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nous témoignerait-il pas ainsi une grande amitié ? Maintenant Dieu nous a confié ce mystère. Et comment, direz-vous, appeler mystère ce que tous connaissent ? Non, certes, tous ne le connaissent pas. On l’ignorait avant qu’il fût révélé, et c’est maintenant qu’il a été manifesté aux hommes.
2. Rendons-nous donc dignes d’être les gardiens de ce mystère. Dieu nous a confié un mystère si grand ! et nous, nous ne lui confions pas nos biens. Mais lui-même vous dit de les déposer entre ses mains, où personne ne vous les ravira, où les vers ni les voleurs ne sauraient les atteindre ; il nous promet de nous les rendre au centuple, et nous ne le croyons pas. Cependant, quand nous confions un dépôt à un homme, il ne nous rend rien de plus, et, s’il nous le rend tout entier, nous en sommes reconnaissants ; nous n’exigeons pas, si un voleur l’a ravi, qu’on nous en tienne compte, non plus que si les vers l’ont rongé. Dieu nous rend ici le centuple, il y joint là vie éternelle dans l’autre monde, et personne ne lui confie ses biens. Mais, dit-on, il tarde à les rendre. C’est la plus grande preuve de sa libéralité que de ne pas nous les rendre dans cette vie, sujette à tant d’accidents, mais ici même il nous rend le centuple. Dites-moi, en effet, Paul n’a-t-il pas quitté le tranchet, Pierre la ligne et l’hameçon, Matthieu son bureau, et la terre n’a-t-elle pas été ouverte devant leurs pas plus que devant ceux des rois ? N’est-ce pas à leurs pieds qu’étaient déposées les richesses de tous ? Ne les en faisait-on pas les dispensateurs et les maîtres ? Les âmes ne leur étaient-elles pas confiées, ne s’en remettait-on pas à leur volonté, se déclarant leurs serviteurs ?
Et combien de faits semblables se passent aujourd’hui autour de nous ? Combien d’hommes petits et chétifs, ne maniant que le hoyau, ayant à peine la nourriture nécessaire, sont, parce qu’ils portent le nom de moines, élevés à nos yeux au-dessus de tous et honorés par les souverains ? Mais c’est peu ; songez que ce n’est que le surcroît ; le principal nous est dispensé dans le siècle à venir. Méprisez les richesses, si vous voulez posséder des richesses ; si vous voulez être riche, faites-vous pauvre. Ce sont là les paradoxes de Dieu : il ne veut pas que vous deveniez riche par vos propres efforts, mais par sa grâce. Renonce à cela pour moi, nous dit-il, occupe-toi des objets spirituels, afin d’apprendre à connaître ma puissance ; fuis l’esclavage et le joug des richesses. Tant que tu es retenu par elles, tu es pauvre ; lorsque tu les auras méprisées, tu seras doublement riche, parce que tout abondera entre tes mains et parce que tu n’auras plus besoin de ce qu’il faut au commun des hommes. Être riche, en effet, ce n’est pas posséder beaucoup, c’est avoir besoin de peu : en tant qu’il a des besoins, un roi ne diffère pas d’un pauvre. La pauvreté, c’est avoir besoin de ce qu’on n’a pas ; en sorte qu’un roi est pauvre en tant qu’il a besoin de ses sujets. Mais il n’en est pas ainsi de celui qui a crucifié sa chair : il n’a besoin de personne ; ses mains suffisent pour le nourrir. « Mes mains nous ont entretenu, mes compagnons et moi ». (Act. 20,34) Paul exprimait cette pensée quand il disait : « Comme n’ayant rien et possédant tout » (2Cor. 6,10), lui que les habitants de Lystre ont honoré comme un Dieu. Si vous voulez obtenir le monde, recherchez le ciel ; si vous voulez jouir des biens d’ici-bas, méprisez-les. « Cherchez le royaume des cieux », dit le Sauveur, « et tout le reste vous sera donné par surcroît ». (Mt. 6,33)
Pourquoi admirer de si petites choses ? Pourquoi cet enthousiasme pour ce qui ne mérite aucune estime ? Jusqu’à quand serez-vous pauvre et mendiant ? Levez vos regards vers le ciel, pensez au trésor qu’il renferme, riez-vous de l’or, apprenez-en l’usage et le prix. La jouissance bornée à la vie présente, à cette vie sujette aux accidents, c’est comme un grain de sable ou plutôt comme une goutte d’eau, comparée à un immense abîme ; telle est la vie présente comparée à la vie future. Ce n’est point possession, c’est usage ; vous n’êtes pas propriétaire, car, dès que vous aurez expiré, que vous le vouliez ou non, d’autres recevront Nos biens et les transmettront encore à d’autres, qui les transmettront à leur tour. Nous sommes tous des hôtes, et le maître d’une maison n’en est que le locataire. Souvent, après sa mort, un autre en jouit plus que lui, et le premier maître n’avait pas une condition différente. Il s’est donné beaucoup de peine pour élever cette demeure et la restaurer ; mais la propriété n’est que nominale : en réalité ce que nous avons n’est pas à nous. Nous ne possédons que ce que nous envoyons devant nous dans l’autre monde ; ce qui reste