’éprouve pas moins de fatigues et de chagrins que les autres. Et d’ailleurs combien, après mille fatigues et mille soucis, ont vu s’évanouir leur fortune, assaillis à l’entrée du port par un coup de vent subit et faisant naufrage au plus beau de leurs espérances. Pour nous, rien de semblable : c’est Dieu qui est l’auteur de la promesse et « l’espérance ne et confond point ». (Rom. 5,5) Ne savez-vous pas, vous aussi, qui vous agitez dans les affaires de la vie, combien, après d’innombrables travaux, n’en ont point recueilli le fruit, soit parce que la mort les a enlevés auparavant, soit parce qu’un revers est survenu, une maladie les a atteints, des calomniateurs les ont attaqués, soit que toute autre cause des accidents humains sont nombreux) les ait entraînés les mains vides ? – Mais, me répondra-t-on, ne voyez-vous pas ceux qui réussissent, ceux qui, avec peu de peine, se procurent de grands biens ? – Et quels biens ? Des richesses, des maisons, tant et tant d’arpents de terre, des troupeaux d’esclaves, un grand poids d’argent et d’or ? C’est là ce que vous appelez des biens ? Et vous ne vous couvrez pas le visage ? Et vous ne vous cachez pas sous terre, homme instruit dans la philosophie du ciel et qui aspirez aux choses terrestres, qui appelez biens ce qui ne mérite pas qu’on en parle ? Suce sont des biens, il faut donc appeler bons ceux qui les possèdent ; car celui qui possède le bien, comment ne serait-il pas bon ?
Eh ! dites-moi : lorsque ces riches sont injustes et voleurs, dirons-nous qu’ils sont bons ? Car, si la richesse amassée par la fraude est un bien, plus elle s’accroît plus on devra juger bon celui qui la possède. L’homme d’une cupidité sans frein est donc un homme de bien, et, si la richesse est bonne, celui qui l’augmente ainsi sera d’autant meilleur qu’il aura fraudé davantage. Voyez-vous la contradiction ? – Mais, répondra-t-on, s’il n’a dépouillé personne ? – Comment cela se peut-il ? la passion est funeste – mais on le peut – non, non cela n’est pas ; le Christ l’a témoigné en disant : Faites-vous des amis des richesses d’iniquité. (Lc. 16,9) – Mais quoi, si on a reçu l’héritage de son père ? – Eh bien, on a reçu le fruit de l’iniquité. Ce n’est pas depuis Adam que sa famille est riche ; il est probable que beaucoup de ses ancêtres ont vécu obscurs et qu’il s’en est trouvé un qui s’est enrichi en usurpant le bien d’autrui. – Mais Abraham possédait-il des richesses injustes ? et Job. l’homme sans reproche, juste, véridique, pieux, qui s’abstenait de tout mal ? Leurs richesses ne consistaient pas dans l’or, dans l’argent ni dans les édifices, mais en troupeaux, et celui-ci fut enrichi par Dieu[1]. Qu’il fût riche en troupeaux, cela résulte manifestement du texte où l’écrivain, énumérant ce qui arriva à ce saint personnage, dit que ses chameaux, ses cavales et ses ânes périrent, mais ne dit pas que l’on vint lui enlever son or. Abraham était riche en serviteurs. Quoi donc, les avait-il achetés ? Nullement ; c’est pourquoi l’Écriture dit que ses trois cent dix-huit serviteurs

  1. Θεόπλουτος, obscurius dictum, dit ici Field, dans une note. Montf. : Etiam secundum Deum dives erat. Mais voyez Job. 42,12.